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MXVII

Lettres de committimus au sénéchal de Poitou des causes ordinaires du chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers, et au Parlement, aux Requêtes de l’Hôtel ou aux Requêtes du Palais des causes touchant les privilèges et exemptions dudit chapitre.

  • B AN JJ. 217 n° 141, fol. 83 v° et JJ. 231, n° 101, fol. 57
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 423-428
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir [p. 424] faisons à tous, presens et avenir, que, comme en l’onneur et reverence de Nostre Seigneur et du très glorieulx sainct monsieur sainct Ylaire, en memoire et remembrance duquel son eglise est fondée en nostre ville de Poictiers, noz sains peres les papes qui ès temps passez ont presidé en nostre mere saincte Eglise, aient grandement previllegiée ladicte eglise et mesmement aient voulu qu’elle soit subgecte et ressortissant sans moien au Saint Siege de Rome, et exempte de toute juridicion ordinaire, et avecques ce ait icelle eglise notablement esté fondée, dotée et augmentée de plusieurs belles et grandes seigneuries et possessions, situées et assises en plusieurs lieux et diverses juridicions, tant par noz predecesseurs que autres, et pour ce soit chose convenable que pour la confirmation des previlleges, exemptions, franchises, libertez, droiz, seigneuries, possessions et revenues d’icelle, et à ce que les tresorier, doyen et chappitre, chappellains, vicaires et serviteurs d’icelle eglise ne soient distraiz du service divin, qu’ilz sont tenuz et ont acoustumé de y faire jour et nuyt à la louange de nostre sauveur Jhesu Crist et de sa glorieuse mere la benoiste Vierge Marie, et dudit très glorieux sainct mon dit sieur sainct Hilaire, et autres sains et saintes de Paradis, nous qui sommes abbé de ladicte eglise, en contemplacion de ce et augmentacion des previlleges et preeminences d’icelle et pour relever les diz tresorier, doyen et chappitre des grans labeurs et des fraiz, mises et despences èsquelz ilz sont constituez pour la poursuite qu’il leur convient faire en divers lieux de leurs causes et droiz, pourveoir à la dicte eglise d’aucuns noz juges qui aient la congnoissance des causes, procès et debatz qui sont meuz et pourroient mouvoir concernant leurs diz previlleges, exemptions, franchises, libertez, seigneuries, possessions et revenues. Pour ce est il que nous, eu consideracion aux choses dessus dictes et pour amour et contemplacion, requeste et priere que nous a fait faire en ceste matiere nostre très [p. 425] chiere et très amée compaigne la royne1, qui a la dicte eglise à singuliere et especiale devocion, voulans de nostre pouvoir l’augmentacion et acroissance de la dicte eglise et estre participans aux prieres et biensfaiz qui ont esté et seront faiz en icelle, voulons et nous plaist, de noz certaine science, grace especial et auctorite royal, avons decerné, declairé et ordonné, decernons, declairons et ordonnons, eu sur ce grande et meure deliberacion, nostre seneschal de Poictou, qui à present est et sera pour le temps avenir, estre et demourer perpetuellement gardian, juge, protecteur et deffenseur des causes, droiz, libertez, franchises, previlleges, droiz, rentes, revenues et possessions d’icelle nostre eglise dessus dicte et des diz tresorier, doyen et chappitre, chappellains, vicaires et serviteurs d’icelle, au regard des droiz concernans la dicte eglise, auquel nostre seneschal ou son lieutenant, et à ses successeurs les seneschaulx et leurs lieuxtenans, nous avons donné et donnons plain povoir, congié et licence et auctorité de recongnoistre, discuter et determiner, en son siege establi à Poictiers, d’icelles causes, procès et debaz, meuz et à mouvoir, touchans les diz tresorier, doyen et chappitre, vicaires, chappellains et serviteurs d’icelle eglise, en tant qu’il touche les droiz, possessions, rentes et revenues, privilleges, franchises et libertez d’icelle, et à ce faire l’avons commis et commettons par ces presentes, au regard d’eulx, de leurs terres et seigneuries estans ès pays de la conté de Poictou et duchié d’Anjou et terres enclavées, et au regard de leurs autres terres par devant noz plus prouchains juges des lieux où sont les dictes terres situées. Et pour ce que d’iceulx previlleges, droiz et franchises et exemptions d’icelle eglise [p. 426] sont meuz et se pourroient mouvoir plusieurs debatz et procès entre iceulx tresorier, doyen et chappitre, chappellains, vicaires et serviteurs d’icelle, d’une part, et plusieurs de nostre sang et lignage et autres barons de grant puissance et auctorité, d’autre, contre lesquelz les diz supplians ne pourroient bonnement poursuir leur bon droit devant nostre seneschal de Poictou ou autres noz juges, nous, de plus ample grace et auctorité royal, voulons, ordonnons et nous plaist, et aus diz supplians, en tant qu’il touche les droiz d’icelle eglise, comme dit est, avons octroyé et octroyons que de telles grosses causes entre et contre telz puissans parties, ilz ne soient tenuz ne puissent estre contrains de plaider ailleurs que en nostre court de Parlement ou ès Requestes de nostre hostel ou de nostre Palais, s’il ne leur plaist. Et voulons et nous plaist que noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui pour le temps avenir tiendront nos diz Parlement et Requestes tant de nostre hostel comme du dit Palais, des diz causes, debatz et droiz touchans les previlleges, libertez, franchises et exemptions, possessions, rentes, revenues d’icelle eglise, congnoissent, determinent et mettent à fin deue ; lesquelz noz amez et feaulx conseillers les maistres des Requestes de nostre hostel et du Palais avons commis à ce et commettons par ces presentes. Et se aucunes causes avoient esté ou soient desjà meues ou intentées par devant autres juges, touchans les droiz, franchises et exemptions, rentes et revenues dessus diz, contre telz et puissans parties, nous voulons, ordonnons et nous plaist que iceulx nos diz conseillers de Parlement et des Requestes de nostre hostel ou du Palais les puissent advocquer, s’elles sont entieres, et toutes autres dont ilz auront prins la garandie et deffense par-devant eulx, et pareillement nostre dit seneschal de Poictou et autres noz juges qui pour le temps avenir pourront estre, en la maniere que dessus est dit et devisé, les puissent advoquer pour en congnoistre, discuter et determiner, [p. 427] parties oyes, comme il appartiendra par raison. Si donnons en mandement par ces presentes à nos diz conseillers tant de Parlement que des dictes Requestes de nostre hostel et de nostre dit Palais, à nostre seneschal de Poictou et son lieutenant, et à noz autres juges et leurs lieutenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartiendra, que de nostre presente grace, ordonnance et octroy ilz facent, seuffrent et laissent les diz tresorier, doyen et chappitre, chappellains, vicaires et serviteurs de la dicte eglise joir et user paisiblement et à plain, et icelle nostre voulenté et ordonnance tiennent et facent tenir, garder, enteriner et accomplir de point en point, selon sa forme et teneur, et ces presentes facent publier et enregistrer chacun en leur auditoire, à ce que aucun ne puisse de ce pretendre cause d’ignorance. Et pour ce que les diz supplians pevent ou pourroient avoir à faire à eulx aidier de ces presentes en plusieurs et divers lieux et auditoires, et que en icelles portant elles pourroient estre perdues ou adirées, pour le peril des chemins ou autrement, nous voulons que au vidimus d’icelles, fait soubz seel royal, plaine foy soit adjoustée comme à ce present original. Car ainsi nous plaist il estre fait de nostre dicte grace, par ces mesmes presentes, non obstant quelzconques ordonnances, previlleges, mandemens ou deffences et lettres à ce contraires. Et afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Poictiers, ou mois de juillet l’an de grace mil quatre cens et vingt cinq, et de nostre regne le tiers2.

