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DCCCXCVI

Rémission accordée à André Guiberteau, de Saint-Aubin-la-Plaine qui, dans un accès de folie causé par le mal caduc auquel il était sujet, avait tué une femme nommée Margot, veuve de Guillaume Chaffaud.

  • B AN JJ. 158, n° 360, fol. 198
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 38-41
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de André Guibretea1, demourant à Saint Aubin en Poitou, que comme, le iiie jour de ce present mois de may, à heure de vespres ou environ, ycellui André Guibretea, qui par avant pou de temps avoit esté detenu et cheu du mal caduc, appellé vulgalment le beaumal (sic), dont il est coustumier à souvent cheoir et estre malade, et d’estre furieux et fol à l’yssue d’icelle maladie, feust devenu tellement furieux et fol qu’il ne savoit qu’il faisoit ; et en alant par la ville du dit Saint Aubin ainsi furieux et fol, comme dit est, eust rencontré en certainne rue ou chemin d’icelle ville, une femme nommée Margot, vefve de feu Guillaume Chaffaud, eust couru après icelle femme, en disant : « Pute veille, tu m’as encaraté ». Et ainsi que [p. 39] icelle Margot, cuidant soy oster et mettre hors du chemin du dit Guibreteau, veant qu’il estoit fol et hors du sens, se feust voulue retraire en la maison d’un appellé Nicolas Davi, du dit Saint Aubin, mais avant qu’elle peust estre entrée en la dicte maison, le dit Guibreteau se prist au corps d’elle, la feist cheoir à terre, à l’entrée de la dicte maison d’icellui Davi, et la frappa d’une pierre qu’il tenoit en sa main par la teste, tellement que incontinent la mort s’ensuy en la personne d’icelle femme. Pour lequel fait icellui Guibreteau ait esté prins par la justice de Saint Hermine et mené ès prisons du dit lieu de Saint Hermine pour nostre très cher et amé cousin le sire d’Alebret2, seigneur d’icellui [p. 40] lieu ; ès quelles prisons il a tousjours depuis esté detenu prisonnier et encores y est, à grant povreté et misere, et seroit encores en adventure de plus longuement y estre, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, et pour ce nous aient humblement supplié, comme le dit Guibretea en touz ses autres fais ait tousjours esté homme de bon fame et renommée, et honneste conversacion, sans avoir esté reprins, actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, crime ou blasme, et soit le dit cas et fait avenu par fureur, comme [p. 41] dit est, qui est cler et veoir, car depuis le dit emprisonnement le dit Guibretea a esté continuelment furieux et fol ès dictes prisons, par l’espace de six jours et plus, que sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., au dit Guibretea ou cas dessus dit avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux bailli de Touraine et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres juges et justiciers, etc. Donné à Paris, ou dit moys de may l’an de grace mil cccc. et iiii, et le xxiiiie de nostre regne.

Par le roy, à la relacion du conseil. Chaligaut.


1 On trouve d’autres Guiberteau dans la région, au commencement du xve siècle. Jeanne Guiberteau, de Vouvant, tenait du sire de Parthenay, à cause de ses enfants, partie du moulin des Effres mouvant de Secondigny, et les deux parts d’une borderie de terre à la Jaillière, à hommage plein et au devoir d’un cheval traversain. (Arch. nat., R1* 190, fol. 247.)

2 Charles sire d’Albret, comte de Dreux, vicomte de Tartas, connétable de France, mort le 25 octobre 1415. Nous rappellerons sommairement les principaux faits de sa biographie. Il fit partie en 1390 de l’expédition de Barbarie, conduite par Louis II duc de Bourbon. Par lettres du 7 février 1403 n.s., il fut nommé connétable à la place de Louis de Sancerre, et en 1405-1406, il commanda contre les Anglais en Guyenne. Pendant les troubles de la fin du règne de Charles VI, le sire d’Albret prit le parti des Armagnacs, et la faction de Bourgogne l’ayant emporté, il fut destitué de son office et remplacé, le 5 mars 1412, par Valeran de Luxembourg, comte de Saint-Pol. Celui-ci étant mort, le 19 août 1413, Charles d’Albret reprit l’exercice de ses fonctions. Il fut cause de la prise d’Harfleur par les Anglais, n’ayant pas secouru la place à temps, et encourut une grande part de responsabilité dans le désastre d’Azincourt, où il trouva la mort. Le connétable d’Albret laissa trois fils et deux filles de Marie de Sully, fille unique et héritière de Louis sire de Sully, veuve de Guy VI de La Trémoïlle, qu’il avait épousée le 27 janvier 1401 n.s. C’est cette dame qui lui avait apporté la terre de Sainte-Hermine. Il était en outre, à cause d’elle, seigneur des châtellenies et terres de Luçon et de Prahecq, dont il rendit aveu au duc de Berry, comte de Poitou, le 1er décembre 1402. (Grand-Gauthier, copie, Arch. nat., R1* 2172, p. 978, 1083, 1142.)

