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MCCCXXVI

Rémission octroyée à Laurent Boutin, franc-archer, demeurant à Chaban, qui s'était rendu coupable de nombreux vols à l'instigation et avec la complicité d'autres francs-archers de la région.

  • B AN JJ. 188, n° 208, fol. 104 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Laurent Boutin, franc archier, demourant à Chabans, chargié de femme et de trois petiz enfans, contenant que, cinq ans a ou environ, ung nommé Jehan de Saint Remy, aussi franc archier, qui est cault, subtil et malicieux, se transporta par devers ledit suppliant, qui estoit povre simple homme, lequel nous a servi ès reductions par nous, graces à Dieu, faictes en nostre obeissance de noz païs et duchez de Normandie et de Guienne, et luy dist telles parolles ou semblables en substance : « Tu es povre et meschant homme et n'as de quoy vivre et nourrir ton mesnaige. Se tu me veulx croire, parle sang Dieu, toy et moy serons riches à jamais. Se tu veulx venir avec moy et en ma compaignie trois mois, où je te meneray, nous aurons beaucop de biens ». Lequel suppliant, qui ne savoit et ne scet aucun mestier, de quoy il peust gangner la vie de luy, sa femme et enfans, et desiroit guaigner, luy dist qu'il estoit content et d'accord de faire ce qu'il luy commanderoit, et aler où il vouldroit aler. Et après ce, [p. 206] s'en ala icelluy suppliant avec ledit de Saint Remy, Jehan Chabans et Denis Olivier, aliez et complices dudit de Saint Remy, en la parroisse de Bouillié près Nyort, où ilz prindrent certaine quantité de froment, dont ledit suppliant eut en sa part six boisseaux ou environ. Et après se transportèrent ledit suppliant et les autres dessus nommez en l'ostel d'un nommé Jehan Picart, de Soiché près dudit lieu de Nyort, ouquel hostel ilz prindrent autre grant quantité de blé, appellé mesture, dont icelluy suppliant eut en sa part dix boisseaux ; et ce fait, se transportèrent les dessusdiz et suppliant au port de Nyort, et ilec prindrent en la saunière de Milors de Poictiers1 certaine quantité de sel, duquel sel icelluy suppliant eut en sa part six boisseaux. Et aussi se transportèrent les dessusdiz et suppliant en ung bourc appellé Ruffigné en la chastellenie de Saint Mexant, où ilz prindrent certaine autre quantité de froment en l'ostel des Ypeaux dudit lieu de Ruffigné, dont ledit suppliant eut en sa part dix boisseaux. Et depuis ledit suppliant se transporta, en la compaignie d'un nommé Jehan des Lignes, aussi franc archier, en ung certain lieu, où ilz ostèrent à ung nommé Martin Greusset, prebstre, chappellain de maistre Jehan Giller2, ung cheval[p. 207] qui valoit bien environ six escus, lequel cheval a esté depuis rendu audit Greusset, prebstre, et aussi a satisfait à ceulx à qui il povoit estre tenu à cause de ce que dit est. Pour occasion desquelz cas, ledit suppliant n'oseroit, doubtant rigueur de justice, bonnement converser ne repairer au païs, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce par nous imparties, requerans humblement que, attendu qu'il a satisfait aux parties, sans à ce avoir esté contrainct, et que la grant povreté en quoy il estoit lors [p. 208] luy firent faire lesdiz larrecins, moyennant l'avertissement que luy en fist ledit de Saint Remy, aussi que en tous autres cas il est bien fame et renommé, et ne fut jamais actaint ne convaincu d'aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise luy impartir nosdictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur de sesdiz femme et enfans, et des services qu'il nous a faiz èsdictes redduccions, avons lesdiz larrecins dessus declairez oudit cas quictez, remis et pardonnez, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de novembre l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, a la relacion du conseil. A. Rolant. — Visa. Contentor.


