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MCCCLXXXVI

Rémission accordée à Regnaut Bérault, emprisonné à Mervent, comme complice du meurtre d'un nommé Jean Melon, qui l'avait injurié et frappé, ainsi que les compagnons dudit Bérault, de telle sorte qu'ils avaient été obligés de repousser par la force son agression.

  • B AN JJ. 190, n° 177, fol. 110
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble supplicacion des parens et amis charnelz de Regnault Bérault, contenant que, le jour et feste Saint George derrenierement passé, se transporta à Fontenay le Conte pour achapter des provisions et autres choses neccessaires pour sa maison, et quant il eut achetté ce que bon lui sembla, se mist au chemin pour retourner en sa maison, ala jusques à ung village nommé l'Orberie, qui est ou chemin dudit Fontenay le Conte, pour aler au lieu de Mervent, chès ung nommé Jehan Joulart, qui vendoit vin, pour prendre sa refeetion, en la compagnie de Jame Maindron, Pierre Bouet1, Jamet Cappitaine, Pierre Reynart, Paul de Lassoy, Jehan Hemery, [Jehan] Challou et plusieurs autres, des noms desquelx il ne se recorde. Et ainsi qu'ilz beuvoient et mengoient et qu'ilz prenoient leur reffection, survint en ladicte maison ou vergier d'icelle ung nommé Jehan Melon, lequel salua la compaignie, et après ce dist ledit Melon à Jehan Chaillou qu'il ne lui avoit pas voulu prester ung sien asne, et incontinent jura icellui Melon la char Dieu que s'il trouvoit ledit asne en aucune chose qui lui appartensist, qu'il lui coperoit les [p. 424] jambes. Lequel Chaillou ne tint pas de ce grant compte et dist audit Melon quil ne lui feroit que raison et que justice, et aussi que s'il faisoit chose qui ne feust bien à point, qui lui feroit bien reparer par justice. Lequel Meslon, ce voiant, se commença à esmouvoir contre ledit Chaillou et de rechief jura deux ou trois foiz la char de Nostre Seigneur qui copperoit la gorge audit asne. Lequel Berault, voyant que icellui Melon juroit le nom de Dieu si terriblement, luy dist bien amiablement que ce n'estoit pas bien fait de jurer ainsi la char et le nom de Dieu, et que qui lui feroit raison que l'on le mettroit en bonne prison. Lequel Melon qui estoit homme fier et orguilleux, en despit de ce que icellui Berault lui remonstroit le mal qu'il faisoit, il s'adressa à lui auquel il donna ung coup sur l'ueil senestre, duquel coup il lui fist très grant mal. Lequel Berault dist audit Melon qu'il n'y tournast plus, car s'il y tournoit, qu'il lui monstreroit qu'il lui en desplairoit. Lequel Meslon, en perseverant tousjours de mal en pis, tira une dague qu'il avoit à son costé, de laquelle dague il s'efforça frapper icellui Berault en la poitrine, mais pour ce empescher ledit Berault mist le braz au devant et recust audit braz le coup ; duquel coup il lui coppa le braz jusques à l'os et lui fist grant plaie, de laquelle yssit grant effusion de sang ; et non content de ce, s'efforça derechief frapper icellui Berault, et de fait l'eust tué ou oultrageusement blessié, se n'eussent esté les dessusdiz qui beuvoient et mengoient avec ledit Berault, lesqueulx se misdrent au devant et ne purent avecques tant resister que ledit Meslon ne frappast icellui Berault sur la teste de ladicte dague et qu'il ne luy feist une autre grant plaie, de laquelle yssit une autre grant effusion de sang. Lesquelles choses voyant, icelluy Berault et que ledit Mesloit s'efforçoit tousjours de le vouloir tuer ou blesser, de ce très fort desplaisant et courroucé, pour obvier à sa fureur et qu'il ne le occist, prist une pierre assez [p. 425] grosse qui gecta audit Melon, de laquelle il le frappa et attaingny par la teste, et d'icelle lui fist une plaie dont yssit sang. Et après icellui Meslop de rechief s'efforça de frapper de ladicte dague ledit Berault, ce qu'il eust fait, se n'eussent