La seigneurie de Sainte-Hermine avait passé successivement dans un grand nombre de mains, pendant le cours du xive siècle. Geoffroy de Lusignan, seigneur de Jarnac, la légua à sa fille Eustache de Lusignan, mariée à Dreux III de Mello, seigneur de Château-Chinon, avant 1276, morte en 1330. Dreux IV, leur fils, en hérita et n’eut que deux filles : Jeanne de Mello, femme en 1319 de Raoul Ier de Brienne, comte d’Eu, connétable de France, morte vers 1351 ; et Marguerite, mariée à Maurice VII de Craon, puis à Jean III de Chalon, sire d’Arlay. Le P. Anselme et d’autres généalogistes disent que ce fut Marguerite de Mello qui hérita de Sainté-Hermine. Elle l’aurait ainsi transmise à son fils aîné, du premier lit, Amaury IV de Craon, et celui-ci à sa fille unique Isabeau, morte le 2 février 1395 n.s., femme en troisièmes noces de Louis Ier de Sully, et mère de Marie de Sully. Cette dernière aurait donc été dame de Sainte-Hermine, du chef de sa mère. Mais c’est une erreur. Nous avons vu par des documents irrécusables que ce ne fut pas Marguerite de Mello, mais sa sœur aînée Jeanne, femme de Raoul Ier de Brienne, comte d’Eu, qui hérita de Sainte-Hermine et de Prahecq. Elle les transmit à son fils Raoul II, et celui-ci les céda, le 8 janvier 1346, à sa sœur Jeanne de Brienne-Eu, lorsqu’elle épousa Gautier VI comte de Brienne, duc d’Athènes. (Voy. notre t. II, p. 307 à 314.) Ce dernier ayant été tué à la bataille de Poitiers, sans laisser d’enfants, sa veuve se remaria, le 16 janvier 1358 n.s., à Louis d’Évreux, comte d’Étampes, dont elle n’eut point non plus de postérité. Elle mourut à Sens, le 6 juillet 1389, après avoir disposé de ses terres de Poitou en faveur de Marie de Sully, sa cousine, fiancée d’abord à Charles de Berry, comte de Montpensier, fils de Jean duc de Berry, puis mariée à Guy VI de La Trémoïlle. (Acte du 11 mars 1374, analysé dans notre t. IV, p. 192, note 1.) Dans le chartrier de Thouars, on conserve la confirmation du don de Sainte-Hermine par Jeanne d’Eu, comtesse d’Étampes, duchesse d’Athènes, à Guy VI de La Trémoïlle et à Marie de Sully, sa femme, pour eux et leurs hoirs perpétuellement. (L. de La Trémoïlle, Guy VI de la Trémoïlle et Marie de Sully. Nantes, in-4°, 1887, p. 269.) Néanmoins la vicomtesse Pernelle de Thouars revendiqua l’héritage poitevin de la comtesse d’Étampes. Le litige fut soumis à six arbitres : Pierre Boschet, président au Parlement, Itier de Martreuil, évêque de Poitiers, Jean Canart, évêque d’Arras, Oudart de Moulins, Guillaume Lirois, conseiller, et Clément Reilhac, avocat au Parlement, qui adjugèrent les terres, châteaux et châtellenies de Sainte-Hermine et de Prahecq, avec un fief sis en l’île de Ré, à Guy de La Trémoïlle et à sa femme, la terre de Benet et douze cents arpents de bois en la forêt de Chizé à la vicomtesse de Thouars. Leur sentence fut confirmée par le Parlement, le 20 avril 1395 et le 4 mai 1396. Pernelle en appela, mais peu après elle et son neveu et héritier, Pierre d’Amboise, se désistèrent de l’appel. Un accord définitif fut signé le 23 avril 1397, portant que la sentence arbitrale serait mise à exécution purement et simplement. (Arch. nat., X1c 73B, nos 162 et 163.) Ainsi Marie de Sully ayant joui sa vie durant, et Charles d’Albret, son second mari, à cause d’elle, de la terre de Sainte-Hermine, celle-ci devint, après sa mort, la propriété de Georges de La Trémoïlle, son fils aîné du premier lit.