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DCCCXCV

Rémission accordée à Jean Horruceau, poursuivi pour différents vols de bestiaux commis dans le but de faire croire à son beau-père qu’il était un riche laboureur, et dont il avait restitué le [p. 35] produit. Il devra cependant rester en prison fermée pendant deux mois.

  • B AN JJ. 158, n° 299, fol. 162 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 34-38
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Jehan Horruceau, povre laboureur et jeunes homs de l’aage de xviii. ans ou environ, contenant que, comme le dit Horruceau se soit dès grant pieça conjoint par mariage avecques la fille d’un autre povre laboureur, nommé Jehan Fevre, demourant en la parroisse de Beaulieu, village du Puy en la chastellenie de la Roche sur Oyon, et en icellui mariage faisant ou autrement, esté traictié et accordé entre eulz que le dit Horruceau et sa femme feroient demeure1 et communauté de biens meubles avec le dit Jehan Fevre, et pour ce devoit icellui Horruceau faire venir en l’ostel du dit Fevre, son sire, pluseurs biens meubles que il se disoit avoir et eulz demourer ensemble par aucun temps, sanz ce que Horruceau eust demené ne fait venir en l’ostel du dit Fevre, son sire, ses diz biens, eust icellui Fevre au dit Horruceau, son gendre, dit et lui orté2 qu’il amenast ses diz biens, ainsi comme il avoit promis, pour mettre en la dicte communauté, cuident que son dit gendre deist verité et que il feust riches homs, selon le fait de laboureur. Et pour ce que le dit Horruceau avoit pou ou neant de biens, et pour cuider couvrir sa menterie et povreté, et par temptacion de l’ennemi ou autrement, se estudia comment il auroit des biens pour amener et mettre en l’ostel d’icellui Jehan Fevre, son sire, et en leur communauté, et s’en ala un jour près de Paluya et trouva un buef appartenant à Jehan de Bordoillé, et le prist et amena en l’ostel du dit Jehan Fevre, disant que il estoit sien, et en firent [p. 36] leur besoigne et labeur de terres par l’espace d’un mois ou environ, et après par deffault [de] soin et de nourreture ou autrement fu par eulz ou l’un d’eulx mené le dit beuf avec un autre buef ou marois, pour pasturer et nourrir d’erbe, et illeuques fu cogneu et trouvé le dit buef par le dit Jehan de Bordoillé ou autres de par lui, et l’en feist emmener comme sien. Et une autre foiz, icellui Horruceau ala ou village appellé la Cheyneliere en la parroisse d’Aizenois, en l’ostel d’un appellé Cheyneau, et illeuecques fist tant par faulz entressains ou autrement que il eust d’icellui Cheyneau dix sept bestes belines et dix sept toisons de laine ou environ, qui estoient et appartenoient à André Ouler, du villaige de la Mazonerie en la parroisse de Veansau3, et icelles bestes et toisons amena ou fist venir et apporter en l’ostel du dit Jehan Fevre, son sire, disant que elles estoient siennes ; et aussi le lendemain assez tost après, furent rendues aus diz Cheyneau et Ouler, qui les vindrent querir en l’ostel du dit Jehan Fevre. Et une autreffois le dit Horruceau, en venant de la ville du Fenoillier, trouva auprès d’un village, entre la ville d’Aspremont et la ville de Coys, xiii. bestes belines sanz garde et les prist et amena en l’ostel du dit Fevre, disant que elle estoient siennes. Et aussi le dit Horruceau, saichant que Perrot Ragois, de la paroisse de Venansau, avoit baillié à un appellé Choleton, musnier, à mouldre huit boisseaulz de segle ou environ, mesure de la dicte Roche sur Oyon, et qui valoient vint solz tournois ou environ, vint au dit musnier et fist tant que par faulx entressains ou autrement il eut le dit seigle molu ou à mouldre, et depuis a esté rendu au dit Ragois, ou la valeur d’icellui, et par ainsi ne reste à rendre de toutes les choses dessus dictes aucune d’icelles, ne n’y a aucun de ceulx à qui elles estoient qui l’en poursuive. Et neantmoins pour occasion de ces choses, icellui Horruceau [p. 37] ait esté prins et emprisonné au dit lieu de la Roche sur Oyon, et illecques ait confessé les fais et cas dessus diz, et depuis ait esté rendu par la justice et officiers d’icelle Roche sur Oyon aux religieux, abbé et convent de Jard4, comme leur homme et subget, à cause de leur prieuré ou maison du Lieu Dieu prez de Venansau, chargié des diz cas, et pour en faire justice. Et pour ce, se doubtent les diz supplians que les diz religieux, ou leurs officiers pour eux, veuillent proceder contre le dit Horruceau, leur parent, et lui garder rigueur de justice, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant, comme icellui Horruceau en ses autres fais ait esté et soit de bonne vie et renommée, et soit jeunes hommes de xviii. ans ou environ, povre laboureur, chargié de femme et d’un petit enfant qui n’ont de quoy vivre et sont en voie de devenir povres mendians par l’empeschement d’icellui Horruceau, et que pour les fais et cas dessus diz il a jà longuement esté en prison, à grant povreté et misere, et soit grevé et moult blecié de ses jambes des fers où il a esté mis, et qui les lui ont usé moult griefment, et que ce que il a fait en ceste partie a esté par grant jeunesse et povreté, et soit restitucion et satisfacion faicte aux parties, telement que il n’y a qui poursuive ne demande aucune chose à l’encontre du dit prisonier, [sinon le procureur des dix religieux5], selon la justice de son office tant seulement, nous lui veuillions sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplicacion, etc., au dit Jehan Horruceau avons [p. 38] ou cas dessus dit remis, quictié et pardonné, etc., parmi ce que le dit Jehan tenra prison fermée deux mois entiers. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. et quatre, et le xxiiiie de nostre regne.

Par le roy, à la relacion du conseil. R. Camus.


1 Le texte porte « deuement » au lieu de « demeure », par suite d’une distraction du scribe.

2 Exhorté, engagé.

3 Sic. Lisez Venansault.

4 La liste des abbés de Jard ou de Lieu-Dieu-en-Jard, donnée par la Gallia christiana, est extrêmement incomplète. De Durand mentionné en 1290, on passe brusquement à Pierre qui, en 1409, envoya son procureur au concile de Pise, et qui est cité encore dans une charte originale du 30 novembre 1424. (Tome II, col. 1445.) Peut-être était-il déjà en fonctions l’an 1404. L’abbé Aillery, qui a un peu complété cette liste, cite immédiatement après Durand (1290), Denis Le Beuf en 1364 et Pierre en 1409 et 1448. (Pouillé de l’évêché de Luçon, p. xxxiii.)

5 Nous suppléons ces mots placés entre crochets, omis dans le texte, mais nécessaires au sens.