[p. 242]

DCCCCLXIV

Lettres d’amortissement de la dîme de Naintré, abandonnée au chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers, par Jean de Torsay, chevalier, chambellan du roi et du duc de Berry, en échange de la terre de la Lambertière, sise en la châtellenie de Lezay, par suite d’un accord intervenu entre les parties pour mettre fin à une contestation.

  • B AN JJ. 167, n° 317, p. 458
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 242-249
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan, Jehan de Torsay1, chambellan aussi de nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry, contenant comme certains debaz feussent [p. 243] meuz ou esperez à mouvoir entre le dit suppliant, d’une part, et les prieur et chappitre de Saincte Ragonde de Poictiers, d’autre part, pour raison du lieu et terre de la Lembertiere et de ses appartenances et appendences, assis en la chastellenie, seignorie et terre de Lezay en Poictou, sur lesquelz debaz les dictes parties ont parlé ou traictié [p. 244] ensemble que le dit lieu et terre de la Lembertiere sera et demourra dores en avant au dit chevalier et aux siens, parmi leur baillant à l’encontre d’icelui lieu et terre, par maniere d’eschange ou autrement, la disme de Naytré assise ou dit pays de Poictou, laquele peut bien valoir par an soixante livres ou environ, et ycelle faisant admortir, et [p. 245] nous humblement suppliant que, attendu que la dicte disme est tenue de pluseurs en fiefz et en arriere fiefz et que le dit lieu et terre de la Lambertiere, qui a esté en la main des diz prieur et chappitre par l’espace de lx. ans ou environ, retournera prophaine et en main seculiere, nous vueillions la dicte disme admortir. Et nous, inclinans à la [p. 246] dicte supplicacion, pour consideracion de ce que dit est et des bons et aggreables services que nous a faiz le dit Jehan et fait de jour en jour, et esperons qu’il face ou temps avenir, avons la dicte disme admortie et admortissons de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal, et grace especial, par la teneur de ces presentes, voulans [p. 247] et octroyans que les diz prieur et chappitre, après ce que la dicte disme leur sera baillée et transportée, comme dit est, ayent, tiengnent et possident perpetuelment ycelle disme, dès lors en avant admortie et à Dieu dediée, sans ce qu’ilz soient, puissent ne doient estre contrains par nous et noz officiers, ne leurs successeurs et leurs officiers, de la mettre hors de leurs mains, ne pour ce paier à nous [p. 248] ne à noz successeurs, ores ne pour le temps avenir, aucune finance, pourveu toutes voies que premierement et avant toute euvre, ledit chevalier nous baillera et assignera realment et de fait terre ou rente assise soubz nous et en nostre terre et justice sans moien, jusques à la valeur de la tierce partie d’autant comme vault et peut valoir la dicte disme, pour adjoindre à nostre demaine, ou icelui nostre domaine deschargera d’autant comme la dicte tierce partie vault, ou paiera pour ce finance moderée pour acheter heritaiges, pour nous ou nostre dit demaine descharger, à l’ordonnance de noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers à Paris. Si donnons en mandement à nos diz gens de nos diz comptes et tresoriers à Paris, et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de noz presens don, transport, admortissement, grace et octroy ilz facent, seuffrent et laissent le dit chevalier joir et user plainement, paisiblement et perpetuelment, sans le molester, travailler ou empeschier, ne souffrir estre molesté, travaillé ou empeschié, ores ne pour le temps avenir, en aucune maniere au contraire. Et afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, le xme jour de mars l’an de grace mil cccc. et treize, et de nostre regne le xxxiiiie2.

[p. 249] Par le roy, en son conseil, où le roy de Secile3, messeigneurs les ducz d’Orleans, de Bar4 et en Bavyere5, et autres estoient. N. Ferron.


