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MCCCII

Rémission accordée à Jacques Le Jude, écuyer, seigneur de Maugué, qui, soupçonnant son page de lui avoir dérobé un écu, l'avait maltraité au point d'avoir occasionné sa mort.

  • B AN JJ. 188, n° 60, fol. 30 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.
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Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Jaques Le Jude, escuier, seigneur de Maugué, contenant que, comme ledit suppliant soit homme [p. 104] de bien et d'estat doulx et paisible, et tousjours s'est gou verné et vesqu et conversé doulcement et paisiblement entre ses congnoissans, sans ce que jamais il fist chose qui fust digne de reprehencion, et dès son jeune aage s'est employé en nostre service ou faict de la guerre, où il s'est honnorablement porté, et mesmement ou voyage de Tartas1 il se y porta grandement et honnorablement durant icelluy, et fut le premier qui entra dedens Saint Sever2, quant il fut pris derrenierement ; et depuis a esté et est de nostre ordonnance et retenue, soubz la charge de nostre cher et feal cousin le sire d'Orval3. Or est il ainsi que puis naguères ledit suppliant, qui estoit logié à Connerré avec la compaignie de nostre dit cousin, demanda congié à nostre dit cousin ou à Poncet de Rivière4 lieute- [p. 105] nant d'icelluy nostre cousin, d'aler veoir ses besongnes, lequel le luy donna jusques au mois de mars, lors prouchainement venant ; et pour ce, le second jour du mois de decembre, ledit suppliant, qui se disposoit pour s'en aler en son hostel qui est en nostre païs de Poictou, laissa au matin son pourpoint en sa chambre sur son lit; ouquel pourpoint estoit sa bourse, en laquelle avoit sept escus neufz et deux frans en monnoye, et, luy estant hors son dit logis, ung nommé Simonnet, aagié de quinze ans ou environ, qui dès longtemps avoit esté son paige, et Valentin d'Alest, son varlet, prindrent ledit pourpoint et ladicte bourse, et comptèrent ledit or et argent, et après misdrent ledit pourpoint et ladicte bourse en ung petit coffre qui estoit en la chambre dudit suppliant. Et le tiers jour dudit mois de decembre, ledit Jaques suppliant s'en voult partir pour aler faire ses besongnes à sa maison, et [p. 106] prist sondit pourpoint pour prendre sadicte bourse et argent, lesquelz il trouva oudit coffret ; et lors icelluy suppliant print sadicte bourse et trouva que desdiz sept escus d'or qu'il y avoit mis n'en y avoit que six et qu'il en avoit esté prins ung escu. Et incontinent ledit suppliant appella ledit Valentin, son varlet, et luy demanda qui avoit esté en sa bourse et qui avoit mis son pourpoint oudit coffre ; lequel luy dist que se avoit esté luy, et que quant il luy mist, lesdiz sept escus et quarante solz y estoient, et que luy et ledit Simonnet l'avoient compté. Et lors ledit suppliant envoya querir icelluy Simonnet qui estoit en l'estable et luy demanda son escu, et luy dist qu'il luy avoit emblé et qu'il failloit qu'il le luy eust emblé, parce qu'il avoit la clef de la chambre, et que nul autre ne l'avoit emblé que luy, et comment qu'il fust, qu'il le rendist et il ne le batroit point, ou s'il ne le [p. 107] rendoit qu'il luy eopperoit une oreille, et luy lya les posses et fist semblant de luy copper l'oreille. Et lors ledit paige dist audit suppliant, son maistre, qu'il le laissast aler, et qu'il l'avoit baillé à une femme de la ville, et qu'il le yroit querir et l'apporteroit ; moiennant lesquelles parolles, il laissa aler ledit Simonnet vers la femme à qui il avoit baillé ledit escu, laquelle femme luy respondi qu'elle ne savoit que s'estoit. Et en icelle heure, ledit paige s'en voult fouir, mais ledit Valentin incontinent le print et le mena audit suppliant ; lequel suppliant luy dist qu'il avoit emblé son dit escu et aussi de l'argent et des esguillettes par plusieurs foiz ; et à ceste cause ledit suppliant estant en sadicte chambre fist despouiller ledit Simonnet tout nu et le mena devant le feu qui estoit en sadicte chambre, et luy dist qu'il luy feroit brûler les nages, s'il ne luy confessoit verité, et ilec le bati d'une coupple à coupler chiens, à quoy le dit suppliant vouloit couppler ses chiens d'oiseaux pour s'en aler, et le tint longuement près du feu en le batant dudit coupplet ; et pour ce qu'il ne voult riens confesser, il luy donna ung coup du pié contre le ventre, tant que ledit Simonnet cheut contre le feu et se brula les nages et l'eschine ; mais incontinent icelluy Simonnet se leva et ledit suppliant, qui de ce fut desplaisant, luy dist qu'il se vestist, ce qu'il fist. Et après icelluy suppliant ala querir une phisicienne, qui estoit en ladicte ville de Connerré, et luy monstra ce que sondit paige avoit ; laquelle luy dist qu'il avoit grant mal, mais que au plaisir Dieu, elle le gariroit bien ; et aussi en parla à ung barbier et luy recommanda ; et bailla ledit suppliant à ladicte phisicienne de l'argent, ce qu'elle luy demanda, pour le penser, et luy dist qu'elle le pensast bien, et qu'il la contenteroit si bien qu'elle en seroit bien contente, dont elle print la charge. Et incontinent ledit suppliant qui estoit tout prest pour s'en aler en sadicte maison, qui jamais ne creust que mal ou inconvenient [p. 108] venist audit Simonnet, s'en party du lieu et s'en ala en sadicte maison oudit païs de Poictou faire ses besongnes. Et depuis, ledit suppliant estant à sesdictes besongnes, luy a esté rapporté que de là à trois ou quatre jours qu'il s'en estoit party dudit lieu de Connerré, ledit Simonnet estoit alé de vie à trespas. A l'occasion duquel cas ainsi advenu que dit est, ledit suppliant doubte estre en dangier de justice, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant que, attendu la manière comment icelluy cas est avenu que dit est, et que icelluy suppliant ne cuidoit pas que mort s'en deust ensuir, et est vraysemblable à croire que, s'il eust esté bien gouverné il ne fust pas mort, que en tous autres cas icelluy suppliant s'est bien et doulcement gouverné, sans avoir fait ou commis, ne esté attaint ou convaincu d'aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nosdictes grace et misericorde luy impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulant misericorde preferer à rigueur de justice, audit Jacques Le Juge (sic), suppliant, en l'onneur et reverence de la Passion Nostre Seigneur, qui à tel jour souffry mort et passion, avons ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au....5 et à tous noz autres justiciers, etc. Donné aux Roches Tranchelion, ou mois de mars l'an de grace mil cccc. cinquante huit avant Pasques, et de nostre règne le xxxviie.

