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DCCCCLXXXV

Rémission accordée à Nicolas Chaigneau, de Saint-Jean-de-Beugné, qui s’étant porté au secours de son cousin, Nicolas Saimbaut, attaqué et frappé sans motif par Jean Marchand, homme querelleur et mal famé, avait frappé ce dernier d’un coup de marteau dont il était mort.

  • B AN JJ. 170, n° 76, fol. 101
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 313-316
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Nicolas Chaignea, povre homme, chargié de jeune femme, de l’aage de xxv. à xxx. ans ou environ, et de cinq petis enfans mineurs d’aage, demourans au lieu de Saint Jehan de Buigné ou païs de Poictou, que comme, le dymenche cinquiesme jour de [p. 314]juillet l’an mil iiiic xvi. derrenierement passé ou environ, environ heure de vespres, un appellé Jehan Marchant, laboureur de bras, demourant aussi, ou temps qu’il vivoit, au dit lieu de Buigné, lequel estoit homme de deshonneste vie, rioteur et bateur de gens, et estoit coustumier de frequenter tavernes, mal famé et mal renommé ou dit païs, rancontra et trouva en un carrefour ou dit lieu de Buigné un appellé Nicolas Saimbiaut, homme de très petite et foible corpulance et de bonne et raisonnable vie, auquel icellui Marchant dist pluseurs injures et villenies, et si fist il à la femme du dit Saimbaut, là presente, sans ce qu’ilz lui mesfissent ne mesdeissent aucunement. Et après qu’il les ot ainsi injuriez de paroles mauvaises et villennes, il qui estoit grant, fort et puissant de corps, se prinst très impetueusement aus diz Saimbaut et sa femme, et par especial au dit Saimbiaut et le gecta contre terre, en le frappant des poings et le foulant des genoux tant qu’il povoit, tenant un cousteau tout nu en sa main, et disant qu’il renyoit Dieu s’il ne tuoit les diz Saimbiaut et sa femme. Et ainsi que le dit Marchant batoit et frappoit sur le dit Saimbiaut qu’il tenoit soubz lui, comme dit est, et qui estoit et est cousin du dit exposant, l’en raporta à icellui exposant estant lors en sa maison, au dit lieu de Buigné, la quele diste dudit carrefour d’un trait d’arbalestre ou environ, que le dit Marchant tuoit le dit Saimbaut, son cousin. Lequel exposant, comme tout courroucié et esmeu de ce, prinst un marteau à maçon emmanché long, ainsi que chascun a en sa maison pour soy defendre, se mestier estoit, des pillars et gens d’armes qui faisoient ou dit païs guerre et encores font, s’en ala au dit carrefour où il trouva le dit Marchant ainsi batant le dit Saimbiaut, son cousin, et estant sur lui, comme dit est, croyant le dit exposant qu’il le voulsist tuer et murdrir. Et pour ce le dit exposant, voyant ce que dit est et meu d’amour naturele, et que le dit Marchant ainsi avoit enormement batu son dit cousin et encores batoit, [p. 315] et cuidant certainement qu’il l’eust tué, s’il l’eust gueres plus tenu soubz lui, frappa du dit marteau un tout seul coup le dit Marchant sur la teste ; lequel laissa lors le dit Saimbaut. Et ce fait, le dit Marchant qui estoit tout yvre et embeu demoura là par aucune espace de temps, et après s’en ala ou, quoy que soit, fu emporté ou emmené à sa maison au dit lieu de Buigné. Du quel coup ou autrement et deshordonnance du dit Marchant, qui estoit coustumier de soy enyvrer chascun jour et qui ne vouloit point que l’en pourveust à sa santé et garison, il est alé de vie à trespassement neuf jours entiers après icellui cop donné. Et dit l’en communement, au dit lieu de Buigné et environ, qu’il n’en feust jà mort, s’il eust eu bon gouvernement. Pour occasion duquel fait, le dit exposant, doubtant rigueur de justice, se feust et soit absenté du dit païs, delaissiez ses dicte jeune femme et petis enfans, qui sont en aventure de cheoir en très grant necessité et povreté et d’aler mendiant çà et là leur povre vie, et par devers lesquelz ne ou dit païs le dit exposant n’oseroit jamais retourner ne demourer, sans avoir sur ce, avant toute euvre, nostre grace et misericorde, si comme il dit, en nous humblement suppliant que, comme le dit fait soit avenu par chaleur et grant courroux, et pour l’amour naturele que le dit suppliant avoit à son dit cousin, ou autrement par temptacion de l’ennemi, et non pas d’aguet precogité, et que en autres cas le dit suppliant a tousjours esté et est personne paisible, de bonne vie, renommée, etc., et aussi que les parens et amis charnelz du dit suppliant ont jà contenté et fait satisfaction à la vefve et parens du dit trespassé, si comme l’en dit, nous sur ce lui vueillons impartir et eslargir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., au dit Nicolas Chaigneau, suppliant, ou cas dessus dit, avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, du dit païs de Poictou [p. 316] et du Maine, ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. et dix sept, et de nostre regne le xxxviie.

Par le roy, à la relacion du conseil. Montfort.