MCCCVIII
Rémission donnée en faveur de Jacques Jousseaume, écuyer, seigneur de la Geffardière, qui avait pris part au meurtre d'Hector Rousseau et à l'incendie de son hôtel.
- B AN JJ. 188, n° 88, fol. 42
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre bien amé Jacques Jousseaume1, [p. 137] escuier, seigneur de la Geffardière et de Laugefaugereuse, contenant que, le samedi xiiie jour de may cccc. cinquante huit, ledit supliant estant en son hostel de la Geffardière, receut, à heure de souleil couchant ou environ, certaines lettres missives escriptes à Fontenay le Conte, le jour precedent douziesme jour d'iceluy mois, que Mathurin Marot, substitut de nostre procureur en Poictou, à ce ordonné et commis de par nous ou siège et ressort dudit Fontenay le Conte, escripvoit audit supliant, contenant que ledit Marot, [p. 138] substitut dessusdit, avoit mandement ou commission de nostre seneschal de Poictou ou de son lieutenant, duquel il envoyoit audit supliant la coppie avecques lesdictes lettres missives, pour prendre au corps Ector Rousseau et ses adherans et complices ; lequel Rousseau, qui devoit estre le dymenche ensuivant au Brueil Barret, ainsi que ledit Marot avoit entendu, estoit homme malicieux, qui avoit acoustumé de user de rebellions et desobeissances à nous et à noz officiers, et usoit de voyes de fait, et avecques lui tenoit varletz en habillemens de guerre et autrement, sur lesquelz ledit Marot ne povoit, quoy que soit ne osoit entreprandre à faire l'execucion de sadicte commission, obstant lesdictes voyes de fait, dont ilz estoient coustumiers de user, sans avoir aide et secours des nobles et autres gens du païs ; et pour ce prioit et requeroit, de par nous et au moyen et par vertu de certaines autres lettres de commission emanées de nostredit seneschal ou de son lieutenant, ledit supliant qu'il lui pleust se rendre avec ses gens en bon habillement, ledit dymenche xiiiie jour d'icelui moys de may, audit lieu du Breuil Barret, et illec ou auprès d'icelui lieu atendre ledit Marot, substitut dessusdit, jusques à ce qu'il feust par devers ledit supliant, pour proceder ou fait de ladicte prinse, en la meilleure forme que l'on verroit estre à faire. Après la recepcion des quelles lettres, ensemble de ladicte coppie desdictes lettres de nostredit seneschal ou de son lieutenant, ainsi par ledit Marot envoyées audit supliant, icelui supliant, qui tousjours a obey et voulu obeyr à son povoir à noz officiers et à justice, et les secourir et donner secours et aide, toutes et quantes foiz que sommé et requis en a esté, considerant que dudit lieu de la Geffardière jusques audit lieu du Breuil Barret y avoit trois grosses lieues ou environ, et doubtoit que, s'il attendoit à partir le lendemain au matin, qui estoit le jour de dymenche, pour y aler, qu'il n'y peust estre si tost ne si matin qu'il croyoit que ledit Marot, substi- [p. 139] tut, y feust, se habilla et arma de ses brigandines et salade et de son espée et dague seulement, et fist aussi habiller ung nommé Jean Beufmont2, Mathurin Hariau3, Jehan Lermener et autres ses gens et serviteurs, jusques au nombre de huit ou neuf arbalestes ou voulges, et monta à cheval et sesdiz gens aussi, et s'en party dudit lieu de la Geffardière, environ souleil couchant, et print son chemin avec sesdiz gens pour tirer droit vers ledit lieu du Bruil Barret, et passa par Saint Pierre du Chemin; auquel il trouva Colas Martin, qui y fait sa résidence, et lequel avoit par plusieurs foiz esté avec ledit supliant en nostre service ou fait de noz guerres. Auquel Martin ledit supliant dist qu'il se habillast pour aler avec icelui suppliant et sesdiz gens audit lieu du Breuil Barret, pour donner secours et aide à nostre procureur ou son substitut et autres noz officiers, à faire ou faire faire la prinse dudit Rousseau et de sesdiz complices. Lequel Martin se habilla de ses brigandines, salade et voulge et se mist en la compaignie dudit suppliant et prindrent le chemin à tirer vers ledit Breuil Barret. Et quant ilz furent au vilaige du Tail, qui est à ung quart de lieue ou environ dudit Breuil Barret, fut nuyt, et à ceste cause demourèrent à souper et au coucher chez Jehan de Puyguion4, escuier, seigneur dudit vilaige du Tail. Et le lendemain au matin, qui fut ledit jour de dymenche, ledit supliant et ceulx de sa compaignie furent et atendirent audit lieu du Tail jusques environ midy, attendant ouïr nouvelles que ledit Marot feust arrivé audit lieu du Breuil Barret ; et pour ce que n'en avoient aucunes nouvelles et qu'il doubtoit qu'il se feust transporté sans passer par son logeis, et aussi que rapporté avoit esté audit suppliant que ledit Rousseau, qui[p. 140] avoit esté adverty que on le vouloit prendre et à ceste cause s'en vouloit fouir et sesdiz complices, icelui suppliant avec sesdiz gens ou partie, et aussi ledit Jehan et Jacques de