1 Au xve siècle vivait à Poitiers Pierre de Varennes, dit Milord.

2 Jean Gillier était le fils aîné d'Etienne Gillier, sr des Rosiers, procureur du roi en la sénéchaussée de Saintonge, et d'Andrée et non Jeanne Andraut, dame de la Villedieu-de-Comblé. Nous pouvons aujourd'hui ajouter quelques renseignements à la notice imprimée dans notre volume précédent (p. 274, note) sur Etienne Gillier. Le prénom de sa femme était en réalité Andrée et elle avait été mariée en premières noces à Me Jacques Royrand. Du vivant de son premier mari, elle avait acquis de Pierre Auffroy et de Bonne Rouillé, sa femme, une rente annuelle de cent sous tournois. Le 9 juillet 1455, Guillaume Auffroy, prêtre, fils des vendeurs, voulant décharger les biens de ses parents alors décédés et les siens de cette redevance, passa, à la Mothe-Saint-Héraye, avec Etienne et Jean Gillier, père et fils, un contrat par lequel, en échange de ladite rente, il leur cédait une maison avec verger derrière, « un froustis de maison », trois quartiers de pré, etc., le tout sis audit lieu de la Mothe-Saint-Héraye. (Original, Bibl. nat., ms. fr. 27808, pièce 29 du dossier Gillier.) Le même manuscrit contient six quittances des gages d'Etienne Gillier, comme procureur du roi en Saintonge et dans la ville et le gouvernement de la Rochelle, à raison de 50 livres par an : elles sont datées des 10 novembre 1440, 31 janvier 1446 n. s., 28 novembre 1452, 8 juin 1458, 5 février 1463 n. s. et 15 juin 1463 ; la signature de cette dernière se caractérise par le tremblement notable de la main qui tenait la plume (Id., n° 36). Viennent ensuite des lettres patentes de Louis XI, à Paris, le 9 septembre 1461, confirmant Gillier dans ledit office, et sous la date de Marcilly en Aunis, une autre confirmation émanant de la reine Marie d'Anjou, à laquelle le roi son fils avait cédé comme douaire, entre autres domaines, le comté de Saintonge et le gouvernement de la Rochelle. D'autres lettres de Louis XI, données à Poitiers, le 2 juin 1462, portent qu'un nommé Méry Rabeau, trois mois auparavant, par importunité et sous prétexte que ledit Etienne était « vieil et debilité », s'était fait pourvoir de son office de procureur du roi en Saintonge ; elles rétablissent ce dernier et le confirment de nouveau dans cette charge, avec exclusion formelle de son rival. Citons encore un mandement du même roi, daté d'Amboise, le 8 octobre 1461, ordonnant au sénéchal de Poitou de recevoir Etienne Gillier à la foi et hommage qu'il est tenu de faire à raison de son hôtel et appartenances de Saugé, mouvant de Lusignan. A ce mandement est joint un acte d'Hugues de Conzay, lieutenant général du sénéchal, certifiant que, le ler janvier 1462 n. s., ledit Gillier a fait devant lui ladite foi et hommage. (Ms. fr. 27808, nos 23 à 33.) Le décès d'Etienne dut avoir lieu dans les derniers mois de l'année 1464.

Jean Gillier lui succéda comme seigneur de la Villedieu-de-Comblé; Il rendit aveu, le 10 mars 1465 n. s., de l'office héréditaire de clerc des présentations de Poitou, qui lui revenait également par la mort de son père. (Arch. nat., P. 1145, fol. 150.) Il épousa Françoise Méhée et en eut plusieurs enfants. En 1472, il poursuivait au Parlement Aimery Chauvin, chevalier, Artus Chauvin, fils de celui-ci, sa femme et ses enfants, qu'il accusait de violence et d'excès à son préjudice, à l'occasion d'une contestation qu'ils avaient ensemble au sujet de la propriété des terres et seigneuries de Riberolles et de « Florence ». Jean Gillier, qualifié écuyer, seigneur de la Villedieu-de-Comblé, obtint de la cour, le ler février 1473 d. s., un arrêt qui lui adjugeait le bénéfice de quatre défauts contre ses adversaires et condamnait ceux-ci à lui restituer les terres litigieuses, à lui payer 400 livres parisis de dommages-intérêts, et à 300 livres d'amende envers le roi. Un mandement pour l'exécution dudit arrêt se trouve sur le registre de Parlement, à la date du 13 juillet 1475. (Arch, nat., X2a 39, séance du 23 avril 1472 ; X2a 40, fol. 8 v0 et 249.) Il était décédé avant le 7 juin 1482.