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MXX

Confirmation en faveur des habitants de la haute ville de Lusignan de l’affranchissement de toutes tailles, aides et impositions quelconques, pour remplacer leurs titres anciens détruits dans un incendie.

  • B AN JJ. 213, n° 52, fol. 45
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 430-433
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, receue par nous l’umble supplicacion des manans et habitans de nostre haulte ville de Lezignen1, contenant comme, à cause de la maintenue [p. 431] de nostre dicte ville qui est une des plus fortes et avantageuses places de nostre pays de Poictou, et dont dommaige irreparable aviendroit à nous et à nostre seigneurie, se prinse et occupée estoit par aucuns de noz ennemys, que Dieu ne vueille, aient de tout temps esté et soient tenuz francs, quictes et exemps de toutes tailles, aides et subsides, et de ce avoient bonnes et souffisantes lettres et tiltres, lesquelz par fortune de feu qui d’aventure se print en une des maisons de la dicte ville où ilz estoient en garde, furent pieçà ars et perdus ; à l’occasion de la quelle perte et que par lettres lesdiz habitans ne pourroient enseigner de la dicte exempcion et afranchissement, on les pourroit et vouldroit contraindre à paier et contribuer ou temps avenir aus dictes tailles et subsides, et à cause de ce grandement les travailler et molester ; par quoy plusieurs des diz habitans, qui à present sont en petit nombre et à peine pevent souffire à fournir aux charges que pour la dicte maintenue de la dicte ville, ilz [ont] à supporter, comme dit est, se pourroient partir et delaisser icelle ville, qui par ce demourroit comme inhabitée et viendroit du tout en ruyne, comme dient les diz supplians, requerans que, afin que icelle ville ne demoure ainsi inhabitée, mais se puisse de plus en plus repeupler et rediffier, nous leur vueillons sur ce pourveoir et eslargir [p. 432] nostre grace. Nous, ce que dit est consideré et voulans recongnoistre la grant loyaulté que les diz habitans et leurs predecesseurs ont tousjours eue et ont envers nous et nostre couronne et seigneurie de France, et à ce que de tant plus ilz soient abstrains de bien emparer et garder nostre dicte haulte ville de Lezignen, iceulx habitans en icelle nostre haulte ville de Lezignen avons, pour les causes dessus dictes et autres qui à ce nous ont meu et meuvent, affranchiz et exemptez, affranchissons et exemptons, de grace especial, par ces presentes, de toutes tailles, aides, subsides, fouages et subventions qui par nous et noz successeurs seront mis sus, pour quelque cause ou occasion que ce soit, sans ce qu’ilz soient ou puissent estre contrains à y contribuer ne à en paier aucune chose, ores ne pour le temps avenir. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à noz amez et feaulx les generaulx sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, aux esleuz ou commissaires, receveurs ou collecteurs, ordonnez ou à ordonner, à imposer, mettre sus, cueillir et lever les dictes tailles, aides, subsides, fouages et subvencions ès cité et diocèse de Poictiers, et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de nostre presente grace, exempcion et affranchissement facent, souffrent et laissent les diz habitans et leurs successeurs joir et user plainement et paisiblement, sans les contraindre, travailler, molester ou empescher, ne faire ou souffrir estre contraincts, molestez ou empeschez en aucune maniere au contraire, ores ne pour le temps advenir, en quelque maniere que ce soit ou puist estre, mais, s’aucun empeschement leur estoit sur ce mis, le ostent et facent oster et mettre sans delay à plaine delivrance. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes Donné à Saint Maixent, [p. 433] le iiiie jour de juillet l’an de grace mil cccc. vingt sept, et le quint de nostre regne2.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil, ouquel l’arcevesque de Reins3, l’evesque de Sées4, les sires de Gaucourt5 et de Treves6 et plusieurs autres estoient. J. Villebresme.


1 Un peu plus d’un an après, par lettres patentes données à Chinon, le 29 octobre 1428, les ville, château et châtellenie de Lusignan étaient engagés par Charles VII à son favori Georges de La Trémoïlle, comme garantie du remboursement de 10,000 livres tournois et de 11,107 écus d’or qu’il lui avait prêtés pour les frais de la guerre contre les Anglais. Le roi avait d’abord proposé de lui engager Chinon, mais il préféra Lusignan. Ces lettres lui conféraient le pouvoir de mettre a la tête du château et de la ville tels capitaines et officiers que bon lui semblerait, « et aussi en la dicte terre et chastellenie tel receveur ou commis, et semblablement autres officiers comme il vouldra, et tous iceulx cappitaines et officiers quelxconques oster, muer et changer à sa voulenté ; par lesquelx et aussi par ceulx qui sont ou seront à la garde des diz chastel et ville, nous voulons entierement estre obey à nostre dit cousin et aux siens ou aians cause, et que ilz ne mettent ou souffrent mettre les dictes places ou aucune d’icelles hors des mains d’icellui nostre cousin. » La garnison du château, composée de trente hommes d’armes et de vingt hommes de trait, devait être maintenue telle quelle et sa solde prise, autant que possible, sur les aides imposées à la ville et à la châtellenie, le surplus à la charge du trésor royal. La Trémoïlle s’engageait, s’il était remboursé entièrement et en une fois des sommes prêtées au roi, à remettre la ville et le château de Lusignan entre les mains du sire de Barbazan, qui en était alors capitaine pour Charles VII, ou à son lieutenant, Nicolas de Montlouis, écuyer d’écurie du roi, M. le duc de La Trémoïlle a publié le texte de l’engagement de Lusignan d’après l’original conservé dans son chartrier. (Les La Trémoïlle pendant cinq siècles. Tome premier. Guy VI et Georges. Nantes, in-4°, 1890, p. 177-181.) Georges de La Trémoïlle demeura seigneur engagiste de Lusignan pendant quatre ans environ. Puis par lettres datées d’Amboise, le 12 juillet 1432, Charles VII, voulant rentrer en possession des dites ville et château, « pour ce que icellui chastel est le principal, le plus fort et la plus notable place » du Poitou, donna à son favori, en échange de Lusignan, les villes, châteaux, châtellenies, terres et seigneuries d’Amboise, Montrichart et Bléré en Touraine, confisqués sur Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, jusqu’au plein et entier payement des sommes énoncées ci-dessus, et de 7000 royaux d’or, montant d’un nouveau prêt. (Id., p. 198.)

2 Ce texte se trouve incorporé dans des lettres de nouvelle confirmation données par Louis XI, à Saint-Jean-d’Angély, en février 1462 n.s., et par Charles VIII, aux Montils-lès-Tours, au mois de mars 1484 n.s.

3 Renaud de Chartres, archevêque de Reims du 2 janvier 1414 au 4 avril 1444, date de sa mort. (Cf. ci-dessus, p. 374, note 1.)

4 Robert de Rouvres fut évêque de Sées de 1422 au 4 mars 1433.

5 Raoul VI de Gaucourt. (Ci-dessus, p. 285, note 2.)

6 Robert Le Maçon, sr de Trèves. (Ci-dessus, p. 298, note 2.)