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MCCCXXX

Rémission octroyée aux frères Perrin et Jean Guynaut, fermiers de la Gengaudière, paroisse de Saint-Laurent-de-Jourde, que Geoffroy Taveau, chevalier, seigneur de Mortemer et de Lussac, avait baillée à perpétuité à leur père et à ses descendants, lesdits frères coupables du meurtre d'Etienne Michelet, ancien homme de guerre, qui ne cessait de les troubler dans la possession et l'exploitation de cette terre.

  • B AN JJ. 190, n° 24, fol. 14
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Perrin Guynaut et Jehan Guynaut, frères, contenant que, dix neuf ans a ou environ, Geoffroy Taveau, chevalier, seigneur de Mortemer et de Lussac1 [p. 231] bailla et afferma à perpetuité, pour lui et les siens, à feu Huguet Guinaut, père desdiz supplians, et aux siens et qui cause auroient de lui, le lieu et appartenances de la Jangaudière, assis et situé en la parroisse de Jorde, feussent [p. 232] lesdictes choses, maisons, fondeis, murailles, vergiers, terres labourées et non labourées, prez, bois, pasturaiges et autres choses, qui antiennement furent à ung nommé Jehan de Jorde, pour certain pris et ferme de blé et d'argent[p. 233] , que ledit feu Guinault promist et s'obliga lui en rendre et paier par chacun an. Et en ce faisant, fut dit, parlé et accordé entre lesdictes parties, entre autres choses, que ledit feu Guinault seroit tenu labourer certaine quantité [p. 234] de boys, tant qu'il le pourroit faire ou faire faire, et desdictes terres ou boys estans en blez seroit tenu, ledit Guenant, preneur, rendre et paier audit chevalier et aux siens ruitiesme gerbe des fruiz croissans en icelles, et des appartenances et appendances duquel lieu de la Jongaudière, qui estoit partie en labouraige et partie en boys, vulgaument nommée et appellée la Riougeroye, autrement le champ de la Charbonnière, contenant douze provenderées de terre ou environ, tenant, d'une part, au chemin par lequel l'en va de Gençay à Lussac, et, d'autre part, le long d'un terrier en tirant au Cormenier des Laurencelles et d'illec tirant au Chaigne Jehan Grant; laquelle pièce de terre ou la plus part d'icelle ledit feu Huguet Guinaut, durant sa vie, et lesdiz supplians ses enfans, en sa compaignie, essartèrent de grans boys et bruyères où elle estoit de paravant, et icelle mirent et convertirent en labouraige, et depuis ont icelle tenue, possidée et explectée, joy et usé, prins, levé et parceu les fruiz paisiblement, en payant l'uitiesme gerbe audit chevalier, mesmement en joy et usa ledit feu Huguet Guinault jusques à son décès et trespassement, qui peut avoir esté cinq ou six ans ou environ, et après son trespassement, lesdiz supplians en ont semblablement joy et usé,sans aucun contredit ou empeschement , jusques quatre ansa ou environ, que ung nommé Estienne Michelet dist et declaira ausdiz supplians que ladicte pièce de terre dessus declairée lui appartenoit. Et soubz umbre de ce, ledit Estienne Michelet, qui avoit esté homme de guerre, leur donna de grans menasses de les batre et envillanner, s'ilz exploictoient ne labouroient plus ladicte pièce de terre. Lesquelx supplians, qui sont pouvres simples gens de labour, furent en grant doubte et crainte des menasses que leur donnoit ledit Estienne Michelet à l'occasion de ladicte pièce de terre, et à ceste cause se tirèrent par devers ledit Geoffroy Taveau, en lui remonstrant qu'ilz avoient essarté et mis en labouraige la pluspart de ladicte [p. 235] pièce de terre, soubz umbre de la baillète qu'il avoit faicte audit feu Huguet Guinaut, leur père, où ilz avoient mis et exposé leurs corps, frayé et despendu bien largement du leur, et que ledit Estienne Michelet la leur vouloit oster et tollir ; et pou de temps après, firent adjourner ledit Estienne Michelet par devant lui. Lequel Geffroy Taveau deffendit audit Michelet qu'il ne feust si hardy ne osé de soy mettre ou intruyre en ladicte pièce de terre, et qu'il en laissast joir et user lesdiz supplians, sans leur faire aucun empeschement en la joissance d'icelle. Et depuis a ledit Estienne Michelet esté absent du païs l'espace de troys ans ou environ, durant lequel