Ainsi signé : Par le roy tenant ses requestes, èsquelles les sires de Vauvert6, de Chasteaubrun7, maistres Georges [p. 109] Havart8, Jehan Le Boulengers9 et plusieurs autres estoient. A. Rolant. —Visa. Contentor. Chaligaut.


1 L'affaire connue dans l'histoire militaire de Charles VII sous le nom de «Journée de Tartas » (23 juin 1442) eut un grand retentissement. Le roi avait concentré et rangé en bataille une armée de 30.000 combattants devant cette ville, où les Anglais tenaient le sire d'Albret assiégé depuis l'année précédente. Les ennemis, n'osant soutenir le choc, se retirèrent et rendirent les otages.
2 Cette place avait été prise, au milieu de juin 1453, par l'armée commandée par le comte de Clermont et le comte de Foix, le fait d'armes de Jacques Le Jude, rappelé ici, est confirmé dans ce passage du troisième compte de Mathieu Beauvarlet, commis à la recette générale des finances : « Jacques Le Jude, escuier, lequel fut le premier qui entra dedans Saint Sever, quant la place fut reduite en l'obeissance du roi, VIXXVIII. livres X. sols en avril. » C'est un compte du 1er octobre 1452 au 30 septembre 1453, et le paiement eut lieu en avril suivant, (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 269.)
3 Arnaud-Amanieu d'Albret, sire d'Orval, troisième fils de Charles II, sire d'Albret, et d'Anne d'Armagnac, reçut en don de Charles VII les château, ville et châtellenie de Lesparre (août 1450). Louis XI le nomma son lieutenant général en Roussiilon, où il mourut l'an 1463.

4 Cette famille de Rivière, originaire de Gascogne, s'était fixée en Poitou par le mariage d'Odet de Rivière avec Blanche de Chanac, héritière des seigneuries de Château-Larcher et du Bourg-Archambaut. Nous avons relaté précédemment une partie des hauts faits et des brigandages de ce capitaine de routiers et de son frère Ponchon de Rivière (voy. notre tome VIII, Introduction, p. XLVI-XLVIII, et 408-410, note). Ce dernier qui prenait le titre d'écuyer d'écurie du roi et avait accompagné, en 1444, le dauphin Louis dans son expédition en Suisse et en Alsace, où il commandait les bandes gasconnes, fut tué pendant cette campagne, au siège de Saint-Hippolyte (Haut-Rhin), dans les premiers jours d'octobre, et fut enterré à Issenheim. (Tuetey, Les Ecercheurs sous Charles VII, t. I, p. 166 et 277.) Poncet de Rivière, chevalier, ici nommé, était son fils. Le 5 février 1463, Odet de Rivière et Blanche de Chanac, n'ayant pas d'enfants, firent don à celui-ci, leur neveu, de tous leurs droits sur la terre et châtellenie de Château-Larcher. (Coll. dom Fonteneau, t. LV.) Les revenus de ce domaine, que son oncle avait engagés sa vie durant, lui firent retour, quand le contrat d'échange eut été annulé par justice, comme on le verra ci-dessous, dans une note relative à Floridas Frotier (n° MCCCLXVI). Poncet de Rivière en rendit aveu au roi le 20 mars 1466 n. s., et une seconde fois, le 8 mars 1476 n. s. (Arch. nat., P. 1145, fol. 150, 152.) D'après un acte du 13 mai 1465, il était à cette date bailli de Montferrand et d'Usson (Bibl. nat., ms. fr. 26089, n° 393), et le premier compte de Jean Briçonnet, l'aîné (16 déc. 1466 au 30 septembre 1467) le qualifié conseiller et chambellan du roi. (ld., ms. fr. 20685, fol. 404 v°.) Suivant Chastelain, Poncet de Rivière fut l'un des chefs des troupes envoyées par Louis xi, au début de son règne, contre les Liégeois. (Chronique des ducs de Bourgogne, livre. VI, ch. XIV, édit. Kervyn de Lettenhove, t. IV, p. 70.) Il commandait à Montlhéry les archers de l'année royale. Un mandement du roi, daté de Saumur, le 10 avril 1465, ordonné à Antoine Raguier de payer au sr de Château-Larcherune somme de 412 livres 10 sols en 300 écus d'or pour son entretien. (Bibl. nat., ms. fr. 20496, fol. 14.) Néanmoins, peu de temps après, il quitta le service de Louis XI pour celui de Charles le Téméraire. A la suite de l'entrevue de Péronne. et à la demande du duc de Bourgogne, le roi accorda à son ancien chambellan des lettres d'abolition ; elles ne furent expédiées cependant qu'au mois d'août 1470, à Angers (JJ. 196, n°199). Le texte en sera publié dans notre recueil, à cette date, avec quelques autres renseignements sur le rôle politique de Poncet de Rivière.