1 La généalogie de Torsay imprimée dans le P. Anselme est fort incomplète et très inexacte ; nous avons eu déjà l’occasion de le remarquer. Dans notre premier volume, on trouve mentionnés un Jean de Torsay, chevalier, vivant en 1324, époux de Jeanne Orrye, et Guillaume de Torsay, aussi chevalier, nommé dans des lettres de 1333 ; ils ne sont pas cités ailleurs. C’est ce dernier sans doute qui épousa Marguerite de Lezay, fille aînée de Simon IV, seigneur du château de Lezay, et d’Anne d’Archiac (Hist. généal., t. III, p. 86), et fut père ou peut-être aïeul de Guillaume II, mort avant 1400 (voy. notre tome VI, p. 375 note), et de Jean, seigneur de Béruges et de Contré. (Voy. id., p. 374, note, et ci-dessus, p. 208.)

Jean de Torsay, chambellan de Charles VI et du duc de Berry, dont il est question ici, fut le plus illustre de la famille. Fils aîné de Guillaume II et de Talaisie de Chastenet, seigneur de la Roche-Ruffin, la Mothe-Saint-Héraye, Lezay, etc., il exerça les hautes fonctions de sénéchal de Poitou et de maître des arbalétriers de France, et fut l’un des personnages les plus en vue de la régence et des premières années du règne de Charles VII. Dès l’an 1397, Jean de Torsay était au service de Jean duc de Berry. Son nom se rencontre plusieurs fois, cette année-là et les années suivantes, sur les registres de comptes de l’hôtel de ce prince avec le titre de chambellan. C’est en cette qualité qu’il donna au maître de la chambre aux deniers du duc une quittance de 40 francs pour l’entretien de ses chevaux, le 29 décembre 1397. (Bibl. nat., Pièces originales, vol. 2855.) En octobre 1398, il fut chargé par son maître d’une mission à Montignac (Arch. nat., KK. 253, fol. 63 ; voy. aussi fol. 83, et KK. 254, fol. 24 et 101 v°), et suivit le connétable d’Albret dans la seconde expédition dirigée par celui-ci en Guyenne. La montre de sa compagnie, comprenant neuf chevaliers et soixante-quatorze écuyers, fut reçue à Saint-Jean-d’Angély, le 20 juin 1405. A cette date, Jean de Torsay était déjà sénéchal de Poitou (Hist. généal., t. VIII, p. 69) ; il remplit cet office jusqu’à sa mort qui eut lieu après le 25 avril 1427, sauf pendant une courte disgrâce, de mars à juillet 1425, qu’il fut remplacé par Pierre Frotier. Quelques auteurs prétendent qu’une première fois il avait dû abandonner ces fonctions, et que Jean Larchevêque, sire de Parthenay, tint la charge de sénéchal de Poitou de 1410 à 1412. Cette assertion toutefois ne paraît pas fondée sur des documents authentiques. Nous renvoyons, pour plus de développement sur cette question de la durée du sénéchalat de Jean de Torsay, à l’Introduction du présent volume.