temps lesdiz supplians ont tousjours joy et usé de ladicte pièce de terre, jusques environ la saint Michel derrenierement passée, que ledit Michelet vint au pays. Et tantost après qu'il fut retourné, donna encores de grans menasses ausdiz supplians que, s'il les trouvoit labourans et exploictans ladicte pièce de terre, qu'il les feroit courroussez du corps et que il coupperoit certaine grant quantité de arbres fructiers que lesdiz supplians et ledit feu Huguet Guynaut, leur père, avoient plantez et nntez en ladicte pièce de terre, disant qu'il en vouloit faire sa clouaison à l'entour d'icelle pièce de terre ; laquelle lesdiz supplians ont labourée par plusieurs années derrenières passées en bien grant doubte de leurs personnes, et souventes foiz quant ilz laissoient leur areau et autres habillemens de leur labouraige en ladicte terre, ilz les trouvoient rompuz et gectez hors d'icelle pièce de terre, afin qu'ilz ne s'en peussent aider, et mesmement le jour des octaves de Toussains derrenierement passé, ung jeune enfant de l aage de xiii. ans ou environ, nommé Jehan Malereau, filz de ung nommé Mery Malereau2, prouchain [p. 236] voisin desdiz supplians, vint dire à iceulx supplians, à leur maison dudit lieu de la Jongaudière, où ilz estoient et se esbatoient, parce qu'il estoit feste ce jour, que ledit Estienne Michelet estoit en ladicte pièce de terre avec une poignée et qu'il voulloit aller coupper leurs autes, qui estoient en icelle terre. A l'occasion de quoy, lesdiz supplians partirent de leur maison qui estoit près et joignant de ladicte pièce de terre, et prindent chacun ung baston en son poing, c'est assavoir ledit Perrin Guinaut ung baston ferré en forme de demye lance, et ledit Jehan Guynaut trouva en son chemin ung baston de haye, ainsi qu'ilz aloient droit là où estoit ledit Estienne Michelet, qui estoit en icelle pièce de terre. Lequel Estienne Michelet, si tost qu'il vit et apparceut lesdiz supplians, qui estoient en chemin qui est le long de ladicte terre, vint et se adreça vers eulx, ladicte congnée qu'il avoit en son poing, en disant qu'ilz avoient labouré sa terre oultre et contre son gré et voulenté, et qu'il les en paieroit bien et ne mourroient d'autres mains que des siennes. Lesquelx supplians estans oudit chemin, le long de ladicte terre, remonstrèrent le plus doulcement qu'ilz peurent que ladicte pièce de terre leur appartenoit,comme des appartenances et appendances de leur hostel de la Jongaudière, au moien de la baillette que leur en avoit faicte ledit Geffroy Taveau. Mais ledit Estienne Michelet disoit tousjours que ladicte terre lui appartenoit et qu'il les garderoit bien qu'ilz n'en joissent, en leur donnant de grans menasses que, s'il les trouvoit dedans, qu'il les tueroit. Sur quoy ilz eurent entre eulx plusieurs parolles contencieuses, parce que lesdiz supplians disoient qu'ilz ne laisseroient point pour lui à exploicter. A l'occasion desquelles noises et debatz, Michelle Guerine, [p. 237] femme dudit Perrin Guynault, suppliant, sortit hors de la maison dudit lieu de la Jongaudière et s'en tira vers le lieu où estoient sondit mary et son frère, et si tost qu'elle y fut, remonstra audit Estienne Michelet que c'estoit mal fait à lui de prendre noise et question avecques sondit mary et ledit Jehan Guynaut, son frère, à l'occasion de ladicte pièce de terre, dont eulx et leurs predecesseurs, tenans et exploictans ledit lieu de la Jongaudière, en avoient joy et usé de tout temps et ancienneté. Et soubz umbre de ce, eurenl lesdiz supplians et Michelet entr'eulx plus grans noises que devant ; et s'efforça ledit Estienne Michelet, qui estoit au dedans de ladicte terre, ladicte congnée toute tendue en son poing, comme dit est, de passer hors d'icelle pièce de terre par dessus une vieille haye ou clouaison qui estoit entre lui et eulx, pour venir contre lesdiz supplians. Et laquelle chose voyant, ledit Perrin suppliant, qui estoit oudit chemin avecques ledit Jehan son frère, doubtant que ledit Estienne Michelet, qui estoit homme de guerre, comme dit est, ne le frappast de ladicte coignée, tendit au devant dudit Estienne Michelet sondit baston ferré qu'il avoit en