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Lettres de grâce accordées à Jean Béraut, potier d’étain de Parthenay, condamné pour fabrication de fausse monnaie au supplice de l’eau bouillante par sentence du bailli de Touraine.

  • B AN JJ. 163, n° 34, fol. 14
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 7 p. 143-146
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Beraut1, ouvrier et potier d’estain, contenant comme, quinze jours ou trois sepmaines avant Noel derrenierement passé, autrement ne scevent les diz supplians declairer le temps, le dit Beraut se feust transporté en l’ostel d’un appellé Perrin Chouen, allogeur et faiseur d’alloges demourant à Partenay, au quel le dit Beraut eust fait forgier deux pieces de fer en la forme de deux coings, disant icelluy Beraut qu’il vouloit marquer ou graver en chascun des diz coings un laz d’amours, pour signer ou marquer les goubelez d’estain de sa façon ; lesquelz coings ainsi forgiez le dit Beraut eust porté en sa maison où il demouroit au dit lieu de Partenay, et iceulx coings eust gardé sans y marquer ne graver aucune chose, jusques au premier jour de l’an après ensuyvant, et lequel jour passé, le dit Beraut se feust prins à graver les diz coings, c’est assavoir l’un en forme et semblance d’un grant blanc de dix deniers tournoys devers la croix, et l’autre des diz coings à [p. 144] la semblance du dit blanc de dix deniers tournois devers la pile, et au plus prez à son povoir de la forme et semblance que sont les diz blans de dix deniers. Après lesquelx coings ainsi gravez, le dit Beraut print de l’estain dont l’en fait les pintes, lequel estain icellui Beraut geta en mole aussi comme de l’espoisseur du dit blanc de dix deniers tournois et le coppa en piece de la semblance et grandeur des diz blans de dix deniers, et en fist bien jusques à l’estimacion de soixante pieces ou environ. Et ce fait, le dit Beraut frappa les dictes pieces ès diz coings, dont les aucunes se marquerent bien et les autres non. Et depuis le dit Beraut fist paiement des dictes pieces marquées en forme de monnoye, tant par sa main comme par la main de sa femme, jusques au nombre de deux pieces seulement. Pour lequel cas et après informacion sur ce premierement faicte, le dit Beraut fu prins et detenu prisonnier ès prisons du dit lieu de Partenay, et par devant le chastellain d’icellui lieu, confessa le dit Beraut avoir fait les choses dessus dictes. Et avec ce, dist au dit chastellain que d’illec en avant il n’estoit plus son entencion de faire la dicte monnoye ne d’en user, et que jà il avoit gecté les dis coings en la riviere du Thouer, laquelle riviere passe à l’entour d’une des parties du dit lieu de Partenay. Et depuis en soy corrigant de son dit, confessa le dit Beraut par devant le dit chastellain que les diz coings estoient au piet d’un lit qui estoit en une petite chambre de sa dicte maison, en la paille ou feurre d’icellui lit. Les quelx coings y furent depuis trouvez par le dit chastellain ou ses gens, avec ung sac de cuir estant près d’iceulx coings, ou quel sac avoit certaine quantité de pieces rondes d’estain, dont les aucunes estoient frappez ès diz coings et les autres non. Et par avant ce, avoient esté trouvées chez le dit Beraut par le dit chastellain en un plat de bois pluseurs pieces d’estain, entre lesquelles avoit certaines pieces rompues et les autres entieres, lesquelles estoient du propre coings et [p. 145] semblance des dictes deux pieces de monnoye, dont avoit usé le dit Beraut, et pareillement furent trouvées sur le dressouer de la dicte maison d’icellui Beraut pluseurs autres pieces rompues qui estoient de la dicte monnoye. Et depuis, pour ce que des dis cas la congnoissance nous appartenoit ou autrement, le dit Beraut fu rendu par le dit chastellain du dit lieu de Partenay à certain nostre sergent, lequel le menna et rendi prisonnier en nos prisons à Tours, environ la feste saint Hylaire derrenierement passée, èsquelles il a tousjours demouré prisonnier, très estroictement tenu et enferré, et souffert les grans froidures qui ont eu cours en yver derrenierement passé, à très grant povreté et misere, et n’a eu et encores n’a que bien pou à boire et mengier. Et qui plus est, pour ce que le dit Beraut, en continuant tousjours sa dicte confession, a confessé les dictes choses par devant nostre bailli de Touraine ou son lieutenant, icellui bailli ou son dit lieutenant a condempné le dit Beraut à recevoir et prandre paine capital et d’estre mort, c’est assavoir d’estre boully, ainsi que faulx monnoyers et faiseurs de faulses monnoyes, condempnez à mort, l’ont acoustumé à estre. De la quelle sentence, jugement ou condempnacion le dit Beraut appella ; lequel appel il n’a depuis peu relever, obstant sa dicte prison, ne aussi les diz supplians qui riens ont sceu du dit appel, se non depuis pou de temps ença. Pour laquelle sentence, jugement ou condempnacion, les diz supplians se doubtent que le dit Beraut qui est jeunes homs de l’eage de vint quatre ans ou environ, chargié de jeune femme grosse, la quelle a esté punie du dit cas par le dit bailli ou son dit lieutenant, et aussi de deux petiz enfans qui sont en adventure de devenir mendiens, et lequel ne fu oncques mais attaint ne convaincu d’aucun villain blasme ou reprouche, et ne mist oncques aucun aloy ne usa de la dicte monnoye, fors seulement des deux pieces dessus dictes, ne soit briefment executé, selon la forme et teneur de la dicte sentence, [p. 146] jugement ou condempnacion de nostre dit bailli ou de son dit lieutenant, se par nous n’est sur ce impartie au dit Beraut nostre grace et misericorde, si comme iceulx supplians dient, requerant humblement icelle. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit Jehan Beraut ou cas dessus dit avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement au dit bailli de Touraine ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc., que de nostre presente grace, remission et pardon facent, sueffrent et laissent le dit Jehan Beraut user et joir, etc., non obstant la dicte sentence, jugement et condempnacion, ainsi donnée par le dit bailli ou son dit lieutenant, laquelle avec le dit appel sans amende nous mettons au neant par ces presentes, de nostre dicte grace. Et afin que ce soit chose ferme, etc. Donné à Paris, ou moys de septembre l’an de grace mil iiiic et huit, et de nostre regne le xxixe.

Par le roy. Fortement.


1 On a constaté l’existence de plusieurs familles de ce nom, aux xive et xve siècles, tant dans la Gâtine que dans d’autres parties du Poitou. (Voy. le Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 444-445.) Nous citerons seulement, sans prétendre qu’ils aient rien de commun avec le potier d’étain de Parthenay, Jean Béraut, procureur et tuteur des enfants de feu Jean de Pouillé, qui rendit aveu au sire de Parthenay, au nom de ses pupilles, pour la terre de la Joubertière (R1* 190, fol. 102 v°, 273 v°) ; un autre de mêmes nom et prénom, qui possédait un hébergement au village de Vérines (Acte de 1392, Arch. de la Vienne, G. 1175) ; enfin Jean Béraut, prieur de Saint-Lienne de la Roche-sur-Yon, cité dans des actes du 5 avril 1397 et du 23 août 1405, conservés aux Archives de la Vendée.