esté les dessus nommez qui estoient presens, lesquieulx se misdrent encores au devant, et mesmement ung homme de Marent, du nom duquel icellui Berault n'est recors, qui prist et osta la dague audit Meslon et la bailla en garde à l'ostesse qui vendoit le vin ; et ledit Meslon estant hors dudit hostel, ceulx qui illec estoient presens firent tant qu'il entra en icellui, et quant il y fut, [fut] très fort blasmé de l'oultraige qu'il avoit fait audit Berault et aussi des grandes atestacions et injures qu'il avoit faiz et faisoit encores ; lequel Meslon qui estoit vindicatif et furieus, qui ne vouloit en riens estre corrigé par les dessus nommez, mais estoit très fort courroussié et esmeu dont on le corrigeoit ou vouloit corriger, adressa ses parolles à ung nommé Regnart, en lui disant telles parolles ou semblables en effect ou substance : « A ! villain, vous en faut il parler ? Par la char Dieu, avant que je m'en aille de seans, j'en turay ung ». Et sans autres motz ne parolles dire, ledit Meslon mist la main au fourreau de sadicte dague, auquel fourreau avoit deux petiz cousteaulx, et de l'un frappa ledit Renart au braz senestre et lui fist une playe dont yssit grant effusion de sang. Et de ce non content, icellui Meslon se print au corps dudit Regnart et s'efforça en tant qu'il peut de le vouloir oultrager, mais pour ce qu'il avoit aidé audit Beraut en la compaignie des autres assistans, ledit suppliant aida audit Regnartafïin de garder que ledit Meslon, qui estoit fort esmeu et comme tout furieux et enragé, ne l'occist ; lequel Melon, voyant qu'il ne povoit blesser ou occirre lesdiz Regnart et Berault et qu'il ne povoit parvenir à sa mauvaise entencion, se print au corps d'un appellé Jamet Cappitaine et le print aux génitoires, tellement que ledit Jamet Cappitaine fist [p. 426] ung grant cry, disant que ledit Lorrain (sic) l'oultrageoit et lui faisoit tel mal qu'il ne le povoit plus endurer. Lequel Berault, voiant l'ostinacion dudit Meslon, voulut secourir ledit Jamet Cappitaine, qui semblablement l'avoit secouru de Impression que ledit Meslon lui avoit faicte, et le print au corps. Lesquieulx Berault et Cappitaine gectèrent à terre ledit Meslon, et quant il fut à terre, ledit Cappitaine, qui avoit ainsy esté oultrage par ledit Meslon, print une busche assez grosse, de laquelle il donna audit Meslon par la teste trois coups, tellement qu'il perdist la parolle ; desquieulx coups, par mauvais gouvernement ou autrement, icellui Meslon tantost après ala de vie à trespassement. A l'occasion duquel cas ledit Berault a esté prins et constitué prisonnier ès prisons de Mervant, èsquelles il est encores detenu en dangier de finer ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur se imparties, si comme lesdiz supplians dient, humblement requerans que, attendu ce que dit est, qu'il n'a pas fait le coup et qu'il ne fut jamais actaint, etc., il nous plaise nosdictes grace et misericorde lui impartir sur ce. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Regnault Berault le fait et cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de juillet l'an de grace mil cccc. soixante trois, et de nostre règne le troisiesme2.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. D'Orchère.

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1 Un Pierre Bouet, collecteur des aides en la paroisse de Saint-Jean, châtellenie de la Chaise-le-Vicomte, fut taxé à 30 sous d'amende en 1439, par Adam Hodon, notaire et secrétaire du roi, commissaire en Poitou pour la recherche des abus et malversations. Il avait été convaincu d'avoir « levé aucunes sommes de deniers sur plusieurs personnes qui n'estoient contenues en son rolle ». (Bibl. nat., ms. fr. 24160, fol. 40 v°.)
2 La troisième année du règne de Louis XI commençant le 23 juillet 1463, ces lettres sont postérieures au 22.