forme de demie lance, et d'icelui frappa ledit Estienne Michelet,...3 tantost après, lui estant encores en ladicte pièce de terre, ala de vie à trespassement. A l'occasion duquel cas, lesdiz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et n'y oseroient jamais retourner ne seurement demourer, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties ; humblement requerans que, attendu que ledit cas advint de chaulde colle et que lesdiz supplians, quant ilz alèrent devers ledit deffunct, n'avoient pas entencion de le tuer, mais de sa mort furent et sont très desplaisans et courrouciez, et ne prindrent lesdiz bastons fors pour obvier qu'il ne les batist, parce qu'il estoit homme de guerre et [p. 238] les avoit menassez de les batre et tuer, Comme dit est, que les premiers mouvemens ne sont pas en la puissance de l'omme et qu'ilz sont pouvres gens de labour, bien famez et renommez, non actains ou convaincuz d'aucuns autres villains cas, blasmes ou reprôuches, il nous plaise leur impartir icelles. Pour quoy nous, ces choses consi derées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz Perrin et Jehan Guynault, supplians, oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons enmandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou moys de mars l'àn de grace mil cccc. cinquante et neuf, et de nostre règne le xxxviiime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. de La Loère. —Visa. Contentor. J. Du Ban.


1 Fils de Guillaume Taveau et de Sibille de Saint-Martin, Geoffroy, chevalier, baron de Mortemer, Lussac. Dienné, Normandon, Verrière, Valanfray, Empuré, etc., rendit au roi aveu de sa terre et baronnie dé' Mortemer, le 14 juin 1428, et au comte de la Marche de celle de Lussac, le 22 février 1436, et renouvela le premier les 13 janvier 1478 n. s. et 28 septembre 1485. (Arch. nat., P. 1145, fol. 146 v°, 154 v°.) Il transigea, le 14 juillet 1428, avec Maubruni de Liniers, sr d'Airvault, son neveu, au sujet de la succession de ses père et mère, et ce dernier obtint une part importante des terres, en qualité de mari de Sibille Taveau, fille de Philippe, frère aîné de Geoffroy. Nous avons vu précédemment comment, en 1434, il fut arrêté prisonnier à Poitiers, pour faits de détrousse dont les gens d'armes de sa compagnie s'étaient rendus coupables, et comment la cour, malgré ses propres excès, lui donna mission de courir sus aux pillards et batteurs d'estrade. (Introduction de notre t. VIII, p. XLVII.) Le 14 mai 1435, il donnait assurement, devant le Parlement de Poitiers, à Nicolas Savary, prieurcuré de Salles[-en-Toulon] près Mortemer, qui avait des raisons de se croire menacé par lui. (Arch. nat., X2a 21, à la date.) Geoffroy Taveau eut d'ailleurs à soutenir un grand nombre de procès, soit comme demandeur, soit comme défendeur ; il avait la réputation d'être caut et subtil. L'an 1450, il poursuivait au criminel Joachim de Volvire, seigneur de Ruffec, qui avait contraint ses sujets à faire le guet à Ruffec, sans qu'ils y fussent tenus en droit (acte du 9 septembre 1450 ; X2a 26, fol. 87 v°), et longtemps après il avait encore des démêlés à ce sujet et pour d'autres motifs avec Jean de Volvire, fils de Joachim (7 mai 1478 ; X2a 42). Il était encore demandeur, en cas d'excès et attentats contre Jean Cravant, chevalier, le 9 décembre 1462, et le même jour, il obtint défaut contre Pierre Perrot, besson, qu'il avait fait ajourner, sous peine de bannissement et de confiscation (X2a 32, a la date) ; le 7 mai 1478, autre défaut lui fut accordé contre Guillaume Bouctart et Jean de Corbeil, qu'il poursuivait toujours sous cette vague accusation d'excès et attentats à son préjudice (X2a 42, à la date). Un carton des Archives nat. (K. 2378) renferme de nombreuses pièces dé procédures relatives à ces diverses affaires, et surtout au procès criminel que lui intentèrent Guy Frotier, sr de la Messelière, Jeanne de Maillé, sa femme, puis Floridas Frotier, son frère, au sujet de ses manœùvres frauduleuses d'abord et de ses actes de violence ensuite pour redevenir maître du château et de la seigneurie d'Empuré. Il dura fort longtemps et mérite qu'on l'expose avec quelque détail.