Le roi cependant ne lui avait pas pardonné sincèrement, ou bien Poncet garda de la méfiance. Toujours est-il que moins d'un an après on le retrouve conseiller et chambellan de François II, duc de Bretagne, et comme tel envoyé par celui-ci, tant en son nom qu'en celui de Charles duc de Guyenne, frère du roi de France, vers le duc de Bourgogne, pour conclure un traité d'alliance contre Louis XI. (Instructions du 16 juillet 1471 ; Dupuy, Hist. de la réunion de la Bretagne à la France, t. I, p. 286.) Le registre criminel du Parlement du 4 mai 1474 contient un mandement au premier huissier ou sergent, sur ce requis, lui ordonnant, à la requête du procureur général, que, sans tenir compte des oppositions ou appel, il prenne au corps Poncet de Rivière, chevalier, maître Itier Marchant et Alexandre Lorget, qui sont chargés d'avoir voulu empoisonner le roi, et de les amener prisonniers à la Conciergerie du Palais à Paris, et, dans le cas où l'on ne pourrait se saisir de leurs personnes, de les faire ajourner à son de trompe et cri public, sous peine de bannissement. (Arch. nat., X2a 40, fol. 147.) Cependant, dans le traité conclu entre Louis XI et le duc de Bretagne à la Victoire-lès-Senlis, le 9 octobre 1475, les lettres d'abolition d'août 1470 sont rappelées et confirmées (Dom Morice, Preuves de l'hist. de Bretagne, t. III, p. 289), et le roi qui, pour le punir de ses trahisons, avait fait démolir les fortifications de Château-Larcher, lui permit de les rétablir par lettres de mars 1478 n. s. (JJ. 203, n° 73), qui seront publiées à leur date. Poncet de Rivière vivait encore le 12 juin 1487. (Commines, édit, de Mlle Dupont, t. III. p. 551.) M. l'abbé Drochon le fait mourir quelques années trop tôt et fixe son décès à l'année 1483. Dans son estimable étude intitulée : Château-Larcher et ses seigneurs, cet auteur mentionne ou publié plusieurs documents intéressants sur cette localité, du temps qu'Odet, puis Poncet de Rivière en furent seigneurs ; mais il ne paraît pas avoir soupçonné le rôle politique de ces deux personnages. (Mémoires de la Soc. des antiquaires de ['Ouest, t. XXXIX, 1875, p. 237-261.)

5 Le nom de l'officier royal auquel le mandement était adressé, est resté en blanc sur le registre.
6 Jean de Lévis, seigneur de Vauvert, conseiller et chambellan de Charles VII. (Cf. notre vol. précédent, p. 288, note.)
7 Charles de Gaucourt, seigneur de Châteaubrun en Berry, fils de Raoul VI de Gaucourt et de Jeanne de Preuilly, entra au conseil de Charles vu en 1455. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. VI, p. 354.) Louis XII le fit chevalier à Reims, le jour même de son sacre. Après la fuite de Charles de France, frère du roi, en Bretagne, le sr de Châteaubrun fut chargé de maintenir le Berry dans l'obéissance et de saisir les biens des partisans du fugitif. Le 27 octobre 1465, Louis XI lui céda la seigneurie de Vierzon contre l'abandon des capitaineries de Chinon, de Rouen et de Gisors, et, le 10 novembre suivant, il ajouta à ce don une pension annuelle de 4000 livres. Charles de Gaucourt mourut à Paris en 1482 et fut enterré dans l'église de Saint-Jean-en-Grève. (Le P. Anselme, t. VIII, p. 371.)
8 Georges Havart, voy. ci-dessus, p. 60, note 1.
9 Jean Le Boulanger, voy. ci-dessus, p. 15, note 3.