[p. 428] Ainsi signé : Par le roy, le sire de Gyac3 present. J. de Villebresme. — Visa.


1 Marie d’Anjou, fille de Louis II, roi de Sicile, duc d’Anjou, et d’Yolande d’Aragon, née le 14 octobre 1404, avait épousé Charles VII, encore dauphin, à Bourges, en avril 1422 ; elle lui était fiancée depuis le 18 décembre 1413. (M. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 235.) Elle mourut dans l’abbaye des Châtelliers, le 29 novembre 1463.

2 Le texte de ces lettres est transcrit deux fois sur les registres du Trésor des Chartes, la première dans une confirmation donnée par Charles VIII à Ancenis, en juillet 1487 (JJ. 217, n° 141, fol. 83 v°), et la seconde dans une autre ratification accordée au chapitre de Saint-Hilaire par Louis XII, à Blois, novembre 1498. (JJ. 231, n° 101, fol. 57.)

3 Pierre de Giac, fils de Louis et de Jeanne du Peschin, né vers 1380, mort en 1427. Attaché à la reine Isabeau de Bavière, puis à Jean-sans-Peur (1419), il tomba, après l’assassinat du duc à Montereau, au pouvoir des gens du dauphin, dont il devint bientôt le favori et le ministre. Ses abus de pouvoir et ses dilapidations soulevèrent l’opinion publique, et en janvier 1427, le connétable de Richemont le fit prendre à Issoudun et conduire à Dun-le-Roi, où il fut jugé, mis à la torture et condamné à mort. (Le P. Anselme, Hist. généal. t. VI, p. 345.)