Le sr de Torsay prit part à un nouveau voyage du connétable d’Albret dans la Guyenne anglaise, au commencement de 1406, comme on le voit par une autre montre de cinq chevaliers et quarante-quatre écuyers de sa compagnie, reçue à Ruffec, le 1er février 1406 n.s. Le 31 juillet 1408, il donna quittance d’un quartier de sa pension comme chambellan de Charles VI. (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 2855.) Au mois de septembre 1409, le roi l’envoya à Gênes au secours du maréchal Boucicaut, et, à son retour, le pourvut de la capitainerie de Fontenay-le-Comte. Fidèle au duc de Berry et au parti armagnac, Torsay était en 1412, avec le sire d’Albret, à la tête des troupes qui essayèrent vainement de s’opposer à l’occupation du Poitou par Jacques d’Heilly, le sire de Parthenay et autres chefs du parti bourguignon. Le 19 février de cette année, tenant Niort pour le comte de Poitou, les bourgeois de Poitiers, qui étaient en train de négocier leur soumission avec les envoyés de Jean sans Peur, lui firent porter une lettre par le héraut du sire de Parthenay. (Arch. de la ville de Poitiers, K. 4, carton 35, reg. I, fol. 13 et 14.) Il est bon de noter qu’en cet endroit, il est qualifié sénéchal. Le duc de Berry le récompensa de ses efforts, après qu’un traité lui eut restitué son comté, en lui octroyant une pension de 1000 livres par an, payable par son trésorier général, outre les gages et pensions qu’il recevait en qualité de sénéchal de Poitou, de capitaine châtelain de Fontenay-le-Comte, et les « autres dons et biensfaiz qu’il a de mond. seigneur ». (Compte de l’année 1413, Arch. nat., KK. 250, fol. 13 v°.) Un mandement fut adressé, le 11 septembre 1413, à messire Jean de Torsay, conseiller et chambellan du roi et du comte de Poitou et sénéchal de cette province, pour l’imposition d’une somme de 350 livres sur les habitants de Poitiers, pour les réparations de la ville. A cet acte était joint un autre mandement dudit sénéchal pour le paiement de semblable somme à Mre Henry de Salignac, chevalier, lequel avait chassé les gens d’armes qui rançonnaient le pays, daté du 11 décembre de la même année. (Titres perdus, Arch. de la ville de Poitiers, mention d’inventaire du xvie siècle, E. vixx vi, p. 111.) Le 10 octobre précédent, le sr de Torsay avait obtenu des lettres royaux pour contraindre les habitants de la châtellenie de Lezay à faire le guet en son château de Lezay. (Archives de la Vienne, G. 1503.) Citons encore une quittance de gages pour service de guerres, datée de Paris, le 10 décembre 1415, scellée du sceau de Jean de Torsay (écu en palette à l’écusson en abîme, penché, timbré d’un heaume cimé d’un vol, supporté par deux aigles), dans laquelle il s’intitule chevalier, sénéchal de Poitou, conseiller et chambellan du roi. G. Demay, Invent. des sceaux de la coll. Clairambault, t. II, p. 248.)

