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DCCCCLXXXI

Rémission accordée à Jean Bonnet, de Brioux, pour le meurtre de Jean Servestre. Ils s’étaient d’abord querellés, puis battus à coups [p. 299] de bâtons, et ce dernier avait succombé.

  • B AN JJ. 169, n° 113, fol. 79
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 298-301
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Bonnet, povre homme, laboureur, de l’aage de vint et cinq ans où environ, chargié de jeune femme et d’enfant et de la norreture de ses pere et mere qui sont vieulz et anciens, contenant que, le dimenche après la feste saint Laurens derrenierement passée, lequel jour les parroissiens de la parroisse de Brioust en Poitou, en laquelle paroisse le dit Bonnet estoit demourant, se assemblerent et firent sollempnité du dit saint Laurens qui est patron de leur eglise, et que le soir du dit jour le dit Jehan Bonnet qui estoit monté sur un cheval en venant de la dicte feste, et un appellé Jehan Servestre, qui estoit monté sur une jument et avoit un fais de foing devant soy, lesquelz estoient assez embeuz, s’entretrouverent entre leurs maisons, et eulx ainsi rencontrez, icelui Jehan Bonnet embeu dist au dit Servestre : « Servestre, Dieu vous doint bon soir et à la compaignie ». Lequel lui respondi : « A Dieu te commans, Bonnet ». Et après ce, ha dist icelui Bonnet que le sire de Germain1, de qui il estoit sergent et officier lui prioit qu’il lui aidast à mener jusques à Melle un tour de foing. Lequel respondy qu’il [p. 300] ne pouvoit et qu’il avoit ses blez à amasser. Et lors le dit Jehan Bonnet lui dist qu’il lui pouvoit bien aidier, le mercredi ensuivant qui estoit festable, et de ce le pria. Lequel Servestre respondi qu’il ne savoit s’il le pourroit faire ou non, et après ce dist qu’il n’en feroit riens. Et depuis icelui Bonnet se fu parti du dit Servestre, courroucié du dit reffuz. Il retourna à icelui Servestre et lui dist qu’il avoit prins et emblé le dit foing qu’il avoit ou pré du dit sire de Germain ou en son fief, et qu’il ne l’emporteroit pas. Et le dit Servestre lui respondi qu’il en avoit plus prins que lui. A quoy le dit Bonnet dist qu’il y avoit plus grant povoir que lui. Et en ce disant, le dit Servestre descendi [de] dessus sa jument, garni d’un baston ; et lors le dit Bonnet qui n’avoit baston ne chose dont il se peust deffendre, descendi [de] dessus son cheval, et doubtant la voye de fait du dit Servestre qui estoit un homme riotteux et qui autresfoiz avoit esté batu pour avoir mené ses beufs paistre en un pré qui n’estoit pas sien, se trahy à un buschier qui estoit près d’ilec et y prist un baston. Et après ce, se trahy tenant son cheval par la bride auprès du dit Servestre qui lui deffendi qu’il ne le frappast. Et en ce disant, icelui Servestre, meu de felon couraige, frappa de son dit baston le dit Jehan Bonnet par le front, et ainsi que le dit Servestre vouloit recommencer à refraper icelui Bonnet, le dit Bonnet meu de chaleur et de courroux, par la temptacion de l’ennemi, frappa icelui Servestre un cop par la teste, et en ce faisant icelui Servestre le refrapa du dit baston sur la main et la nuit ensuyvant, il qui autres foiz avoit esté batu tant qu’il en estoit moult debilité de la teste, ala de vie à trespassement, dont le dit Jehan Bonnet a eu moult grant desplaisir. Pour le quel fait ses biens ont esté et sont mis à la main des seigneurs soubz qui ilz estoient et sont, et il s’est absenté du païs, et a laissié ses diz pere et mere, femme et enfant tous desolez et n’oseroit jamais retourner [p. 301] à son dit païs, pour laquelle chose ses diz pere, mere, femme et enfant seroient en aventure de devenir mandians, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant, etc. Pour quoy nous, etc., audit Jehan Bonnet ou cas dessus dit avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement au gouverneur des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres juges, etc. Donné à Paris, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. et seize, et de nostre regne le xxxvie.

Par le roy. J. Charenton.


1 Le seigneur de Germain était alors Guillaume de Vezençay, chevalier, mari de Marguerite Feydeau (aliàs de Fesdeau). Il était mort avant le 9 novembre 1426, laissant deux enfants, Pierre et Jeanne de Vezençay. Une ordonnance de cette date, rendue aux grandes assises de Saint-Maixent par Jean de Torsay, sr de Lezay, sénéchal de Poitou, conférait le bail des personnes et biens desdits Pierre et Jeanne à Guillaume de La Roche, chevalier, avec lequel Marguerite Feydeau avait contracté un second mariage, en vertu d’une cession faite par Jean de Lezay, auquel ledit bail appartenait comme plus proche parent du père de feu Guillaume de Vezençay. (Coll. dom Fonteneau, t. V, p. 249.) Un aveu rendu au roi, le 1er août 1443, par Jean Chevalier, abbé de Saint-Maixent, pour le temporel de l’abbaye, porte que les enfants dudit Guillaume tenaient alors le fief Rousset à Batreau. (A. Richard, Chartes pour servir à l’histoire de l’abbaye de Saint-Maixent, t. II, p. 150, note.)