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DCCCXC

Rémission accordée à Pierre Bouzille, prisonnier à Nieul-sur-l’Autize, pour avoir maltraité et frappé Henri Hardy, avec lequel il avait assurement en la cour dudit lieu.

  • B AN JJ. 158, n° 79, fol. 44 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 1-4
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Bouzille, povre jeunes homs, chargié de jeune femme et de deux petiz enfans, contenant comme, pendant certain asseurement donné jà pieça par le dit suppliant, en la court de nostre bien amé le sire de Nyeil sur l’Autize1 en Poictou, à [p. 2] un appellé Henry Hardy, ycellui suppliant et Henry se feussent trouvez d’aventure au marchié de Coulonges les Royaulx, le landemain de la feste saint Barnabé l’an mil cccc. et deux, et yllec de bonne foy, d’un commun consentement eussent acheté un quartier de chevreau qu’ilz mistrent en un doublier ou bissac, que après le dit suppliant porta jusques à une petite ville appellée Saint Ponppain, qui est assez près d’illec ; auquel lieu le dit suppliant et Henry, acompaignez de Guillaume Chardon, Aymeri Gaignon2, Colin Tessonneau et Jehan Raymondeau, burent tous ensemble par bonne compaignie, sanz aucun descort avoir l’un à l’autre. Et aprez s’en alerent tous ensemble à un petit villaige appellé Beauvaix, où ilz trouverent vin à vendre en l’ostel d’un appellé Forestier, et yllec burent et jouerent à la bille par aucun temps ; après lequel jeu, ainsi que les dessus diz se voldrent departir du dit villaige pour eulx en aler, le dit Henry Hardi demanda à la femme du dit Forestier le dit doublier ou bissac, à qui il avoit esté baillié à garder et ouquel estoit la char qui avoit esté achettée au dit lieu de Coulonges par les diz suppliant et Henry d’un commun consentement, comme dit est. Et pour ce que tantost la dicte femme bailla au dit Henry ycellui doublier ou bissac, sanz y appeller le dit suppliant, à qui il estoit, [p. 3] avec la moitié de la dicte char qui dedens estoit, ycellui suppliant qui estoit eschauffé de vin du dit jeu, et qui est simples et ignorant, dist au dit Henry que le dit doubler ou bissac estoit sien, et qu’il ne l’en porteroit pas. Le dit Henry respondi que si feroit, et lors le dit suppliant se prist au dit doublier ou bissac d’un des costez et le dit Henry de l’autre, et commencerent très fort à tirer l’un deça l’autre delà, et tellement qu’il demoura au dit suppliant ; dont le dit Henry, comme meu de ce, se prinst à injurier de parole yllec publiquement le dit suppliant, en l’appelant : « pissechien revet3, filz de prestre et de moine », et lui disant qu’il le feroit pendre par la gorge. Et lors le dit suppliant, comme grandement meu et courroucié des dictes injures, prinst un baston que tenoit lors le dit Henry et en frappa ycellui Henry sur la main et sur l’espaule pluseurs coups orbes, sanz lui faire aucun mehain ne mutilacion. Pour occasion du quel fait, le dit suppliant ait esté et soit prins et detenu prisonnier ès prisons du dit sire de Nyeil sur l’Autize, dont il est subget, comme dit est, et doubte sur ce par rigueur de justice estre pugny en corps et en biens, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, en nous humblement requerant que, attendu sa simplesse et ignorance, et que par chaleur de vin, du dit jeu et des dites injures à lui dictes par le dit Henry, le dit fait lui est advenu en la maniere que dit est, et aussy que en tous autres cas il a esté et est tout le cours de sa vie de bonne vie, fame et renommée, sanz oncques avoir esté actaint ne convaincu d’aucun villain blasme ou reprouche, et que sur ce il a sattisfait à partie, et si a esté tousjours detenu prisonnier, si comme l’en dit, nous lui vueillons ycelle nostre dicte grace humblement impartir. Pour quoy nous, ces [p. 4] choses considerées, etc., au dit suppliant avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre bailli de Touraine, des ressors et Exempcions d’Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. et trois, et de nostre regne le xxiiiie.

Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Crespy.


1 Le seigneur de Nieul-sur-l’Autize était alors Maurice de Volvire, fils aîné et principal héritier d’Hervé, baron de Ruffec, seigneur de Nieul et de la Rocheservière, mort avant le 17 mars 1401. (Voy. le vol. précédent, p. 382 note.) Il transigeait, le 22 avril 1407, avec l’évêque de Maillezais et est nommé dans une charte de 1404, comme percevant les droits de vente des lins, chanvres, etc., qui se vendaient dans la cohue de Fontenay. Dans un aveu transcrit sur le Grand-Gauthier, à la date du 13 avril 1404, Maurice de Volvire figure aussi avec le titre de seigneur de Nieul (R1* 2172, p. 1108.) Au commencement de 1411, l’évêque et le chapitre de Maillezais poursuivaient au Parlement en matière criminelle le même Maurice, chevalier, seigneur de Nieul-sur-l’Autize, Nicolas de Volvire, chevalier, son frère, Guillaume et Louis Chabot, écuyers, André du Corret et Macé Barbastre, aussi écuyers, leurs parents et serviteurs. Tous les accusés firent défaut. L’évêque, le procureur du roi et celui du duc de Berry demandèrent qu’ils fussent condamnés à restituer les biens dont ils s’étaient emparés par la violence, estimés à 1000 livres, à faire amende honorable à Paris et en Poitou et à payer une amende profitable de 4000 livres envers le roi et de 2000 livres envers le duc de Berry, dépens, dommages-intérêts et à tenir prison jusqu’à satisfaction complète. (Arch. nat., reg. X2a 17, aux dates des 23 mars et 4 juin 1411.) Maurice de Volvire vivait encore en 1418. Sur le registre des hommages dus à Charles, dauphin, comte de Poitou, il est mentionné à cause du devoir auquel étaient obligés Jean de Chabannais et ses personniers pour tout ce qu’ils tenaient de lui en la châtellenie de Civray. (Idem, P. 1144, fol. 67.)

2 Peut-être faudrait-il lire Grignon, qui est le nom d’une famille noble connue dans la région.

3 Revet, reveit ou revoit, convaincu, se joignait comme aujourd’hui le mot fieffé à une appellation injurieuse pour la renforcer. Employé seul, il signifiait aussi traître, pervers, méchant. (Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)