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MCCCLIX

Lettres d'amortissement d'une rente de soixante livres sur les revenus de l'île de Ré, confirmée par Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, à l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm, pour la fondation d'une messe quotidienne en ladite abbaye, ordonnée par Marguerite de Thouars, dame de Talmont, dans son testament.

  • B AN JJ. 198, n° 335, fol. 297
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, parla grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que comme nostre chier et feal cousin Loys d'Amboise, viconte de Thouars1, seigneur de Talemont et de l'isle de Re, nous a fait dire et remonstrer que feue Marguerite de Thouars, en son vivant dame des- [p. 331] diz lieux de Talemont et de l'isle de Re2 [voult] et ordonna par son testament et ordonnance de derrenière voulenté, estre dit et celebré de là en avant perpetuelment, pour le salut de son ame et de ses parens et amys trespassez, tous les jours de l'an, une messe en l'eglise et abbaye de Saint Michel en Lair, par les religieux, abbé et convent de ladicte abbaie3 ; et pour ce faire et continuer, donna et legua à ladicte abbaye soixante livres tournois de rente anuelle et perpetuelle, à icelle avoir et prandre pour chascun an sur la revenue de ladicte ysle de Ré, à deux termes, par la main du receveur d'icelle ysle pour le seigneur. Et avecques ce, voult et ordonna que ses heritiers et successeurs, mesmement les seigneur ou seigneurs qui tiendront ladicte ysle, fussent tenuz d'amortir lesdictes soixante livres tournois de rente et en paier l'indempnité qui à ceste cause en pourroit estre deue. Laquelle rente nostredit cousin, comme seigneur, ou ses gens et officiers ont tousjours paiée [p. 332] et continuée ausdiz abbé et convent de Saint Michel en Lair, et d'icelle rente ont joy iceulx religieux jusques à puis naguières que nostre procureur et les commissaires ordonnez sur le fait des francs fiefz ont en la perception de ladicte rente donné empeschement et icelle fait mettre en nostre main, et commandé qu'ilz en vuidassent leurs mains, comme lesdiz religieux ont donné à entendre à nostredit cousin. Lequel, à ceste cause, se soit traict par devers nous et nous a fait remonstrer le vouloir et entencion de la dicte feue Marguerite de Thouars et l'ordonnance par elle faicte, pour le salut de son ame, et pour icelle chargé nostredit cousin, comme son heritier, de paier ladicte rente sur la revenue dudit ysle de Ré, et de icelle admortir, que grant charge dame et de conscience seroit à lui, se lesdictes messes n'estoient dictes et celebrées par lesdiz religieux, selon et en ensuivant le vouloir et entencion de la dicte Marguerite, ce que ne pourroient faire lesdiz religieux, s'ilz estoient contrains de vuider leurs mains d'icelle rente, et qu'ilz ne la peussent avoir et prandre ; en nous humblement requerant qu'il nous plaise octroyer et consentir que lesdiz religieux, abbé et convent de Saint Michel en Lair puissent tenir lesdictes soixante livres tournois de rente, à eulx ainsi leguées et ordonnées par ladicte feue Marguerite de Thouars, et icelle leur admortir et sur ce leur impartir nostre grace. Pour quoy nous, ce que dit est consideré, desirans le vouloir et entencion de ladicte Marguerite de Thouars estre acomply, pour honneur et reverance de monsieur saint Michel, et que tousjours soions participans ès biensfaiz et oroisons de ladicte eglise, ausdiz religieux, abbé et convent de ladicte eglise de Saint Michel en Lair avons octroyé et octroyons qu'ilz puissent et leur loise, et leurs successeurs, tenir lesdictes soixante livres tournois de rente sur la revenue dudit ysle de Ré, comme admorties et à Dieu dediées. Et laquelle rente nous leur avons admortie et admortissons de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, sanz ce qu'ilz ne leurs successeurs soient ne puissent estre contraincts à icelle rente de soixante livres tournois vuider ne mettre hors de leurs mains, ne pour ce en paier aucune finance ou indempnité ; et laquelle nous, en faveur et consideracion des choses dessus dictes et autres à ce nous mouvans, leur avons donnée et quictée, donnons et quictons par ces dictes presentes, signées de nostre main. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers à Paris, au seneschal de Xantonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartiendra, que de nostre presente grace, admortissement et octroy facent, seuffrent et laissent lesdiz religieux, abbé et convent de Saint Michel en Lair et leurs successeurs joir et user plainement et paisiblement, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun empeschement au contraire. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces dictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Saint Jehan d'Angely, ou moys de fevrier l'an de grace mil cccc. soixante et ung, et de nostre règne le premier.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Le Prevost. — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, comte de Benon et de Guines, seigneur de Talmont, Mauléon, Montrichard, nie de Ré, Marans, etc., fils d'Ingelger II, seigneur d'Amboise, et de Jeanne de Craon, avait hérité en 1422 de tous les biens de son oncle Pierre d'Amboise, vicomte de Thouars ; il mourut dans les premiers mois de l'année 1470. (Voy. une longue notice relative à ce personnage dans notre t. VIII, p. 60-62.). Le vicomte de Thouars venait de vendre à Louis XI (25 février 1462 n. s.) ladite vicomté et les seigneuries de Mauléon et de Berrie pour la somme de 100.000 écus d'or, avec la réserve de l'usufruit et une pension de 4.000 livres sa vie durant (Arch. nat., P. 2299, p. 284), acte qui fut attaqué par ses héritiers naturels et donna lieu à un procès dont parle l'histoire. Marié deux fois, la première à Marie de Rieux, la seconde à Nicole de Chambes, fille de Jean de Chambes, seigneur de Montsoreau, et de Jeanne Chabot, il n'eut point d'enfants de cette dernière. Du premier lit il avait eu seulement trois filles: Françoise, femme de Pierre II, duc de Bretagne, qui décéda sans postérité ; Pernelle, femme de Guillaume d'Harcourt, comte de Tancarville, morte la première (1453), aussi sans enfants ; et Marguerite, qui avait épousé Louis de La Trémoïlle, fils de Georges, le célèbre ministre de Charles VII, et de Catherine, dame de l'Isle-Bouchard. Par acte du 24 mars 1469 n. s., Françoise d'Amboise, duchesse de Bretagne, fit abandon à Louis de La Trémoïlle, fils de sa sœur, de tous les droits et intérêts qu'elle pouvait avoir dans le procès intenté à leur père Louis d'Amboise, au sujet de la vente qu'il avait faite au roi de la vicomté de Thouars (Coll. dom Fonteneau, t. XXVI, p. 425, 449), de sorte que Marguerite, la plus jeune, et son mari restèrent seuls à revendiquer ce riche héritage. On sait ce qu'il en advint et comment, après avoir été dépouillé iniquement par Louis xi, Louis de La Trémoïlle fut remis en possession de Thouars par la régente Anne de Beaujeu.
2 Marguerite de Thouars, dame de Talmont, Curzon, la Chaise-le-Vicomte, nie de Ré, etc., troisième fille de Louis vicomte de Thouars, et de Jeanne de Dreux, avait épousé : lo Thomas, seigneur de Chemillé et de Mortagne ; 2° vers 1375, Guy V Turpin, seigneur de Crissé et de Vihiers. Elle mourut après le 23 octobre 1404. La fondation de messe qu'elle avait faite en l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm, dont il est question dans le présent acte, est du 6 février 1404 n. s. (Cf. Arch. hist. du Poitou, t. XXI, p. 104, note ; t. XXVI, p. 72, note.)
3 L'abbé de Saint-Michel-en-l'Herm était alors Guillaume III, mentionné, d'après des actes authentiques, entre le 31 décembre 1452 et le 30 avril 1475. (Chartes du fonds Gaignières,à la Bibl. nat.) Cette même année 1452, au mois de juillet, dit la Gallia christiana, l'abbaye fut dévastée par Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, et le seigneur de Chateaubriand. L'année suivante, l'abbé Guillaume confirma en chapitre général, le jour de saint Michel, un échange fait, le 8 mai, par Michel Savary, prieur de Saint-Sauveur de Mareuil (t. II, col. 1421). Le même recueil dit que l'on trouve le nom du prédécesseur immédiat de Guillaume III, Richard Paule, cité dans des chartes originales des 24 décembre 1445, 20 novembre 1446, 12 novembre 1448, 30 novembre 1449, 2 décembre 1450 et 31 décembre 1451 ; mais il ne parle point de la compétition au possessoire qui s'éleva entre Jean Morin et ce Richard Paule, compétition qui donna lieu à des violences, puis à un procès criminel, auquel furent mêlés Jean Giffart, chevalier, et plusieurs autres. Nous nous contenterons de l'indiquer ici, sans en faire l'exposé, d'après six passages des registres du Parlement, des 9 août 1444, 22 février, 16 mars et 2 juillet 1445, 12 juillet 1446 et 5 février 1448. (Arch. nat., X2a 23, fol. 181 v° et 380 ; X2a 24, aux dates.)