Après le décès de David de Rambures, Jean de Torsay fut pourvu, le 8 janvier 1416 n.s., de la charge de maître des arbalétriers de France, à 2000 livres de gages et pension, « de l’avis et deliberation de nostre oncle le duc de Berry et de nostre fils le conte de Ponthieu ». (Arch. nat., X1a 8603, fol. 1 v°.) Quand ce dernier, devenu dauphin, fut contraint par la faction bourguignonne triomphante de quitter Paris et de se proclamer régent, Torsay demeura un de ses plus dévoués serviteurs, et se distingua dans la guerre civile qui désolait une partie du Poitou, le sire de Parthenay et ses partisans, qui tenaient pour le duc de Bourgogne, refusant de se soumettre à l’autorité légitime du fils de Charles VI. Le 8 mai 1418, il recouvra le château de Pressigny dans la Gâtine, que la garnison assiégée avait juré de lui rendre à cette « journée », si elle n’était pas secourue. (P. 1144, fol. 2 v°.) Une quittance de lui à Macé Héron, trésorier des guerres, en date du 7 septembre de cette année (Pièces orig., vol. 2855), se rapporte à la mission dont il avait été chargé par le dauphin, avec le maréchal de Rochefort et le sire de Barbazan, d’aller s’emparer du château de Montbron en Angoumois, dont le seigneur était à Paris parmi les factieux du parti de Jean sans Peur. Par lettres du 22 mars 1419, Jean de Torsay, maître des arbalétriers, fut chargé de diriger les opérations du siège de Parthenay, avec Philippe d’Orléans, comte de Vertus, nommé lieutenant et capitaine général pour le roi et le régent en Poitou et en Guyenne. L’investissement de la place eut lieu au commencement d’avril. Les assiégeants ne purent venir à bout de la résistance de Jean Larchevêque. Le traité de Pouilly (11 juillet) suspendit les hostilités, et l’acte définitif mettant fin au siège de Parthenay fut signé, le 31 août 1419, par le comte de Vertus. (B. Ledain, La Gâtine historique, p. 199-200.) Pendant cette expédition, le sr de Torsay disposait de 600 hommes d’armes et de 500 archers, parmi lesquels on trouve le sr de Grimaut et sa compagnie, pour le paiement duquel le maître des arbalétriers adressa un mandement au trésorier des guerres, daté de Mirebeau, le 20 avril 1419. (Pièces orig., vol. 2855. Le 20 janvier suivant, Torsay scella le reçu d’un don de 200 livres que lui avait fait le régent. (Id. ibid.) En 1423, il passa en Saintonge, au recouvrement de la ville de Marennes. Le 4 mai 1424, il délivre quittance de 500 livres tournois à lui assignées par les gens des trois états de Poitou, dernièrement assemblés à Saint-Maixent, qui ont accordé à Charles VII une aide de 30,000 livres à imposer sur le pays pour la guerre. Le 12 décembre suivant, en sa présence, le receveur des aides en Poitou opère un versement de 3600 livres pour équiper quatre cents Écossais. Le 25 janvier 1425 n.s., nouvelle quittance de 1000 livres que le vicomte de Thouars et l’évêque de Poitiers, commissaires du roi, ont ordonnées au sr de Torsay sur les aides, pour distribuer à plusieurs seigneurs, barons et autres, pour diverses causes non spécifiées. (Pièces orig., vol. 2855.) Au mois de mars suivant, s’étant prononcé pour Richemont, que le roi venait de créer connétable, et pour les tentatives de réconciliation entre Charles VII et le duc de Bourgogne, Torsay encourut la disgrâce du président Louvet, le favori en titre. Il perdit alors pour quelques mois sa charge de sénéchal et fut remplacé par Pierre Frotier. Mais au mois de juillet de la même année, le connétable ayant obtenu l’éloignement définitif de son ennemi, le roi rendit toute sa faveur au maître des arbalétriers, qui reprit ses fonctions. (Voy E. Cosneau, Le Connétable de Richemont, p. 100 et suiv.) Cette année même, suivant le P. Anselme (t. VIII, p. 70), Charles VII donna en outre à Torsay la capitainerie de Saint-Maixent et une somme de 500 livres pour l’aider à payer la rançon de son frère, prisonnier des Anglais. Le 8 février 1426 n.s., dans un acte où il s’intitule toujours maître des arbalétriers et chambellan du roi, il donne décharge de 500 livres sur les 2000 que les états assemblés à Poitiers « ont consenti estre levées sur le Poitou en sus des autres aides ». (Pièces orig., vol. 2855.) On peut citer encore une ordonnance de lui, en qualité de sénéchal, donnée le 9 novembre 1426. (Coll. dom Fonteneau, t. V, p. 249.) Quoique dans la force de l’âge, Jean de Torsay touchait au terme de sa carrière. Il fit son testament le 25 avril 1427 (Arch. de la Vienne, G. 1211), et mourut très peu de temps après. On trouve Jean de Comborn, sr de Trignac, qualifié sénéchal de Poitou, dans un acte du 13 octobre de la même année.