Puiguion, son filz, qui se misdrent en sa compaignie, se transportèrent audit lieu du Breuil Barret, où ilz arrivèrent environ mydi devant la maison en laquelle ledit Rousseau et autres ses complices estoient enfermez et garniz de harnoiz et artillerie, comme de arbalestes, coulevrines et autres habillemens de guerre, esperans y trouver ledit Marot ; mais n'estoit encores venu. Et incontinent que ledit Rousseau et ses complices virent ledit supliant et ceulx qui estoient lors avec lui devant ladicte maison, tirèrent trait d'arbalestes et coulevrine contre eulx, en disant par celui Rousseau oudit supliant injures et obprobres vilz et deshonnestes à desmesure, et sur ce eurent plusieurs parolles chaleureuses les ungs vers les autres, telement que d'une part et d'autre y eut du trait tiré ; toutes voyes n'y eust riens blecié pour celle heure. Et après ce dist et desclaira ledit supliant audit Rousseau qu'il n'estoit ilec alé en entencion aucune de lui faire aucun grief ne violence, mais pour secourir justice et par commandement à lui fait, pour secourir et aider à noz officiers qui ilec se devoient rendre pour le prendre et sesdiz complices au corps, et que, s'il se vouloit rendre prisonnier à nous, qu'il n'auroit mal ne desplaisir ; mais, s'il ne le faisoit, ledit Marot venu, metroient peine de ravoir et sesdiz complices. Et ce pendant que ledit supliant et autres estoient ainsi devant ladicte maison, où ilz avoient esté l'espace de deux ou trois heures ou environ, en attendant ledit Marot à venir, et gardant que ce pendant ledit Rousseau et sesdiz complices ne se evadassent, arriva environ heure de vespres devant icelle maison Mathurin d'Appellevoisin, chevalier, armé de brigandines et salade, avecques lui ung serviteur armé d'un jacques et salade, et trouva ledit supliant avec sesdiz gens et autres qui [p. 141] y estoient venuz paravant. Lequel d'Appellevoisin, incontinant qu'il y fut arrivé, exorta gracieusement ledit Rousseau qu'il se rendist à nous prisonnier, et que nostredit seneschal de Poitou les avoit ilec envoyez et donné en commandement de le faire nostre prisonnier. Lequel Rousseau, oyes lesdictes parolles, renya Dieu, ainsi que paravant l'avoit renyé par plusieurs foiz, que point ne se rendroit ne riens ne feroit, pour le roy ne pour la royne, et appelloit lesdiz supliant et d'Appellevoisin, qui sont nobles, nez et extraitz de noble et ancienne lignée et de grant honneur et estat, villains, traitres, ribaulx, ladres, mangez de loups, en renyant tousjours Dieu qu'il les seingneroit de la vaine du col et mengeroit de leurs foyes roustiz sur le gril. Et appella ledit Rousseau ledit d'Appellevoisin en seureté, en lui disant telles parolles : « Faictes cesser ce ribault, traitre, meseau Jousseaume, filz de putain, engendré d'un ribault cordelier à la basinette. » Et se tindrent lesdiz suppliant, d'Appelevoisin et autres, depuis le temps et heure dessusdicte jusques environ souleil couchant, en attendant ledit Marot à venir, devant ladite maison en laquelle ledit Rousseau et sesdiz complices estoient, à ce qu'il ne se evadast, comme dit est.
Et ce pendant icelui Rousseau et sesdiz complices tirèrent contre ledit supliant, d'Appellevoisin et autres qui illec estoient, plusieurs traiz tant de coulevrines que d'arbalestes, en leur disant continuelement injures et vilenies, regnyant et blafemant le nom de Dieu, et frapèrent ledit Nycolas Martin d'un trait parla poitrine et l'eussenttué, s'il n'eust eubrigandines, et aussi blecièrent ung nommé Mathurin Hariau d'un trait par le bras ; pendant lequel conflict ou debat, et en surattendant tousjours la venue dudit Marot, survint illec certain grant nombre de peuple, et pou après, comme environ souleil couchant, ledit Marot, substitut, et Guillaume Guerart, nostre sergent, lesquelz avoient avecques eulx les commissions dessus dictes pour prandre au [p. 142] corps ledit Rousseau et ses complices, arrivèrent audit lieu du Breuil Barret, où ilz trouvèrent ledit supliant, d'Appellevoisin et autres dessus nommez, avec ledit peuple qui s'y estoit assemblé en grant nombre. Et lesquelz Marot et sergent ainsi arrivez avec leursdictes commissions, et acertenez des voyes de fait, rebellions et desobeissances que ledit Rousseau et sesdiz complices avoient fait, faisoient et s'efforçoient faire, requisdrent et prièrent lesdiz supliant, d'Appelevoisin et autres leurs gens et serviteurs, ausquelz ilz monstrèrent et exibèrent de rechief lesdictes lettres de commission, ilec presens, de donner confort et aide de faire ladite execucion à l'encontre dudit Rousseau et de sesdiz complices. Et de fait ledit Guerart, sergent, pour faire ladicte execucion, se transporta devant et près de ladicte maison en laquelle ledit Rousseau et sesdiz complices estoient ; auquel Rousseau à haulte voix, en parlant à sa personne, il fist exprès commandement de par nous qu'il