Marie Taveau, sœur aînée de Geoffroy, avait été mariée, vers l'an 1400, à Jacques de Maillé, auquel elle apporta les château, terré et seigneurie d'Empuré ; ils en jouirent paisiblement jusqu'à leur mort. Leur fille unique Jeanne, héritière de la totalité de leurs biens, resta aussi en possession de ladite seigneurie jusqu'à ce que Geoffroy Taveau, ayant appris qu'Odet de Rivière et Blanche de Chanac, sa femme, voulaient aliéner leur seigneurie de Château-Larcher, dont on leur offrait 7000 écus, persuada sa nièce qu'il était de son intérêt de faire un échange avec ledit Odet, et il s'en fit le négociateur. Jeanne de Maillé, veuve d'Arhaury de Teigné, était alors remariée à Sandebault d'Oradour, mais comme son second mari, atteint de la lèpre, exigeait néanmoins qu'elle remplit tous ses devoirs d'épouse, elle avait quitté le toit conjugal et s'était réfugiée auprès de sa tante, femme de Geoffroy Taveau. Par l'intermédiaire de celui-ci, Empuré fut en effet échangé contre Châtèau-Larcher et le contrat en fut passé à Lussac en 1448 ou 1449. Jean Pichier, prieur de Château-Larcher, interrogé judiciairement au sujet de cet acte, le 17 juin 1454 dit dans sa déposition qu'il avait eu lieu cinq ou six ans auparavant; il ajouta que le château de Château-Larcher était en fort mauvais état d'entretien. (L'abbé Drochon, Château-Larcher et ses seigneurs, p. 245-259.) Geoffroy Taveau avait fait croire à Jeanne de Maillé qu'Empuré ne valant que 4000 écus, tandis que Château-Larcher en valait 7000, il avait payé lui-même la différence à Odet de Rivière, et en récompense se fît constituer par sa nièce une rente de 300 livres par an, assignée sur les revenus de' la terre dont elle devenait propriétaire II ne tendait à rien moins qu'« à tirer à luy par môiens exquis (sic) » ladite seigneurie, sans qu'il lui en coûtât rien, donnant à entendre à la naïve Jeanne qu'il ne lui demanderait jamais le paiement de la rente et qu'elle resterait d'ailleurs dame d'Empuré, parce qu'il racheterait cette seigneurie d'Odet de Rivière et de sa femme, moyennant 4000 écus, mais qu'il était nécessaire que les contrats se fissent de cette manière, « pour obvier à retrait et que le seigneur du fief n'eut la dicte seigneurie de Chastelarcher par puissance de fief ». Sur ces entrefaites, son second mari étant décédé à son tour, Jeanne de Maillé épousa Guy Frotier, sr de la Messelière. Celui-ci rendit hommage au roi du château et de la seigneurie de Château-Larcher, mouvant du comté de Poitou, le 25 juillet 1454, en rendit un premier aveu le 3 juin de la même année, et un second, le 22 juin 1463 (Arch. nat., P. 5661, cote 2836 ; P. 1145, fol 89 v°, 149), parce qu'il croyait le posséder légitimement du chef de sa femme. Cependant les 4000 écus n'avaient pas été payés à Odet de Rivière, comme Geoffroy l'avait promis ; il en résulta plusieurs procès longs et coûteux, qui se terminèrent par un arrêt de la Cour cassant et annulant le contrat d'échange d'Empuré contre Château-Larcher, comme (frauduleux, deceptif, feint et simulé». Jeanne de Maillé et Guy Frotier, son second mari, furent condamnés à restituer les fruits de la seigneurie de Château-Larcher, « à certaines grandes réparations » et aux dépens du procès, ce qui leur coûta plus de 2000 écus. Le 5 février 1464 n. s., Odet de Rivière et Blanche de Chanac firent don de Château-Larcher à Poncet de Rivière, comme on Fa vu ci-dessus, p. 104, note.

