MCCCLXXVI
Rémission en faveur de Jean de la Rochefaton, écuyer, meurtrier de sa femme, Françoise Chapperon, et de son frère, Alexandre de la Rochefaton, qu'il avait surpris couchés ensemble.
- B AN JJ. 198, n° 474, fol. 426
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Jehan de la Rochefaton1, escuier, sei- [p. 393] gneur de Saveilles ou païs d'Arigolmois, contenant que, puis aucun temps ença, ledit suppliant a esté conjoinct par mariage avecques une nommée Françoise Chapperonne, damoiselle ; depuis lequel mariage Alexandre de la Rochefaton, escuier, frère dudit suppliant, aagé de vingt à vingt et deux ans ou environ, a fait sa demourance avecques icellui suppliant et sadicte femme, et l'entretenoit et amoit ledit suppliant comme son frère charnel. Et pour ce que icellui suppliant, qui a plusieurs maisons situées en divers lieux, aloit souvent dehors, tant en sesdictes maisons que ailleurs en ses afaires, et que ce pendant ses diz femme et frère demouroient en sa maison, il fut adverti par aucuns de ses amis que sondit frère maintenoit sadicte femme, dont il fut fort esbahy et n'en voult riens croire. Et neantmoins en parla à sondit frère à toute doulceur et par gracieuse forme ; lequel lui nya le cas et fist de grans seremens que jamais il n'avoit pensé et tellement lui en respondit que icellui suppliant se osta du doubte qu'il y avoit et tint pour certain qu'il n'en estoit riens. Après lesquelles choses et puis naguières ledit suppliant, qui venoit d'une sienne maison qu'il a en la viconté de Thouars, arriva de nuyt et assez tart en ung son hostel nommé Montalembert, ouquel hostel il entra et trouva en sa chambre sondit frère et sadicte femme couchez ensemble, dont il fut moult dolent. Et lors il lui souvint de ce que autres foiz il avoit esté adverty du cas de sesdiz frère et femme, et à celle mesme heure il, esmeu de grande fureur et chaleur, comme forcené et hors du sens, tira son espée qu'il avoit sainte au cousté et en donna [p. 394] plusieurs coups à sesdiz femme et frère ; lequel frère, ainsi navré et blecié, s'en cuida fouyr hors de ladicte maison en ung chauffault de maçon qui estoit joignant de ladicte maison, mais il tomba d'icellui chauffault à terre, et tant à l'occasion de ladicte cheute que desdiz coups que ledit suppliant lui avoit baillez il est alé de vie à trespassement. Et au regard de ladicte femme, on y espère plus la mort que la vie. Et doubte ledit suppliant que, se elle aloit de vie à trespassement, qu'on voulsist proceder à l'encontre de lui, pour occasion de la mort d'elle et de sondit frère, à pugnicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit cas est advenu de très grant desplaisance dudit suppliant et lui estant en fureur et chaleur, comme forcené et hors du sens, que en tous autres cas il s'est gouverné bien et honnestement, sans jamais avoir esté actaint ne convaincu d'aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce lui impartir nostredicte grace. Pour quoy nous, eu consideracion aux choses dessus dictes, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant le fait et cas dessus déclaré, ensemble la mort de sadicte femme, ou cas qu'elle seroit ou pourroit estre advenue ou adviendroit pour raison desdiz coups, qui jà lui ont esté donnez par ledit suppliant, ainsi que dessus est dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Moliherne, ou moys d'octobre l'an de grace mil cccc. lxii, et ele nostre règne le deuxiesme.
Ainsi signé : Par le roy, les sires du Lau, de Beauvoir2 [p. 395] Guillaume de Barie3 et autres presens. Bourré. — Visa. Contentor. J. Duban.