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DCCCCXVI

Rémission accordée à Macé Chauvet, valet, de la Touche en la châtellenie de Parthenay, qui dans une rixe provoquée par son cousin Jean Bourbeau, obligé de se défendre contre lui, l’avait frappé mortellement.

  • B AN JJ. 160, n° 268, fol. 186
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 93-95
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Macé Chauvet, povre varlet, demourant ou village de la Touche en la chastellerie de Partenay, contenant comme, le xve jour de janvier l’an mil iiiic et trois, le dit Macé fust alé aux noces d’un sien ami ou dit village, et ou soir bien tart, au departement des noces, icellui Macé, en la compaignie de deux autres jeunes hommes ses voisins, se feust mis en chemin pour soy retraire en son domicile ou dit village, et peu après que icellui Macé et les diz jeunes hommes orent alé ensemble, iceulx deux jeunes hommes se departirent de lui et alerent ou bon leur sembla, et le [p. 94] dit Macé demoura seul, et en alant droit à son domicile passa par devant l’ostel d’un sien cousin nommé Jehan Bourbeau1, lequel il vit devant son huis, et tenoit un tizon de feu ardent, et lui demanda ainsi : « Avez-vous veu les compaignons ? » et sans autre chose icellui Bourbeau qui faisoit chiere d’omme courcié, dist yreusement au dit Macé : « Haa ! vous alez muaudant, mais par le sang de Dieu, se vous entrez chez moi, vous l’acheterez. » Dont le dit Macé fut moult esmerveillé, attendu la chiere que son dit cousin lui avoit acoustumé de faire, et lui respondi moult amiablement qui ne vouloit point aler sur lui, se ce n’estoit à son plaisir. Et ces paroles dictes, icellui cousin le menassa plus fort que devant, et le dit Macé le voult atant laissier et se mist au chemin à s’en aler comme il avoit acoustumé, et en soy en alant dist au dit Bourbeau, son cousin, qu’il ne le craignoit riens et autre mal ne lui fist. Et tantost le dit Bourbeau prist en sa main une grosse pierre et couru après le dit Macé au plus tost qu’il pot, en lui disant : « Tu le sauras maintenant », et en disant ces paroles, rua la dicte pierre de grant force contre le dit Macé, et lui en donna tel cop parmi l’une des espaules que ledit Macé chey à terre, et non obstant ce, le dit Bourbeau au plus tost qu’il pot s’aproucha du dit Macé, et avant qu’il pot estre levé, le dit Bourbeau l’ot ataint et du dit tizon qu’il tenoit donna au dit Macé, ainsi qu’il se cuidoit relever, [p. 95] tel cop par la teste qu’il chey derechief à terre, et se mist icellui Bourbeau sur lui, et le fery pluseurs cops par la teste et ailleurs, et tant que par les diz cops pluseurs charbons du dit tizon entrerent ou saing du dit Macé, et ne se povoit icellui Macé relever pour la force du dit Bourbeau qui estoit grant et puissant, et le dit Macé n’estoit que un enfant de l’aage de xvii. ans. Lequel Macé veant l’outraige et obstinacion du dit Bourbeau, son cousin, pour obvier à la mort, s’avisa d’un petit coustel à trancher pain qu’il avoit et le prist, et d’icellui donna un cop au dit Bourbeau par la cuisse près du genoul, et si tost que le dit Bourbeau se senti feru, se leva de dessus le dit Macé et s’en ala en son hostel, et ainsi fist icellui Macé et se coucha en son lit malade de la bateure que lui avoit faicte le dit Bourbeau. Et deux heures ou environ avant jour, vindrent au dit Macé certaines personnes qui lui dirent que le dit Bourbeau estoit mort. Pour le quel faict le dit Macé, doubtant rigueur de justice, se absanta du païs, ouquel il n’oseroit jamais converser, se nostre grace ne lui est sur ce impartie, si comme dient iceulx supplians, requerans humblement que, attendu que en autres cas le dit Macé a tousjours esté homme de bonne vie et renommée, sans avoir esté reprins d’aucun villain reprouche, et que la femme et pluseurs autres des parens du dit Bourbeau, considerans l’amour et affinité qui estoit par avant entre eulx et la qualité du fait, lui aient pardonné le dit fait, nous vueillons audit Macé impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, etc., avons audit Macé ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes, au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, du Maine et de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l’an de grace mil iiiie et cinq, et de nostre regne le xxvie.

Par le roy, à la relacion du conseil. R. Camus.


1 L’existence dans la Gâtine de divers membres de la famille Bourbeau, à la fin du xive et au début du xve siècle, a été constatée déjà. (Dictionnaire des familles du Poitou, nouv. édit., 1891, t. I, p. 683.) Jean peut être ajouté à la liste, ainsi que Pierre Bourbeau, de Routebout, dont nous avons un aveu daté du 22 juin 1402, rendu pour lui et ses parsonniers au sire de Parthenay pour un « quarteron de terre herbergé » assis à Routebout et environs, consistant en hébergements, vignes, vergers, terres gagnables et non gagnables, prés, pâturages, etc., et tenant, d’une part au fief du seigneur d’Hérisson à cause de sa terre de Leigné, et d’autre part au fief d’Aimery Guischart et à celui de Guillaume David. Le revenu dudit quarteron de terre y est estimé à 50 sous par an. (Arch. nat., R1* 190, fol. 217.)