[p. 239]

DCCCCLXII

Lettres portant restitution à Marie, Marguerite, Isabelle et Jeanne de Preuilly, damoiselles, filles mineures de feu Gilles de Preuilly, chevalier, seigneur de Preuilly, de la Roche-Pozay et d’Azay-le-Ferron1, et de feu Marguerite de Naillac, fille de feu Guillaume [p. 240]de Naillac2, chevalier, chambellan du roi, de tous les biens qui avaient été confisqués sur leur père. Gilles de Preuilly, « tenant le party de ceulz que nous reputions lors noz adversaires », avait été tué « à la prise, bataille et besongne de Saint Cloud3 ». La garde de ses châteaux, terres et seigneuries avait été commise, au nom du roi, à Philibert de Naillac4, chevalier, grand maître de Rhodes, oncle maternel des mineures. Puis un traité de paix5 ayant aboli la confiscation des biens des partisans du duc d’Orléans, Marguerite de Naillac, encore vivante à cette époque, avait obtenu par lettres du 22 août 1412 mainlevée au profit de ses filles ; mais elle était morte avant d’avoir obtenu la délivrance réelle des biens de son mari. Alors les mineures se firent délèvrer ces nouvelles lettres de restitution, « données à Paris, le xviie jour du mois de mars l’an de grace mil cccc. et douze et de nostre regne le xxxiiie ». Ces lettres sont intercalées dans d’autres qui les confirment de nouveau et déclarent en outre que les demoiselles de Preuilly ne pourront être inquiétées ni troublées dans la jouissance des biens paternels pour faute de foi et hommage et non payement des droits de rachat, leur accordant délai de ce faire jusqu’à ce que l’une d’elles ait atteint sa majorité. « Donné à Paris, le xxve jour du mois de may l’an de grace mil cccc. et treze, et de nostre regne le xxxiiie. — Par le roy en son conseil, ouquel messeigneurs les ducz de Berry et de Bourgongne, [p. 241] le grant maistre d’ostel, messire Charles de Savoisy, messire Philippe de Poictiers et autres estoient. J. Milet6. »

  • B AN JJ. 167, n° 104, p. 153
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 239-241
D'après a.


1 Gilles de Preuilly était le fils aîné d’Eschivard VI de Preuilly, seigneur de la Roche-Pozay (voy. notre t. V, p. 113, note), décédé le 23 avril 1409, et de sa troisième femme, Sarrazine de Prie de Buzançais, morte en 1426. En juin 1401, il avait obtenu des lettres de rémission pour le meurtre d’André Rivau, à Preuilly même. (JJ. 156, n° 196, fol. 118 v°.) Partisan des ducs d’Orléans et de Berry, qui travaillaient à enlever la régence du royaume au duc de Bourgogne, il avait pris une part active à la guerre civile en 1410 et 1411 et avait été tué à l’affaire du pont de Saint-Cloud, comme on l’apprend par ces lettres. Il laissait cinq filles mineures (on n’en nomme que quatre ici) qui, après la mort de Marguerite de Naillac, leur mère, furent placées sous la tutelle de Gilles d’Aubin, sr de Malicorne, par arrêt de l’an 1413. C’étaient : 1° Marie, femme plus tard de Jacques Pot, seigneur de Toiré, fils de Renier Pot, chevalier de la Toison d’or, et de Radegonde Guénant, veuve en premières noces de Guy V de La Trémoïlle, grand panetier de France ; il fut seigneur du Blanc, Givry, Nesle, etc., et quelque temps baron de Preuilly, et mourut en 1421, ainsi que sa femme, sans aucune postérité ; 2° Marguerite, qui épousa, par contrat du 6 août 1421, Pierre Frotier, sr de Melzéard et Miseré en Poitou, que nous retrouverons ailleurs ; 3° Isabelle, religieuse ; 4° Jeanne, mariée à Raoul VI de Gaucourt, qui fut sénéchal de Poitou, comme on le voit par un acte de février 1428 n.s. (Arch. de la Vienne, fonds de Sainte-Radegonde, liasse 18, n° 98), auquel nous consacrons une notice plus loin ; elle mourut en 1455 et son mari en 1461 ou 1462 ; 5° enfin Charlotte, femme de Pierre Braque, qui fut seigneur de Denanvillier et aussi de Preuilly en partie. La succession de Gilles de Preuilly et de Marguerite de Naillac et le partage entre leurs filles donnèrent lieu à de nombreuses contestations. Pierre Frotier et Raoul de Gaucourt notamment étaient en procès contre Marguerite, dame de Malval, les 22 juin et 26 août 1434 (X1a 9194, fol. 72, 78 v° ; voy. aussi X2a 21, aux dates des 9 et 20 janvier et 3 février 1434) ; contre Jacques de la Cueille et autres, le 15 septembre de la même année (X2a 20, fol. 76 v°) ; ils réclamaient des biens provenant de Jeanne Turpin, veuve de Guillaume de Naillac, aïeul de leurs femmes, comme on le voit par de nombreuses procédures des années 1434 et 1435 (X2a 21, 6 et 15 septembre, 15 décembre 1434 ; 12 janvier, 11 et 19 mars, 1er, 8 et 30 avril, 7 septembre et 23 décembre 1435). Enfin la possession de la Roche-Pozay était litigieuse, l’an 1436, entre le même Pierre Frotier et sa femme Marguerite de Preuilly, d’une part, et Louis Bonenfant, chevalier, mari de Louise de Preuilly, sœur de Gilles. (X1a 9193, fol. 79, 178 v°, 179 ; X1a 9194, fol. 93 v°, 94, 97 v°, 98 et 151 v°). M. Carré de Busserolle a publié à l’appui de sa généalogie de Preuilly un grand nombre de pièces intéressantes de cette époque. (Dict. hist. et géogr. d’Indre-et-Loire, t. V, p. 208 et suiv.)

2 Marguerite de Naillac était fille de Guillaume, seigneur du Blanc, de Châteaubrun, vicomte de Bridiers, chambellan du roi, sénéchal de Saintonge, de Beaucaire et de Nîmes, etc. (Voy. notre t. VI, p. 201, note), mort en 1406, et de Jeanne Turpin, sa seconde femme. Jean, sr de Naillac et du Blanc, le seul fils de Guillaume, fut grand panetier de France et mourut des blessures qu’il reçut à la journée dite des Harengs, le 12 février 1429, sans enfants d’Isabelle de Gaucourt, fille de Raoul V.

3 La « besogne » du pont de Saint-Cloud avait eu lieu le 8 novembre. Un traître ayant livré cette position aux Armagnacs, le duc de Bourgogne sortit de Paris la nuit avec un nombreux corps d’armée, composé de gens d’armes français et anglais (10,000 hommes), assaillit ses ennemis au point du jour et leur infligea une sanglante défaite ; il y eut six cents tués du côté des vaincus. (Voy. Journal d’un bourgeois de Paris, édit. A. Tuetey, p. 15, et la Chronique du religieux de Saint-Denis, édit. Bellaguet, t. IV, p. 557, 563, etc.)

4 Philibert de Naillac, second fils de Perrichon, sr de Naillac et du Blanc, frère cadet de Guillaume, avait été grand prieur d’Aquitaine, avant de devenir grand maître de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Il était mort en 1421, dit le P. Anselme. (Hist. généal., t. VIII, p. 667.)

5 Traité de paix conclu à Bourges, le 15 juillet 1412.

6 Quoique seigneurs de la Roche-Pozay, les Preuilly appartenaient plutôt à la Touraine qu’au Poitou. Aussi nous nous contentons de donner l’analyse de ces deux actes, dont le texte est assez développé.