MCCCXVI
Rémission accordée à Huguet Lautier, de Lezay, qui, en abattant un chêne, avait causé involontairement la mort d'un enfant de six ou sept ans.
- B AN JJ. 188, n° 127, fol. 62
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Huguet Lautier, povre homme de labour, demourant en la parroisse de Lezay, contenant que puis certain temps ença ledit suppliant, Jehan Baulouet et Thomas Cherpin achetèrent le branchaige de la moictié par indivis de certain bois appellé le Cloudi Bourrea, assis en ladicte parroisse de Lezay, et après que ledit boys fut parti entre ledit suppliant et sesdiz compaignons, ilz baillèrent à copper et esbranchier leurdicte moictié dudit bois à ung nommé Pierre Madorrea pour certain pris et somme de deniers. Lquel Madorrea, en voulant acomplir le marchié par luy fait, le tiers jour du mois d'avril derrenier passé, se print à abatre et esbranchier ung gros chesne fourchu ; et pour ce que en voulant abatre et esbrancher ledit chesne et autres estans oudit bois, survin- [p. 171] drent ilec plusieurs petiz enfans de villaiges de la Chelle, de Beauvoir et d'ailleurs ilec environ, lesquelz amenèrent plusieurs chièvres pour mengier les cymes des arbres qui seroient abatuz. Et afin que lesdiz enfans et bestes ne feussent bleciez ou tuez des arbres qui tomboient, ledit suppliant, aussi ledit Pierre Madorreau, Huguet Regnou, Pierre Merlet et autres firent à leur povoir oster et aler ailleurs assez loing d'ilec lesdiz enfans et bestes. Et de fait ledit Pierre Merlet, pour ce que iceulx enfans ne se vouloient oster ne emmener leursdictes chièvres, print unes verges et se print à courir après eulx. Et après ce que ledit Pierre Madorreau eut coppé ainssi comme les deux pars ou environ dudit gros chesne forchu, à quoy il s'estoit fort lassé, il appella ledit suppliant qui estoit ilec près, auquel il pria qu'il luy voulsist aider à parachever d'abatre ledit chesne, en luy disant qu'il est gauchier et qu'il avenoit mieulx que ledit chesne cheust du cousté devers la main senestre que d'autre part, et qu'il luy aideroit autant à faire d'autres besongnes. Lequel suppliant, desirant faire plaisir audit Madorreau, et en obtempérant à sa requeste, se mit à parachever d'abatre ledit chesne, pensant que ilec environ ne feussent demourez aucuns desdiz enfans ne autres choses à quoy la choiste dudit chesne peust ne deust prejudicier, et tant fist, que ledit arbre cheust à main senestre. Près duquel arbre et au droit de ladicte choiste, environ la longueur de demy lance loing dudit arbre abatu, estoit demeuré ung petit enfant, nommé Olivier Raoulea, de l'aage de six à sept ans ou environ, au pié d'un autre gros chesne, en une fourcigne dudit chesne, qui par cas de fortune fut frappé au droit de la temple du costé senestre d'une branche dudit chesne ou de celluy soubz lequel il fut trouvé, ne scet ledit suppliant en quelle manière, parce que on ne savoit pas que ledit enfant feust ilec ; et après que on eust apperceu ledit enfant, ledit suppliant et autres qui ilec estoient se [p. 172] assemblèrent, levèrent ledit enfant de terre, le portèrent ilec près à l'ostel Perrot Baudin et baillèrent aux femmes estans lors oudit hostel et autres estans près d'ilec, qui le chauffèrent par l'espace de deux heures tout vif, et en le chauffant ala entre leurs mains de vie à trespassement. Après lequel cas ainsi avenu, Jehan Raoulea l'ainsné, maçon, et Marguerite Columbelle, sa femme, père et mère dudit enfant, saichans ledit cas estre avenu par fortune, aussi ledit suppliant estre homme de bonne vie, luy pardonnèrent icelluy cas, promettant de jamais ne luy en faire question ne demande, comme par lettres sur ce faictes l'en dit ce apparoir. Mais ce nonobstant, pour occasion dudit cas ainsi avenu, le procureur de nostre amé et feal Jehan de Lezay, chevalier, seigneur du Maroys de Lezay1 qui a audit lieu tout droit de justice et juridicion haute, moienne et basse, pour ce que icelluy suppliant et les père et mère dudit deffunct sont ses hommes levans et couchans en toute justice et juridicion, a mis icelluy suppliant en procès en sa court et assise dudit lieu de Maroys, et ilec s'efforce à cause de ce vexer et travailler ledit suppliant ; lequel doubte que ou temps avenir justice voulsist proceder contre lui rigoureusement, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit est et qu'il ne savoit aucunement que ledit enfant fut près dudit arbre, et est ladite mort advenue par cas de fortune, dont il a esté et est très deplaisant, et que les père et mère dudit deffunct, voians qu'il estoit innocent et n'en povoit mais, luy ont pardonné ; aussi a esté et est en tous autres ses affaires de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans [p. 173] jamais avoir esté actaint d'aucun villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise luy impartir icelles. Pourquoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou, bailly de Touraine et des ressors et exemptions d'Anjou et du Maine, etc. Donné à Chinon, ou mois de juillet l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviie.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. de Fontaines. — Visa. Contentor. J. Du Ban.