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MCCCXXXIX

Lettres de naturalité en faveur de Pierre de Sainte-Marthe, commis de Jean Hardouin, trésorier de France.

  • B AN JJ. 190, n° 162, fol. 87
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre amé Pierre de Sainte Marthe1,[p. 263] contenant que lui, qui est estrangier et natif de hors nostre royaume, a puis vint ans ença et plus commence à fréquenter et converser en nostredit royaume et y a demouré comme serviteur et familier de nostre amé et feal conseiller Jehan Hardoin2, trésorier de France, par bien long temps et fait encores de present, et combien que ledit suppliant, au moien de son service ait acquis en nostredit [p. 264] royaume pluseurs grandes congnoissances et bonnes amitiés, par quoy il ait bon vouloir de soy y retraire et faire sa continuelle residance et demeure le demourant de ses jours, toutesfois il craint de ce faire pour ce qu'il n'est pas de nostredit royaume, comme dit est, doubtant qu'il ne peust disposer de ses biens et que, s'il aloit de vie à trespas, sesdiz biens qui seroient à l'eure [de sa mort] en nostredit royaume feussent à nous appartenans par aubanage ou autrement, requerant humblement que sur ce lui vueillons impartir nostre grace. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans icelluy atraire en nostredit royaume, en faveur dés services qu'il a faiz à nostredit conseiller et trésorier, qui sur ce nous a fait requerir, audit Pierre de Sainte Marthe, suppliant, pour les causes et consideracions et autres à ce nous mouvans, avons octroyé et octroyons de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes,que lui etles siens puissent doresnavant demourer et faire leur résidence en nostredit royaume et acquerir en icellui biens meubles et immeubles, et iceulx tenir et possider, et en faire et disposer par testament ou ordonnance de dernière voulenté, ou autrement en quelque manière que ce soit, à leur plaisir, et que les enffans dudit de Sainte Marthe, suppliant, ou autres parens abilles à lui succeder puissent avoir la sucession et biens soit par mort, testament ou autrement, et joyssent doresnavant de telles franchises et libertez, comme s'il estoit natif de nostredit royaume, sans ce que, à cause de ce qu'il est estrangier, sesdiz biens soient ne puissent estre dictz ou reputez aubains, ne que en nostre royaume aucune chose [ne leur puisse estre] demandée, en quelque manière que ce soit. Et quant à ce imposons silence perpetuel à nostre procureur, en nous paiant toutesvoyes pour ce par ledit suppliant finance mouderée et raisonnable pour une fois. Sy donnons en mandement, par cesdictes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers, au prevost de Paris, [p. 265] bailliz de Touraine et de Berry et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d'eulx, si comme à lui appartendra, que ledit suppliant et les siens facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de nostre presente grace et octroy, sans leur faire, mettre ou donner ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, à ceste cause, aucun destourbier ou empeschement au contraire, en quelque manière que ce soit ; ainçois, se fait, mis ou donné leur estoit, ilz l'ostent et facent oster et mettre chacun en droit soy, sans delay, au premier estat et deu. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à la Salle le Roy en Berry, ou mois de septembre l'an de grace mil cccc. soixante, et de nostre règne le xxxviiime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil et autres presens. De Reilhac. — Visa. Contentor. Chaligaut.


