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MCCCXVIII

Rémission accordée à Pierre Célier, homme de labour, poursuivi par la cour de Pouzauges pour avoir frappé et blessé Jean Gaborit, avec lequel il était en état d'assurement.

  • B AN JJ. 188, n° 150, fol. 74 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Pierre Celier, povre simple homme de labour, contenant que, le xxve jour de juillet derrenier passé, feste de saint Jacques et saint Christofle, ung nommé Jehan Gaborit se transporta en ung heritaige appartenant audit suppliant, estant de son domaine, et monta en ung [p. 185] cerisier pour cuillir des cerises, et ainsi qu'il les cuilloit, il rompit des branches dudit cerisier, et en ce faisant, survint Jehan Celier, filz dudit suppliant, qui dist audit Gaborit que c'estoit mal fait de rompre ledit arbre ; à quoy il luy respondit que ledit cerisier n'estoit pas sien, et après plusieurs paroles, descendit dudit arbre pour le cuider batre, mais il s'en fouyt en l'ostel dudit suppliant, son père, qui estoit ilec près ; et devers le soir, quant ledit suppliant fut venu, ledit Jehan son filz luy rapporta ce que dit est. Et le landemain, xxvie jour dudit mois, icelluy suppliant se transporta en une maison appellée la Gaillardière, où a taverne publicque, et ilec fut boire depuis le matin jusques environ soleil couchant, et aussi y fut boire ledit Gaborit, comme l'en dit ; et quant ledit [suppliant] eut beu, il se mit à chemin avec deux ou trois autres pour s'en retourner en son hostel, et en alant, trouva d'aventure oudit chemin ung petit baston, non pensant le y trouver. Et quant ilz eurent plus avant alé, rencontrèrent ledit Gaborit qui venoit d'ailleurs, auquel ledit suppliant dist telles parolles ou semblables : « Ha ! Gaborit, pourquoy rompiez vous hier mes cerisiers, et vouliez batre mon filz ?» A quoy il respondit que les cerisiers n'estoient pas siens. Et lors ledit suppliant luy dist tout incontinent, comme eschauffé et embeu de vin, qu'il avoit menti ; et en ce disant, ledit Gaborit qui estoit sur une juement, tourna la teste de sadicte juement contre ledit suppliant, à luy disant que luy mesmes avoit menti ; et adonc ledit suppliant hausssa ledit baston qu'il avoit trouvé, et luy en donna sur la cornière du front, dont il cheut de sadicte juement à terre et en yssit effusion de sang; et depuis qu'il fut cheut, le frappa ung coup, duquel ledit baston rompit. Et depuis ledit Gaborit se redressa et print ledit suppliant par la poictrine, lequel se voyant...1 frappa ledit Gaborit plusieurs [p. 186] coups du poing, et atant se departirent. Et depuis les autres, qui estoient en la compaignie dudit suppliant, prindrent ledit Gaborit et le mirent sur sadicte jument, et l'emmenèrent en l'ostel d'un nommé Oliveau, où il fut apareillé, et de là s'en ala de luy mesmes en son hostel ; et trois ou quatre jours après, il fut guery, au moins aloit en ses besongnes comme paravant, et de present est du tout guery, et se sont luy et ledit suppliant pardonnez l'un l'autre et ont appoincté ensemble. Mais ce non obstant, à l'occasion dudit cas et de ce qu'ilz avoient seureté l'un de l'autre, par l'ordonnance de la court de Pousauges2 qui est la justice ordinaire dudit lieu, a esté procedé contre ledit suppliant, lequel doubte qu'elle vueille contre luy tendre à pugnicion corporelle, selon la coustume du païs de Poictou, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties ; humblement requerant que, attendu ce que dit est, que ledit Gaborit est guery et ne s'en est aucune mort ensuye, que aujour et heure de ladite bateure, il estoit fort chargié et embeu de vin, et que en tous autres cas il est bien famé et renommé, il nous plaise sur ce luy impartir nosdictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant à son siège ele Fontenay le Conte, et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans, etc. Donné à Chinon, ou mois d'aoust l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. G. de Thoucy. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

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1 Plusieurs mots omis par le scribe.
2 Le seigneur de Pouzauges était André de Laval, sire de Lohéac, à cause de sa femme, fille de Gilles de Rais et de Catherine de Thouars, dame de Pouzauges et de Tiffauges. (Voy. notre vol. précédent,p. 398, note.)