lui fist ouverture de ladicte maison pour accomplir le contenu en ladicte commission dudit sergent, en requerant par lui icelui Rousseau qu'il obeist à justice. Lequel Rousseau dist et respondi audit sergent qu'il ne lui daigneroit faire obeissance, en disant fy de lui et de son commandement. Et lors icelui sergent dist audit Rousseau qu'il le faisoit et constituoit nostre prisonnier, et nous obeist et à justice. A quoi ledit Rousseau respondy et dist telles parolles : « Fy du roy et de la royne », et que point ne se rendroit prisonnier ne riens ne feroit pour roy ne pour roc, en disant tousjours « fy » et autres parolles très oultrageuses et arrogantes,et que bien en paieroit ledit Guerart, nostre sergent, et qu'il lui souvenist comment il avoit autres foiz gallé5 les villains de Fontenay. Et tira icelui Rousseau, aussi firent sesdiz complices, plusieurs traitz d'arbaleste et coulevrine en telle manière que nul ne s'osoit [p. 143] tenir devant ladicte maison. Et à ceste cause s'estoient lesdiz Jousseaume, supliant, et d'Appellevoisin ung peu retraiz et eslongnez de la dicte maison, et aussi s'en estoit alé ledit Marot à son logeis, pour ce qu'il s'estoit trouvé mal disposé. Et incontinent ou pou après le derrenier traict de coulevrine qui fut tiré de ladicte maison où estoit ledit Rousseau, une grant flambe de feu yssy et apparut parle thuau de l'une des cheminées d'icelle maison, de la haulteur de demie lance ou environ, la flambe ynde et perse et sentoit le souffre, et en peu d'eure fut ladicte maison arse et brulée, et ledit Rousseau tué d'un trait d'arbaleste de l'un de ceulx qui estoient devant ladicte maison, ne scet ledit supliant par qui, pour ce que ledit supliant estoit assez loing de ladicte maison et de l'autre cousté d'icelle où estoit ledit Rousseau ; ne aussi ne scet ledit supliant en quelle manière ledit feu se print en ladicte maison, fors que on dit que ceulx de dedens le y misdrent par leur fol et meschant gouvernement, quoy que soit, n'y fut mis par son ad veu ne à son sceu, ne par son commandement ne fut fait ledit cas, et n'en sceut riens tant qu'il fut advenu, et s'en retourna avec sesdiz gens et serviteurs à coucher audit lieu du Tail, et d'ilec s'en ala à son hostel de la Geffardière. Et après ledit cas advenu et pour raison d'icelui, informacion precedent, nostredit procureur en Poitou fist adjourner ledit supliant et lesdiz d'Appelvoisin, Marot, Martin et autres à comparoir en personne par devant nostredit seneschal de Poictou ou son lieutenant à Poictiers, à certain jour, auquel ilz comparurent, et furent arrestez et constituez prisonnier, et eulx estans ilec prisonniers, maistre Guillaume Artault, premier huissier en nostre court de Parlement, par vertu de certaines lettres obtenues ou nom de Loyse Rabatelle, veuve, et autres parens d'icelui feu Rousseau, adjourna lesdiz supliant, d'Appelevoisin, Marot, Martin et autres à comparoir en personne en nostredicte court de Parlement, à certain jour ensuivant, sur peine de [p. 144] bannissement et de confiscation de corps et de biens, pour raison dudit cas, pour lequel ilz avoient paravant esté adjournez et estoient arrestez, constituez et detenuz prisonniers à Poictiers, comme dit est. Auquel jour ne s'est ledit suppliant comparu, doubtant que rigueur de justice lui feust faicte, avant qu'il peust monstrer de ses justificacions et deffenses, et pour ce a esté mis en trois deffaulx en nostre dicte court de Parlement, ainsi que on dit, et adjourné sur le prouffit d'iceulx. Et doubte ledit supliant, jasçoit ce que par lui ne son commandement ledit cas n'ait esté fait, et qu'il ne feust alé audit lieu du Breuil Barret en entencion ne voulenté aucune de meffaire ne faire meffaire, en corps ne en biens, audit Rousseau, mais seulement pour aider, secourir et donner secours, confort et aide à noz officiers et à justice, ainsi que mandé lui avoit esté, que l'on voulsist contre lui proceder à rigueur de justice, mesmement pour ce que il, qui est escuier et de bonne maison, se tint avec grant assemblée de peuple et de gens armez et embastonnez, avant que les commissaires et executeurs des lettres dessusdictes feussent arivez, et aussi qu'il estoit en la compagnie, quoy que soit assez près d'ilec, quant ledit cas advint, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. En nous humblement requerant que nous, etc., lui veuillons nosdictes grace et misericorde impartir. Pourquoy nous, les choses dessusdictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit supliant oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans ou qui tendront nostre Parlement à Paris et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Razillé près Chinon, ou mois de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviie.
Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.
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