En dehors des grands emplois qu’il remplit et sans parler des libéralités royales dont il fut comblé, Jean de Torsay, par sa situation patrimoniale et par celle de sa femme, était l’un des plus riches et puissants seigneurs du Poitou. Il avait épousé, vers 1400, Marie, fille unique et héritière de Jean d’Argenton, seigneur d’Hérisson, et de Charlotte de Melle, dame de la Motte-Chalandray, du Breuil de Rochefort, de Gascougnolles, etc. Peu après le 19 août 1404 il acheta de Charles d’Albret, connétable de France, et de Marie de Sulli, sa femme, la châtellenie de la Mothe-Saint-Heraye pour le prix de 4000 écus d’or à la couronne. (D. Fonteneau, t. 85.) Sur le Grand-Gauthier, sont transcrits deux aveux de J. de Torsay, l’un du 31 janvier 1410 n.s., pour son hébergement de Vix (cne de Saivre), clos de murs, et autres mouvant de Saint-Maixent, le second du 9 février suivant, pour l’hébergement de la Poinière (cne de Saint-Sauvant), etc., mouvant de Lusignan (Arch. nat., R1* 217, p. 272, 805 à 819), et sur le Livre des hommages, droits, aveux dus à Charles dauphin, comte de Poitou, en 1418, il est inscrit pour son château, terre et châtellenie de la Mothe-Saint-Héraye, une partie de la seigneurie de Béruges, l’hébergement de la Poinière, lui appartenant en propre, et pour le château de la Ferrière, mouvant de Gençay, la seigneurie de Gascougnolles, mouvant de Melle, et la moitié de l’hébergement de la Mothe-de-Chalandray, mouvant de Montreuil-Bonnin, etc., appartenant à sa femme. (P. 1144, fol. 19 v°, 20, 22, 31 v°, 39 v°, 52.) Il possédait aussi la terre de Leigné, du chef de Marie d’Argenton, pour laquelle il rendit aveu au sire de Parthenay, le 22 septembre 1426 (R1* 190, fol. 113 v°), et peut-être la seigneurie de Clavières, comme nous l’avons vu ci-dessus (p. 208, note). Un arrêt du Parlement, du 27 mai 1419, nous montre Jean de Torsay en contestation avec Guillaume Rataut, écuyer, sr de Curzay, à propos d’une négligence d’hommage pour le fief du Bouchet. (X1a 9190, fol. 20.) En outre, il s’était rendu acquéreur de la terre de la Haye en Touraine, après qu’elle eut été confisquée sur Marguerite comtesse de Sancerre et son troisième mari, Jacques de Montbron, parce que ce dernier était partisan du duc de Bourgogne et des Anglais. Mais avant la saisie, la comtesse avait, paraît-il, vendu la Haye à Denise de Montmorency, veuve de Lancelot Turpin de Crissé, et celle-ci actionnait le second acheteur au Parlement siégeant à Poitiers, pour obtenir que son acquisition fût déclarée nulle. (Plaidoiries du 19 juin 1424, X1a 9197, fol. 320 v°.) Enfin Jean de Torsay avait acheté, depuis son mariage, le château et la terre de la Roche-Élie, que par son testament il légua à son frère. Au moment de son décès, il était en procès contre Jean de Mortemer, sr de Couhé, qui exigeait que les habitants de ladite seigneurie fissent le guet à Couhé. Depuis, l’affaire traîna en longueur, car les héritiers se disputaient la possession de la Roche-Élie, on le verra dans un autre endroit. Un arrêt provisoire du 8 juin 1436 est intitulé : « En la cause d’entre Mre Jean de Torsay, chevalier, maistre des arbalestriers de France, sr de la Roche-Neslies… », comme s’il vivait encore, et sans indiquer que cette terre était litigieuse entre sa fille et son frère, de sorte que si l’on ne connaissait que ce document, on en tirerait la conclusion que Torsay vivait encore en 1436. Le jugé porte qu’en attendant l’arrêt définitif, les habitants de la Roche-Élie et des villages voisins d’Asnières, de la Villette, de Messé et du Breuil de Messé, de Vérines, Bonneuil (cne de Sainte-Soline), etc., devront faire le guet, comme les autres sujets de la châtellenie de Couhé. (X1a 9194, fol. 137.)

Jean de Torsay n’eut de Marie d’Argenton qu’une seule fille, Jeanne, qui fut mariée quatre fois. Nous donnerons sur cette dernière une notice spéciale, dans laquelle nous parlerons des procès qu’elle dut soutenir contre son oncle et contre le chapitre de Notre-Dame-la-Grande, relativement à l’exécution du testament de son père. On rencontre dans les textes de l’époque un Alexandre de Torsay, bâtard, écuyer, qui, le 1er décembre 1418, donna une quittance de gages, au siège devant Tours. (Bibl. nat., ms. Clairambault 106, p. 8291), et pourrait bien être un fils du maître des arbalétriers. En tout cas, c’était lui qui devait à Charles dauphin, comte de Poitou, en 1418, l’hommage pour l’hébergement de Vix (P. 1144, fol. 38 v°), qui appartenait, en 1410, nous venons de le voir, à Jean de Torsay. D’autre part, nous savons que ce dernier entretint des relations illégitimes avec une Marguerite de Ventadour, à laquelle il avait fait, longtemps avant sa mort, don viager des revenus de la Roche-Élie. Comme Jeanne de Torsay faisait valoir cet argument pour ne pas mettre son oncle en possession de cette terre, le demandeur répondait que si la donation alléguée avait eu lieu réellement, elle n’était pas valable, comme faite « ob causam fornicationis ». (X1a 9193, fol. 162.)

