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MCCCLXXX

Rémission en faveur de Thomas Jaladeau, qui s'était occupé d'alchimie et avait procuré à deux associés les moyens matériels de fabriquer de l'argent et de la fausse monnaie, et en avait bénéficié luimême.

  • B AN JJ. 198, n° 512, fol. 456 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, parla grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 409] à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de maistre Thomas Jaladeau1 chargé de jeune femme de l'aage de dix huit ans ou environ, contenant que, environ la feste de la Nativité Nostre Dame derrenière passée a eu ung an, que ledit suppliant qui encores n'estoit marié, se complaignit à ung nommé frère Simon, cordellier de l'observance, de sa pouvreté et des debtes qu'il devoit, lequel cordelier lui dist qu'il lui conseilleroit ou apprendroit à faire l'argent d'arquemie, dont il paieroit ses credicteurs et s'en pourroit enrichir. De laquelle chose icellui suppliant, qui ne pensoit en nul mal, fut content et après ce a besongné audit fait d'arquemie par l'espace de troys mois ou environ et fist dix ou douze mares d'argent, et pour ce qu'il ne le pouvoit convertir en argent fin ne mettre en manière qu'il en peust recouvrer ce qu'il y avoit mis et frayé, en parla à plusieurs personnes et mesmement à ung nommé Jehan Agenault, lequel lui dist qu'il savoit bien homme qui le lui mettroit bien en façon qu'il s'en aideroit et le lui feroit venir quant il vouldroit, dont ledit suppliant fut content. Et dix ou douze jours après, ledit Jehan Agenault l'amena avec ung autre en l'ostel dudit suppliant ; ausquelz icellui suppliant con la son cas et ilz lui dirent qu'ilz feroient bien sa besongne, mais qu'il leur baillast hostel secret et gens secretz et des paisles d'arain, et aussi ledit argent d'arquemie. Et lors ledit suppliant leur dist qu'ilz le povoient bien faire en sa maison mieulx que en hostel de la ville, et que pour ce [p. 410] qu'il éstoit juge de ladicte ville, personne ne venoit en sa maison. Après ce leur baillà gens et paisles d'arain et ledit argent d'arquémie lesquelz peu après rompirent lesdictes paisles et en firent des paisles (sic) qu'ilz rondirent et blanchirérit et en firent des targes2 en ung coing que grava l'un de ceulx que ledit Jehan Agenault avoit amenez [et en firent] certaine quantité en l'ostel dudit suppliant, lequel par plusieurs foiz à ce faire les regarda, mais il n'y besongna point. Desquelles targes il en eut èn sa part x. livres tournois ou environ lesquelles il a depuis emploiées et baillées ainsi qu'il s'énsuit : c'est assavoir a ung appellé Saulteron pour ix. [solz] qu'il lui devoit et c. solz ou vi. livres à Josselin Mignot, qui savoit bien qu'elles estoient faulses, parce qu'il avoit esté à les faire; pour icelles targes emploier, lesquelz c. solz ou vi. livres ledit Josselin n'a aucunement emploiées. Desquelles targes icellui suppliant donna [aucunes] à une sienne niepce et le demourant n'a point emploié. Depuis lesquelles choses cellui qui avoit faictès lesdictes targes manda audit suppliant qu'il lui envoyast son cheval et qu'il yroit parachever le demourant desdites targes, ce que ledit suppliant fist, et son manteau aussi, par son clerc qu'il garda avant que venir, depuis karesme prenant derrenier passé jusques à Pasques ensuivant ou environ, qu'il vint et se rendit en la maison dudit suppliant, pour parachever de faire le demourant desdictes targes. Lequel suppliant à celle heure ne voult à ce faire besongner et lui baillast le surplus des targes qui lui estoient demourées. Lequel ouvrier, après ce qu'il eut icelles targes, s'èn ala et promist audit suppliant de retourner, ce qu'il n'a fait, et ne le vit oncques puis icellui suppliant. À l'occasion duquel cas, ledit, suppliant, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du païs et a delaissé Marie Cospete, sa femme, qui est de [p. 411] bonne maison; et n'oseroit audit païs plus retourner, converser, né repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce par nous imparties, si comme ladicte Marie, sa femme, nous a fait dire et remonstrer, en nous humblement requerant icelle Marie que, attendu que en tous autres cas sondit mary, suppliant, est bien famé et renommé et ne fut jamais actainct ne convaincu d'aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et aussi qu'elle est jeune femme et de bonne maison et nouvelle mariée, il nous plaise nosdictes grace et misericorde lui impartir. Pour ce est il que nous, ce consideré, inclinans à la supplicacion et requeste de ladicte femme, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui suppliant, en faveur de sadicte femme, avons le fait et cas dessus declairé aboly, quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Limosin et à tous noz autres justiciers, etc.

Donné à Celles en Poictou, le viie jour de janvier l'an de grace mil cccc. soixante et deux, et de nostre règne le deuxiesme.

Ainsi signé : Par le roy, les sires du Lau, de Landes3, de Beauvoir4, maistre Estienne Chevalier et plusieurs autres presens. Rolant. — Visa. Çontentor. J. Duban.


1 Deux proches parents de Thomas Jaladeau, Guillaume Jaladeau, son neveu, et Daniel Jaladeau, son cousin germain, compromis dans cette affaire, parce qu'ils avaient fourni le charbon nécessaire aux opérations des prétendus alchimistes, faux monnayeurs, obtinrent aussi des lettres de rémission données à Tours, en avril 1465. (JJ. 199, n° 538, fol. 338.) Nous n'en publierons pas le texte, qui n'apprend rien de plus que celui-ci. Nous y relèverons seulement cette phrase : a Thomas a esté ung puissant homme jusques à ce que, pour cuider devenir plus riche, il s'est meslé de faire or d'arquemie ». C'est lui qui avait engagé son cousin et son neveu à fuir et à se cacher, jusqu'à ce que l'affaire fût arrangée.
2 Monnaie de Bretagne.
3 Charles de Melun, baron des Landes. (Cf. ci-dessus, p. 356, note 2.)
4 Cf. ci-dessus, p. 394, note.