1 La Chenaye-Desbois, Moréri, Dreux du Radier (Bibl. historique et critique du Poitou, t. V, p. 84 et s.), Beauchet-Filleau (Dict. des familles du Poitou, 1er édit., t. II, p. 660), sont d'accord pour faire remonter l'origine de cette illustré famille du Poitou à Nicole de Saint-Marthe, qui fut fait chevalier par le comte de Foix au siège de Bayonne en 1451, lui-même apparemment issu de Guillaume-Raimond de Sainte-Marthe, chevalier, seigneur de Roquebert, « qui servit le roi Philippe de Valois en 1350 et prenait en 1368 la qualité de messire et de chevalier... » On cite, à l'appui de cette filiation, l'épitaphe de Louis, soi-disant fils de Nicole, d'après laquelle il aurait accompagné Charles vin à l'expédition de Naples et serait mort en 1535. De toute évidence, ce texte a été rédigé longtemps après le décès de Louis de Sainte-Marthe (Dreux du Radier le reconnaît), et il ne peut faire foi ; même il serait permis de le tenir pour suspect. Si peu solides toutefois que soient les pré mières assises de la généalogie imprimée dans les ouvrages qui viennent d'être cités, nous ne pouvons avoir la prétention de nous inscrire en faux contre les allégations des auteurs en question, en nous basant sur les lettres de naturalisation de Pierre de Sainte-Marthe, que nous publions ici. Ce serait mettre une simple hypothèse à la place d'une affirmation qui paraît dénuée de preuve ; par conséquent le problème, si problème il y a, ne serait pas pour cela résolu. Quoique l'on puisse douter que le commis du trésorier de France se rattaché à i'illustre famille de Sainte-Marthe, il nous semble que nous ne devions pas écarter ce texte à priori. Comme nom de famille, celui de Sainte-Marthe est très peu répandu. On rappelle ici que Pierre était commis de Jean Hardoin, maître des comptes et trésorier de France, personnage important, qui possédait à Tours un hôtel où, dit M. de Beaucourt, il donna plus d une fois l'hospitalité à Charles vu. Les lettres de naturalité sont adressées au bailli de Touraine, dont faisait partie le Loudunais, et c'est dans cette région que se trouvaient les possessions de Louis de Sainte-Marthe, le premier de cette famille dont l'identité soit bien établie. Il n'est pas impossible qu'il y ait une correlation entre la légitimation de la fille naturelle de Jean Hardoin et la naturalisation de Pierre de Sainte-Marthe, qui sont de même date, et données l'une et l'autre à la requête d'Hardoin, dans le but peut-être de faciliter ou de régulariser un mariage. Enfin nous avons pensé que ces lettres pourraient servir de point de départ à de nouvelles recherches utiles, et c'est pourquoi nous les publions.

2 Immédiatement à la suite de la naturalisation de Pierre de Sainte-Marthe, sont transcrites des lettres de légitimation en faveur de Marie, fille naturelle de Jean Hardoin, trésorier de France, sans mère désignée, avec mandement au bailli de Touraine. Même date : la Sallele-Roi en Berry, septembre 1460. « Per Regem, domino de Castrobruni et aliis presentibus. De Reilhac ». (JJ. 190, n° 163.) Jean Hardoin ou Hardouin, sr de Nozay, fut secrétaire et argentier du duc d'Orléans, comme on le sait par des actes des 6, 17 et 18 janvier 1442. (Bibl. nat., ms. fr. 27964, n°s 6-8.) Reçu maître des comptes le 7 décembre 1445, au lieu d'Etienne Bernard, il resta en exercice jusqu'au 30 mars 1461 n. s. A cette date, il obtint des lettres, lui permettant de résigner cet office au profit d'Àrnoul Boucher, sr d'Orsay, son gendre, et d'en continuer néanmoins l'exercice sa vie durant. (Anc. mém. L de la Chambre des comptes, toi. 158, et Coustant d'Yanville, La Chambre des Comptes.) Il était en même temps trésorier de France, qualité qu'il prend dans divers actes entre 1445 et 1466. Par lettres du 9 mars 1457 n. s., le duc d'Orléans lui fit un don de 100 livres « en faveur du roy de Sicile qui loge en mon hostel à Tours, pour luy aider à accomplir les ediffices de ma dicte maison ». En 1469, sa veuve et ses héritiers étaient en procès contre le procureur général, qui leur réclamait un fermaillet et deux sommes, l'une de 2i 27 livres et l'autre de 1600, qu'il devait au roi. Mandement de Louis XI à ce sujet, daté d'Amboise le 9 mars 1469 (ms. fr. 27.964, n°s 10-12). Voy. aussi notre vol. précédent, p. 334, note 4.