MCCCXXXVI
Rémission octroyée à Jean Petitjean, page de Pierre de Commarque, homme d'armes de la compagnie de Pierre de Louvain, chambellan du roi, logée en partie à Sainte-Soline, prisonnier audit lieu à cause du meurtre de Pierre Beauvoir.
- B AN JJ. 190, n° 107, fol. 57
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Jehan Petitjehan, paige de Pierre de Commarque, homme d'armes de nostre ordonnance soubz nostre amé et feal chevalier et chambellan, Pierre de Louvain1, aagié de xviii. à xix. ans ou environ, natif de [p. 257] Solongne, contenant que, depuis six ou sept mois en ça, aucuns gens de guerre de la charge dudit Pierre de Louvain ont este logiez au lieu et bourgaige de Saincte Seuline en Poictou, et entre autres le maistre dudit suppliant, et que le lundi de Penthecoste derrenier passé, icelluy suppliant estant audit lieu de Saincte Seuline en
Poictou, luy, ung nommé grant Jehan Beauvoir, dudit
Saincte Seuline, et ung autre nommé Cartelot, autrement dit le Picart, semisrent à jouer à la paulme pour le vin, et quant ilz eurent assez joué, s'en alèrent boire à la taverne ; eulx estans à laquelle et après qu'ilz eurent bien beu, certaine noise et debat se meut entre eulx pour le paiement d'une pinte de vin, en telle manière que, après plusieurs parolles injurieuses dictes les ungsaux autres et à l'occasion d'icelles, ledit Picart bailla ung coup de dague audit grant Jehan Beauvoir et ledit Beauvoir pareillement frappa ledit Picart en la teste. Et ce voyant, ledit suppliant qui estoit compaignon dudit Picart en fut très mal content, et par ce frappa aussi ledit Beauvoir ung autre cop. Pendant lequel debat, survint ung nommé Pierre Beauvoir, frère dudit Jehan Beauvoir, qui estoit esleu roy d'une feste qu'on a [p. 258] acoustumé faire par chacun an en la parroisse de Saincte Soline ou diocèse de Poictiers, le landemain de la Penthecoste. Lequel Pierre Beauvoir, acompaigné de plusieurs autres, les departirent, et ce fait, s'en alèrent lesdiz Picart de Petitjehan à leur logeis, cuidant que la noise fust rapaisée, et comme ilz s'en aloient vers leur dit logis, sans plus penser audit debat, parce que ledit roy les avoit departiz, ledit grant Jehan Beauvoir les suivy et print une pierre en sa main, de laquelle il bailla par derrière entre les deux espaules audit suppliant ; lequel, quant il se senty ainsi frappé de ladicte pierre ruée par ledit Beauvoir, ala querir une espée, et en venant de querir icelle espée, ledit grant Jehan Beauvoir, en perseverant tousjours en sa malice luy bailla de rechief d'une autre pierre par la poictrine, et adonc ledit suppliant courut sus audit grant Jehan Beauvoir atout son espée nue, ledit Picart avecques luy, et ilec de chault sang et chaulde colle, tout atainé2 des coups que ledit Beauvoir luy avoit donnez, en cuidant frapper ledit grant Jehan, frappa ledit Pierre Beauvoir, frère dudit grant Jehan, qui estoit de rechief survenu audit debat, pour aider sondit frère et garder qu'ilz ne se meffeissent, ung coup de ladicte espée, dont tantost après il ala de vie à trespassement. A l'occasion duquel cas, ledit suppliant a esté prins au corps par les officiers du seigneur de Saincte Soline3 et par eulx constitue prisonnier ès prisons dudit lieu, où il est à present detenu [p. 259] en grant povreté et aventure d'estre pour ce executé par justice et finer ses jours miserablement, se noz grace et misericorde ne luy sont sur ce imparties. En nous humblement requerant que, attendu ce que dit est, que ledit cas est avenu de chault sang et chaulde colle, qu'il ne frappa sciemment ledit deffunct, ains cuidoit frapper sondit frère, qui l'avoit par avant deux foiz frappé de ladicte pierre, que, depuis qu'il est prisonnier, il a chevy et accordé pour la satisfacion de la mort dudit deffunct, avec les père et mère d'icelluy, à certaine somme de deniers, que en autres choses il a tousjours esté de bonne vie et renommée, sans avoir esté actaint d'autre cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nostredicte grace luy impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Jehan Petitjehan, suppliant, avons le fait et cas dessusdit quicté, remis et pardonné. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de juing l'an de grace mil cccc. soixante, et de nostre règne le xxxviiie.
Ainsi signé: Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Reilhac. — Visa. Contentor. Chaligaut.