MCCLXXXVII
Rémission donnée en faveur d'Etienne Hérissé, Pierre Pinart et Jean Guillaudeau, responsables de la mort de Thoraine Effray, prétendue sorcière, qu'ils avaient emmenée en chemise, une nuit de décembre, au bout du village d'Andillé en Loudunais, sous prétexte de lui demander de désensorceler ledit Pinart.
- B AN JJ. 187, n° 173, fol. 89 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble suplicacion de Estienne Herissé, Pierre Pinart et Jehan Guillaudeau, contenant que, le lundi après la feste de Nouel et jour de saint Estienne derrenierement passé, entre huit et neuf heures de nuit, ilz se transportèrent ou village de Andillé ou pays de Loudunois, ouquel village demouroit une femme nommée Thomine l'Effrayte, aagée de lx. ans ou environ, qui estoit renommée d'estre sorcière, laquelle estoit couchée en son lit, vestue de sa chemise et chaussée de ses chausses; laquelle ilz firent lever en l'estat qu'elle estoit et la mirent hors de la maison en laquelle estoit couchée et la menèrent en ce point à part dudit villaige, sans la batre ne fraper, et pour ce que troys ou quatre ans avoit que ladite Thomine avoit emblé audit Pinart, en faisant son lit, ung bonnet, du larrecin duquel bonnet elle fut trouvée actaincte et qu'il se doubtoit que, en haine de ce elle l'eust ensorcelé, à l'occasion de ce que depuis le larrecin dudit bonnet, la peau de son corps et de ses bratz luy est tumbée, les diz suplians, à l'occasion dessusdicte, l'interrogèrent tous ensemble pourquoy elle avoit ensorcellé ledit Pinart et aussi ung homme de bien, nommé Jehan Souchier, et ung autre nommé Jehan Lemée, et la fille de Estienne Thomas, [p. 58] et que de ce ledit jour et par avant avoit esté grant bruit et parolles en la parroisse, ilz se transportèrent par devers ladite Thomine et luy requirent que, si elle avoit fait telles sorcelleries, qu'elle le voulsist deffaire. Ausqueulx elle respondit qu'ilz s'en allassent par devant ung nommé Gaudin, lequel estoit de la suite et avoit acoustumé de deffaire telles choses. Lesqueulx suplians, voyans qu'elle ne vouloit autre chose dire, la ramenèrent doulcement oudit villaige, sans la batre ne luy faire autre desplaisir ou mal et la mirent à Puis de l'oustel où ilz l'avoient prinse ; ouquel houstel estoient couchez son filz et la femme de son dit filz, et la laissèrent à l'uy dudit houstel, pensans que son dit filz et sa femme luy ouvrissent l'uys et la feissent chauffer ; et atant se departirent lesdiz suplians et s'en allèrent au lieu dont ilz estoient venuz. Et le lendemain qui fut le mardi enssuivans les diz suplians oyrent que ladite Thomine estoit allée de vie à trespassement icelle nuyt, et n'avoit sur elle aucuns coups, bateures, coups orbes, ne autre chose dont elle deust estre morte, se ce n'est de froidure ; et presume l'en que elle est morte de froidure ou de maladie à elle sourvenue, pour ce que deux ou troys jours devant, elle desiroit mourir. A l'occasion duquel cas, les diz suplians doubtent que on vueille contre eulx proceder à prinse et emprisonnement de leurs personnes, ou autrement à pugnicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit est, et qu'ilz n'ont ladite Thomine batue ne fait autre chose que dit est, et qu'elle estoit renommée d'estre sorcière et avoir ensorcelé ledit Soucher et luy avoir fait le mal qu'il souffiroit de jour en jour, et pareillement avoit fait mourir le père dudit Lemée, deux beufz et deux jumens, et pareillement d'avoir ensorcellé la fille dudit Thomas, tellement que elle courroit folle parmy les chemins toute nue, et de avoir fait mourir oudit villaige la femme de ung nommé [p. 59] Laurens Effray, qu'ilz n'allèrent point vers ladite Thomine en entencion de la batre,frapper ne la mutiller, aussi ne l'ont ilz point fait, et n'y allèrent tant seulement que en entencion de parler à elle, pour deffaire ce qu'elle avoit fait audit Pinart, qui se doubtoit que elle l'eust ensorcellé et en entencion qu'elle la guerist ou deffeist ce que elle avoit fait, que ilz sont gens de bon fasme, renommée, honneste conversacion, non actains ou convaincuz d'aucun villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise leur impartir icelles. Pour quoy nous,attendu cequedit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz suplians avons, en l'onneur et reverance de la Passion Nostre Seigneur Jhesu Christ qui à tel jour souffrist mort et passion, quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou, bailly de Touraine, des ressors et exempcions d'Anjou et du Maine, ou à leurs lieuxtenans, etc. Donné à Tours, ou moys de mars l'an de grace mil cccc. cinquante sept, et de nostre règne le xxxvie avant Pasques.
Ainsi signé : Par le roy, tenans ses requestes , èsquelles vous, maistres Jehan Tudert1, George [p. 60] Havart2 Françoys Hallé3, et plusieurs autres estoient. — Visa. Contentor. Chaligaut.