La conséquence naturelle de l'arrêt de la Cour semblait être que Frotier et sa femme retournassent eu possession d'Empuré. Mais Geoffroy Taveau ne l'entendait pas ainsi ; il s'y était installé en maître et refusait de s'en dessaisir, ce qui motiva les discussions et la brouille entre Jeanne de Maillé et son mari. Cependant, dès cette année 1463, Frotier transigea avec Taveau, à davantage de celui-ci. Sous couleur que Geoffroy consentait à se désister de la rente de 300 écus d'or qu'il prétendait lui être toujours et réellement due par Jeanne de Maillé, Frotier le croyant, et de son côté agissant de bonne foi, lui céda la nue propriété de ladite seigneurie d'Empuré, à condition que lui et sa femme en auraient l'usufruit leur vie durant et à la survivance l'un de Fautre. Taveau devait en faire foi et hommage, et il s'engageait si, par raison de négligence ou de manquement dans l'observation des conséquences de ce devoir, la seigneurie était grevée, à désintéresser les usufruitiers de tout le préjudice qu'ils en pourraient souffrir. On fit serment de se conformer à ladite transaction, sous peine de 1500 écus d'or, et Taveau promit de la faire ratifier par sa femme et par Guillaume, son fils. Les ratifications furent échangées en janvier 1464 n. s. Mais Taveau n'en observa pas loyalement les clauses. Il commença par différer l'acte de foi et hommage, puis, pour brouiller les choses et créer des difficultés à Frotier dans sa jouissance, il imagina d'offrir au comte d'Angoulême l'hommage qui était dû et avait été fait jusque-là au seigneur de Ruffec, Empuré étant dans la mouvance immédiate de ce dernier. La seigneurie d'Empuré fut saisie, par suite de ce conflit, et tenue sous séquestre pendant longtemps. Lorsque finalement on obtint mainlevée, au lieu de la restituer à Guy Frotier, Guillaume et Mathurin Taveau, fils de Geoffroy, poussés par leur père, s'y introduisirent, s'installèrent dans le château et, sans tenir compte de l'appel interjeté par Guy, ils l'occupèrent pendant deux mois, en touchèrent les revenus et en emportèrent tous les biens meubles, d'une valeur de 2000 livres, appartenant à Jeanne de Maillé et à son mari, il y eut ensuite un apaisement momentané

Les hostilités reprirent bientôt. En septembre 1473, alors que Guy Frotier était à l'armée de Roussillon, qui assiégeait Perpignan, Guillaume Taveau vint à Empuré, au milieu de la nuit, en compagnie de quatre-vingts à cent hommes d'armes qui forcèrent les portes au château, entrèrent dans la chambre de Jeanne de Maillé, « à laquelle ilz firent plusieurs execrables oultraiges et injures, tant de parolles que de fait », la traitant de vieille sorcière et la battant « énormement et jusqu'à grant effusion de sang ». On lui prit son argenterie et une bourse contenant cent écus d'or ; puis elle fut mise de force hors du château, que Guillaume et ses complices occupèrent jusqu'à ce qu'ils feussent complètement déménagé. En raison de ces excès, le seigneur de Mortemer et ses fils furent ajournés au Parlement, mais se gardèrent de comparaître. Depuis, cependant, ils subirent un interrogatoire devant le lieutenant du sénéchal de Poitou et sur le vu de leur confession, la cour admit Guy Frotier à présenter par écrit les faits de sa cause, ce qui fut fait. Quelque temps après, le sr de la Messelière décéda, sans laisser