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DCCCCLXXIV

Rémission accordée à Regnaut de la Varenne, de la Chaise-le-Vicomte, qui par ressentiment d’une donation faite à son détriment par Jeanne, femme de Jehan de Mautravers, sa parente, avait pénétré de nuit et en leur absence en la maison qu’ils habitaient ordinairement audit lieu, et en avait emporté le linge et autres biens meubles.

  • B AN JJ. 169, n° 33, fol. 23
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 277-280
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir nous avoir receu l’umble supplicacion de Regnault de la Varenne, de la Cheise le Viconte en Poitou, povre laboureur, chargié de femme et de troiz petiz enfans, contenant comme en hayne et contempt de ce que, ou temps de vendenges qui furent l’an mil iiiic xiiii. ou envirón, l’en disoit communement au dit lieu de la Chaise que Jehanne, à presant fame de Jehan de Mautravers, parente du dit suppliant et de Jehan la Varenne, son pere, et à la quelle ilz povoient succeder en aucune partie de pluseurs biens meubles et immeubles, dont elle estoit dame et dont le dit suppliant, son dit pere et leur lignée eussent mieulx valu pour le temps avenir, avoir donné touz ses biens heritaiges ou la plus grant partie à un nommé Nicolas Chaon, icelluy suppliant eust eu desplaisance et mal talent contre les diz de Mautravers et sa femme, et tant que, à certain jour dumoys d’octobre le dit an mil iiiic et xiiii, après ce que le dit suppliant fut venu en certain hostel du dit lieu de la Cheise, où avoit vin à vendre, en la compaignie d’autres, ou quel lieu ilz beurent longuement et jusquez à heure de nuit ou [p. 278] environ que ilz s’en allerent et departirent d’icelluy lieu, icelluy suppliant qui estoit enbeu du dit vin et tempté de l’ennemy, aiant memoire du dit don que l’en disoit avoir esté fait par la dicte Jehanne, sa parente, lequel elle avoit fait sanz cause et necessité, si comme il luy sembloit, en soy en alant seul à l’ostel où il demouroit, et en l’absence des diz Mautravers et sa femme, qui lors estoient alez du dit lieu de la Cheyse, où il demouroient, jusques à troiz ou quatre lieues loings d’ilec pour le fait de leurs vendenges ou autrement, se adressa vers l’ostel d’iceulx Mautravers et sa femme, qui est près du chemyn par lequel ledit suppliant s’en alloit à son dit hostel, et de fait entra ou vergier d’iceulx Mautravers et sa femme, et ouvry une fenestre d’icelluy hostel qui estoit fermée d’une cheville de boys, par la quelle fenestre il entra en icelluy hostel, ou quel n’avoit lors aucune garde, rompi à force une arche qui estoit fermée de clef et y prist quinze linceoux, trois touaillez, neuf touaillons, trois ceuvrechiez, deux chapperons, trois poupées de lin, un sac, une bourse vuide, une petite clef et une piece de toile, toutes lesquelles choses qui ne povoient pas valoir dix livres tournois ou environ le dit suppliant emporta, icelle mesme nuit, ou dit hostel où il demouroit, et les y a tenu par aucun temps le plus couvertement qu’il a peu, sanz soy descouvrir à aucune personne. Après lesquelles choses ainsi faictes et ycelles venues à la congnoissance des diz Mautravers et sa femme, yceulx Mautravers et sa femme, le dimanche après ensuivant, à heure de grant messe, firent dire et denoncer, ès eglises parrochiales du dit lieu de la Cheise, que pluseurs de leurs biens meubles avoient esté prinz à leur dit hostel et emportez oultre leur voulenté, et que s’il y avoit aucun qui l’eust fait ne sceu ne y donné conseil, confort ne aide, qu’ilz en venissent à amendement ou qu’ilz en feroient faire la justice de saincte esglise. Dont le dit suppliant n’en revela ne rendi aucune chose ; et combien que le dit suppliant [p. 279] n’eust pris et emporté fors seulement ce que dessus est declaré, neantmoins les diz de Mautravers et sa femme, ou l’un d’eulx, ont depuiz donné entendre à la court et officiers du dit lieu de la Cheise, pour nostre amé et feal cousin le viconte de Thouars, seigneur d’icelluy lieu de la Chaise1, que ilz avoient esté desrobez de vint et cinq linceoux, douze touailles, huit touaillons, huit cuevrechiez, une borroche de jonc plaine de poupées de lin, et du lin filé et à filer, et vaisselle d’estain, certain nombre d’argent et troiz sacs ; soubz umbre duquel donné entendre, les officiers de nostre dit cousin se sont transportez en la maison ou demouroit le dit suppliant, assise en la juridicion de nostre dit cousin, et ilec ont prins et emporté, oultre les biens ainsi priz et emportez par le dit suppliant, plusieurs linceaulx, touailles, toualions, cervechiez (sic), linseaulx et autres biens, à declarer plus à plain en lieu et en temps, appartenans tant à Jehan Mautravers, qui les avoit baillez en garde au dit suppliant, à sa femme, comme au dit suppliant et son dit pere, et à certains mineurs, neveuz du dit suppliant, desquelx il est tuteur. Pour le quel cas, le dit suppliant qui est jeunez homs de xxxv. ans ou environ, chargé de jeune femme et de troiz petiz enfans, comme dit est, et ne fu oncquez maiz actaint ne convaincu d’aucun vilain blasme ou reprouche, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamaiz converser ne repairier, dont lui, sa dicte femme et enfans sont en aventure de cheoir en mendicité, mesmement que ilz n’ont pas heritaiges dont ilz puissent vivre, se sur ce ne lui estoit [p. 280] impartie nostre grace, si comme il dit, requerant humblement ycelle. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, etc., au dit suppliant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Sy donnons en mandement aus gouverneur de la Rochelle et [bailli] de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à touz nos autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. et quinze, et de nostre regne le xxxve.

Par le roy, le sire de Monbazon, messire Ector de Saincte More2 et pluseurs autres presens. Jac. Philippi.


1 La terre et seigneurie de la Chaize-le-Vicomte avait appartenu à Marguerite de Thouars, la plus jeune fille de Louis vicomte de Thouars et de Jeanne de Dreux, avec les terres de Talmont et de Curzon, etc., pour sa part de la succession de son père. (Cf. ci-dessus, p. 72, note.) Comme elle ne laissa point d’enfants de ses deux maris, Thomas, sire de Chemillé et de Mortagne-sur-Sèvre, et Guy V Turpin de Crissé, la terre de la Chaize revint, après son décès, à Pierre d’Amboise, vicomte de Thouars, son neveu. (Voy. sur ce personnage la note de la p. 42 ci-dessus.)

2 Jean de Craon, seigneur de Montbazon, vicomte de Châteaudun, avait succédé à Guillaume son frère en 1396 et fut tué à la bataille d’Azincourt (25 octobre 1415). — Hector de Sainte-Maure, chevalier et chambellan du roi, mentionné en cette qualité dans plusieurs titres des années 1409-1412, dit le P. Anselme (t. V, p. 10), pouvait être fils ou frère de Pierre de Sainte-Maure, seigneur de Montgauguier, qui avait épousé Marguerite d’Amboise.