Quant à Guillaume de Torsay, seigneur de Melleran, frère du maître des arbalétriers et son légataire, nous citerons une quittance de gages pour services de guerres contre les Anglais, scellée de son sceau, à Ruffec, le 14 septembre 1418. (Ms. Clairambault 106, p. 8292.) Il est connu d’ailleurs pour la longue captivité qu’il subit en Angleterre. Il y a beaucoup d’apparence qu’il avait été fait prisonnier à Verneuil (1424), et peut-être même avant. En septembre 1436, il n’avait pas encore recouvré sa liberté, comme nous le verrons, avec quelques détails sur cette période de sa vie, dans la note relative à sa nièce, Jeanne de Torsay. De Jeanne d’Archiac, sa femme, il n’eut aussi qu’une fille unique, mariée avant 1445, selon le P. Anselme, à Guillaume de La Rochefoucauld, sr de Nouans et de Melleran, à cause d’elle, et morte en 1463. (Hist. généal., t. IV, p. 449.) La terre de Melleran, mouvant de Melle, était tenue du comte de Poitou, au devoir de deux éperons dorés ou cinq sous au choix, en 1418. (P. 1144, fol. 53.)

2 L’échange projeté entre le chapitre de Sainte-Radegonde et Jean de Torsay, et pour faciliter l’accomplissement duquel ces lettres d’amortissement avaient été obtenues, ne fut pas effectué. Car au commencement de l’année 1420, la dîme de Naintré n’avait pas encore changé de mains, comme en témoigne une commission du dauphin Charles, régent, à l’effet de contraindre Jean de Torsay, maître des arbalétriers, sénéchal de Poitou, possesseur de la dîme en question, à payer aux chanoines de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers les arrérages de huit années d’une rente qui leur était due sur cette dîme (29 janvier 1420 n.s.). La rente consistait en cinq cuisars de froment et vingt sous ; elle avait été constituée au profit du chapitre de Notre-Dame-la-Grande, le lundi après la Purification 1322 n.s., par Aimery de Curzay, chanoine de Notre-Dame de Châtellerault. Une longue contestation eut lieu d’avril 1371 à novembre 1390, entre les chanoines et le petit-neveu du donateur, nommé aussi Aimery de Curzay, qui refusait de payer les arrérages de la rente et d’en donner l’assiette. (Sentences du sénéchal de Poitou et autres pièces de procédure.) La dîmerie de Naintré, après avoir appartenu à Jean de Torsay, devint ensuite la propriété des maire et échevins de Poitiers. Ces derniers passèrent, le 16 mars 1425 n.s., avec le chapitre de Notre-Dame-la-Grande, devant les maîtres des requêtes de l’hôtel séant à Poitiers, une transaction aux termes de laquelle les magistrats municipaux se reconnaissent débiteurs de la rente de six setiers de froment constituée par Aimery de Curzay et composent à 25 livres pour les arrérages échus. Tous ces actes sont conservés dans le fonds du chapitre Notre-Dame-la-Grande. (Archives de la Vienne, G. 1234.) On voit, d’autre part, que la terre de la Lambertière resta en la possession du chapitre de Sainte-Radegonde jusqu’à la Révolution. (L’analyse des titres de cette seigneurie comprend les articles G. 1502 à 1520 de l’Inventaire-Sommaire des Archives départementales de la Vienne et on n’y trouve pas trace des lettres d’amortissement du 10 mars 1414.)

3 Louis II duc d’Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem (1384 à 1417).

4 Édouard III duc de Bar, fils de Robert Ier et de Marie, fille de Jean II, roi de France, succéda à son père en 1411 et périt à Azincourt (25 octobre 1415).

5 Sic. On trouve ailleurs : « Loys, duc en Bavyere ». C’est Louis le Barbu, comte palatin, duc en Bavière, frère de la reine Isabeau. (Voy. ci-dessus, p. 66, note.)