d'enfants. Jeanne de Maillé, sa veuve, reprît le procès, ainsi que son frère et principal héritier, Floridas Frotier. Celui-ci étant « fort simple gentilhomme, sans grant sens et entendement », son fils Geoffroy lui fut donné comme curateur par autorité de justice, « pour gouverner luy, ses biens, causes et procès». Alors, sous prétexte de sauvegarder les droits de Jeanne de Maillé, le seigneur de Mortemer, admettant l'intervention de Prégent Frotier, baron de Preuilly, que Guy avait institué son légataire universel, s'empara des hôtels de la Messelière et de Chambonneau, et de tout l'héritage de Guy. Geoffroy Frotier, au nom de son père, en ayant obtenu recréance, c'est-à-dire la jouissance jusqu'au jugement du procès, Taveau les fit saisir de nouveau, soidisant pour se gager de la rente de 100 écus (réduction acceptée, par transaction antérieure, des 300 écus qu'il réclamait primitivement), dont les arrérages ne lui avaient pas été payés. Cette affaire déjà embrouillée vint encore se compliquer, en 1473 et 1478, de nouvelles réclamations (suivies de voies de fait) de Jean de Volvire, sr de Ruffec, qui prétendait différents droits sur la seigneurie d'Empuré, entre autres le droit de guet et garde, comme nous l'avons dit plus haut. Jeanne de Maillé mourut à son tour (1482), sans avoir vu la fin de ce procès, dont nous perdons désormais la trace. Les détails qui précèdent sont empruntés à un mémoire dressé par Geoffroy Frotier, au nom et comme curateur de noble homme Floridas Frotier, écuyer, seigneur de la Messelière, son père (Arch. nat., K. 2378, n° 31), et dans les plaidoiries et autres actes de procédures enregistrés au Parlement. (Voir X2a 31, fol. 91 v° ; X2a 39, aux dates des 29 mars, 18 avril, 24 et 26 mai, 30 juin, 28 juillet et 2 août 1474 ; X2a 40, fol. 132 v°, 144 v°, 146, 153, 156, 181 v°, 186 v°. 245 ; X2a 41. aux dates des 13 mars, 2 et 5 mai 1475 ; X2a 44, date du 18 novembre 1479.)

Geoffroy Taveau, baron de Mortemer, qui vécut jusqu'en 1489, avait épousé Marie d'Oradour, fille d'André, seigneur du Bouchet-en-Brenne, et d'Annette de Rochedragon, avant l'an 1445 ; car on mentionne un acte de cette date par lequel, en qualité de mari de cette dame, il transigé, au sujet d'une somme de 200 livres, avec Louis d'Oradour, sr du Bouchet-en-Brenne, sans doute son beau-frère. M. Beauchet-Filleau fournit quelques autres renseignements sur ce personnage (Dict. des familles du Poitou, 1re édit , t. II, p. 695), et M. le baron d'Huart rectifie quelques assertions de cet ouvrage touchant les enfants de Geoffroy Taveau (Persac et la châtellenie de Calais, Mém. de la Société des Antiquaires de l'Ouest, année 1887, t. X de la nouv, série, p. 142).

2 Divers membres de cette famille étaient établis, au commencement du XVe siècle, en la paroisse de Saint-Secondin, canton de Gençay. Pernelle Malereau, fille de feu Huguet Malereau, rendit aveu à Jean duc de Berry, comte de Poitou, le 8 juillet 1404, de son hébergement de

Monceaux (Mousseaux), sis en ladite paroisse, et d'autres terres, mouvant du comté de Civray. Il fut renouvelé, le 11 août 1405, par Jean Moreau, paroissien de Saint-Secondin, qui venait d'épouser ladite Pernelle. (Arch. nat., copie du Grand-Gauthier, R1* 2172, p. 1219, et R1* 2173, p. 1690.)

3 Sic. Le scribe a omis quelques mots qu'il est facile de suppléer.