MCCCLXXVII
Rémission accordée à Pierre Girault, marchand et alchimiste, demeurant à Poitiers, poursuivi pour avoir fait faire et mis en vente des tasses et des cuillers d'argent dont le titre était inférieur à la marque.
- B AN JJ. 198, n° 409, fol. 371 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Pierre Girault1, marchant, demourant à Poictiers, aagé de quarante et sept ans ou environ, chargé de femme et de troys petiz enfans, contenant que, deux ans a ou environ, ung nommé Guillaume, du seurnom duquel n'est de present recors, et lequel se entremettoit comme lui du fait et science d'arquemie, vint loger en son hostel, où il demoura par bien peu de temps, et s'en ala d'ilec loger à l'ostel de la Jordanière appartenant à ung appellé Grant Jehan, et lui estant en icellui hostel, manda audit suppliant qu'il lui envoyast ou portast six mares d'argent fin et il lui en rendroit douze, qui seroient de bon argent à tous essays et esperimens. Lequel suppliant, qui avoit oy dire qu'il besongnoit bien oudit fait et science d'arquemie, desirans, comme font povres gens qui sont chargiez de mesnaige, à prouffiter pour la substantacion et aliment de leurdit mesnaige, et croyans aussi que icellui Guillaume fist chose valable en son dit fait d'arquemie, ala par devers ledit Guillaume et lui porta lesdiz six mares d'argent fin. Lequel Guillaume, dedans deux ou troys jours, bailla audit suppliant onze mares d'argent ou environ et lui dist qu'il en fist faire des [p. 396] tasses ou autre euvre tel que bon lui sembleroit, lui affermant que ledit argent estoit bon. Et depuis ledit suppliant monstra ledit argent à aucuns orfevres de ladicte ville de Poictiers, pour lui en faire des tasses, lesquelz lui dirent que leur mestier estoit juré en ladicte ville de Poictiers et qu'ilz n'oseroient faire tasses d'argent qu'elles ne fussent de fin argent, par ce qu'il les convenoit marquer. Et depuis ledit, suppliant, estant en la ville d'Angolesme, bailla à ung nommé Boutu ledit argent pour faire lesdictes tasses, lequel Boutu lui en fist jusques au nombre de huit ou de neuf, lesquelles ledit suppliant fist depuis marquer audit Grant Jehan, et les bailla à Jehan Guillonnet, son gendre, pour les vendre et employer en marchandise ou en faire ainsi que bon lui sembleroit. Lequel Guillonnet les a depuis vendues à certains Espaignolz, comme l'en dit. Aussi fist faire certain nombre decueilliers dudit argent, et pour ce que lesdictes tasses et cueilliers ont esté trouvées, ou les aucunes d'icelles, faulses, elles ont esté saisies et baillées en la garde de André Chaillé2, maire de nostre [p. 397] dicte ville de Poictiers. Et combien que ledit suppliant n'entendist avoir aucunement mespris d'avoir baillé ledit argent pour faire ledit fait d'arquemie, ne aussi fait faire les tasses d'icellui argent, et cuidoit certainement que icellui argent fust bon et d'essay, toutesvoyes pour occasion dudit cas et que lesdictes tasses ont esté trouvées faulses, nostre procureur a voulu faire prandre ledit suppliant au corps. Lequel, doubtant rigueur de justice, s'est abscenté et mis en franchise, dont il n'oseroit partir, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce prealablement impartie, humblement requerant icelle. Pour ce est il que nous, etc., audit suppliant avons remis, quicté et [p. 398] pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys d'octobre l'an de grace mil cccc. soixante et deux, et de nostre règne le deuxiesme.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Castel. — Visa. Contentor. J. Duban.