MCCCLXX
Rémission en faveur de Jean Pasquier, natif de Poitiers, cordonnier à Niort, sous le coup de poursuites pour avoir volé à sa tante une somme d'or très importante.
- B AN JJ. 198, n° 370, fol. 337
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de Jehan Pasquier, contenant que par aucun temps il, qui est jeune homme de l'aage devint et deux ans ou environ, natif de la ville de Poictiers, a demouré en la ville de Nyort, où ilec il a gaigné sa vie et entretenu son estat en faisant et excercant son mestier de cordouanerie au mielx qu'il a peu. En laquelle ville de Nyort il a une ante nommée Jacquète de La Lande, laquelle est mariée avec ung nommé Guillaume Goues, marchant demourant en icelle ville de Nyort. Laquelle Jacquète Delalande mena icellui suppliant, son nepveu, avecques [p. 374] elle en la ville de Poictiers, à la saint Jehan Baptiste derrenière passée, au pardon qui est en l'eglise monsieur Saint Hylaire, pour l'acompaigner, auquel lieu de Poictiers sadicte ante le laissa, sans lui bailler ne laisser denier ne maille pour s'en retourner en ladicte ville de Nyort, combien qu'il feust allé en ladicte ville de Poictiers à la requeste d'elle et pour luy tenir compaignie ; et convint audit suppliant s'en retourner dudit lieu de Poictiers audit Nyort à grant povreté et misère, à l'aide et aumosne des bonnes gens. Et luy retourné en ladicte ville de Nyort, ladicte Jacquète, son ante, n'en tenoit compte et ne lui challoit de luy et de son avancement et entretenement, et se servoit de luy en tant qu'elle povoit. Et ce voiant et considerant ledit suppliant que ladicte Jacquète, son ante, lui avoit tenu et tenoit les termes de rigueur dont dessus est faicte mencion, se mezencolia et disposa en soy de s'en aller hors de ladicte ville de Nyort, et pour ce qu'il estoit et est pouvre compaignon et n'avoit de quoy vivre ne pour s'en aller, pensa en soy d'avoir de l'argent de ladicte Jacquète, son ante, et lui estant en icelle mezencolie, le dimanche gras derrenier passé, sur l'eure de vespres qui estoit heure de abiller à soupper, icellui suppliant en allant querir ung trancheur sur le dressouer estant en la maison de sadicte ante, trouva et print les clefz d'icelle son ante, qui estoient de certains ses coffres et maisons ; et ce fait, icellui suppliant ne voult soupper avec sadicte ante, mais s'en alla soupper en l'ostel de Jehan Boutin, cordouanier, demourant en ladicte ville de Nyort. Et après icellui suppliant ala achapterune chandelle de suif pour soy esclarer, laquelle il aluma et, ce fait, se transporta en une maison située et assise en ladicte ville de Nyort, qui estoit et appartient à sadicte ante. Et quant ledit suppliant fut en ladicte maison, il cercha et trouva xxviii. escuz en ung petit boursault, dont il en print les huit et douze solz six deniers en monnoye. Et [p. 375] quant il fut près l'uys de ladicte maison, en soy retournant, regarda au pié d'un coffre et illec trouva ung pot ouquel avoit six cens cinquante pièces d'or...1, dessus declarée, il print et emporta en une bougète en laquelle il les mist, et s'en ala à deux lieues près d'Angiers, en la maison d'un nommé Alain du Haultbrueil qui tient hostelerie, en laquelle il loga et bailla sadicte bougète où estoit ladicte somme et quantité d'or en garde à l'ostesse de ladicte hostellerie. En laquelle hostellerie devers le soir survindrent loger deux compaignons, l'un desquielx estoit d'Orléans, clerc d'un marchant demourant audit lieu à la porte du pont, et l'autre compaignon estoit de Lamballe. Et quant ledit suppliant fut couché, dist ladicte hostesse de nuyt à son mary, en la presence dudit compaignon de Lamballe, telles paroles ou semblables : « Cest homme qui est logé seans m'a baillé ung doublier ouquel a un bougète tant pesante que merveilles ». Adonc lesdiz hoste, hostesse et compaignon de Lamballe rompirent ladicte bougète, l'ouvrirent et regardèrent qu'il y avoit dedans, et quant ilz eurent veu et apperceu qu'il y avoit la finance dessus dicte, ne disdrent mot jusques au matin, et ledit matin venu, icellui suppliant demanda à ladicte hostesse son doublier, sadicte bougette et ses besoingnes qu'il luy avoit baillées en garde. A quoy lesdiz compaignons d'Orléans et de Lamballe deffendirent ausdiz hoste et hostesse qu'ilz ne lui en baillassent riens. Et voiant icellui suppliant qu'il n'en povoit riens avoir, leur dist et declaira la verité du cas et comme il avoit prins et desrobé ladicte somme à ladicte Jacquète, son ante. Et lors les dessus nommez disdrent audit suppliant qu'il n'auroit nul desplaisir. Et après ce icellui suppliant, lesdiz hoste, hostesse [et compaignons] despartirent ladicte somme d'or en la manière qui s'ensuit, c'est assavoir audit suppliant [p. 376] pour sa part deux cens pièces d'or ; audit compaignon d'Orleans cent pièces, audit compaignon de Lamballe cent pièces, audit hoste cent pièces d'or et à ladicte hostessé cinquante pièces, et cinquante autres pièces qu'elle avoit paravant prises en ladicte bougète, qui sont en somme tant à son mary que à elle deux cens pièces d'or. De partie de laquelle somme ladicte Jacquèle a eu par ledit suppliant restitucion. A l'occasion duquel cas ainsi commis, fait et perpetré par ledit suppliant, icellui n'ose et n'oseroit aller ne converser en ladicte ville de Nyort ne ailleurs oudit pays de Poictou, doubtant rigueur de justice et d'estre pugny corporellement, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour ce est il que nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde préferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chartres, ou moys de juillet lan de grace mil cccc. soixante deux, et de nostre règne le premier.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. A. Gontier. — Visa. Contentor. Chaligault.