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DCCCCXLI

Rémission octroyée à Jean Cailleau, à ses deux fils, à Guillaume de Froidefont, à Pierre et Etienne de Torigné, frères, et à plusieurs autres habitants du village de Pressac, paroisse d’Ambernac, qui, pour se venger de la tyrannie de Guillaume Rodier, leur curé, l’avaient battu au point qu’il avait succombé le lendemain.

  • B AN JJ. 164, n° 260, fol. 141 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 170-174
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Jehan Cailleau1, l’ainsné, Jamet et Jehan Cailleaux, ses [p. 171] enfans, parroissiens et habitans de la parroisse d’Embernac ou village de Pressac, ou pays de Poitou, contenant comme feu Guillaume Rodier, prestre, ait esté en son vivant arceprestre du dit lieu d’Embernac et curé d’icellui lieu de Pressac par l’espace de ix. ou dix ans ou environ, durant lequel temps le dit feu curé ait esté de très mauvaise et deshonneste vie, qui continuelment a eu femmes en concubinage et de ses parroissiennes mesmes, et aussi a traveillié les dessus nommez et tous ses autres parroissiens, chascun an, par citations de previlleges en court de Romme, à Paris, à Poitiers et ailleurs en pluseurs lieux, où il leur a fait despendre grant partie de leur chevance, les a injuriez et menacez de les batre et faire batre et autrement les grever en pluseurs manieres, et en mettant ses paroles à effect par pluseurs foiz, quant les gens d’armes estoient par le pays, il s’est trait par devers eulx et a tant fait qu’ils sont alez en la dicte parroisse piller et grever les diz povres habitans, et leur a fait pluseurs autres grans dommages ; et quant aucun des diz parroissiens est alé de vie à trespassement, il convenoit à ses heritiers finer à lui à voulenté, ou autrement il n’en a fait ne voulu faire aucun service, mais les a fait citer et semondre en diverses cours d’esglise et laies, où il les a fait excommenier et despendre leur chevance, dont ilz ont esté et sont ramenez à très grant povreté. Et non content, le dit prestre querant tousjours voyes et occasions de traveiller et dommager ses diz povres parroissiens, le lundi avant l’Ascension Nostre Seigneur l’an mil cccc. et huit, comme [p. 172] le dit prestre et ses diz parroissiens estoient alez à la procession ou lieu où ilz ont acoustumé, et à la messe qui fu chantée alerent à l’offrande par devocion, entre lesquelz l’un d’eulx porta un blanc de Bourgongne, si comme disoit le dit prestre, et à l’occasion de ce le dit prestre assailli en la dicte esglise un sien parroissien nommé Guillaume de Froidefons, de paroles injurieuses, en lui disant que ce avoit il esté qui avoit porté le dit blanc de Bourgongne et qu’il avoit fait que très mauvaiz garnement, et que avant qu’il feust sept jours il l’en paieroit bien et lui feroit bien refroidier son eaue, et pluseurs autres injures et villaines paroles dist illec le dit prestre au dit Guillaume de Froidefons, en la dicte esglise et en la presence de ses diz parroissiens, dont le dit Guillaume fut très grandement esmeu et courroucié, en soy plaignant à Pierre Peron, Pierre Morice, Pierre et Estienne de Toriné, freres, Jehan Pinçon, Pierre Dariem, parroissiens du dit lieu d’Embernac, et aussi aux dessus diz Jehan, Jamet et Jehan Cailleaux, lesquelx lui disoient les grans procês, injures et dommages qu’il leur avoit faictes et dictes, et aux autres parroissiens de la dicte parroisse, et faisoit chascun jour, et qu’il aloit tousjours en empirant, et estoit bien en voye de les mettre de tous poins à povreté, se ilz n’y pourveoient d’aucun remede ; en laquelle esmocion ilz s’entredisoient les uns aux autres qu’il le leur faloit très bien batre et que autrement il ne les laisseroit jamaiz en paix. Tantost après lesquelles paroles dictes entre eulx et le dit jour, leur fut rapporté que le dit prestre estoit couchié avec une femme en la dicte parroisse, et pour ce adviserent les dessus nommez que c’estoit bonne occasion pour eulx de le bien batre, et entreprindrent entre eulx de y aler, et s’entreprindrent les uns aux autres et jurerent qu’ilz ne le tueroient point, mais le batroient très bien et lui romperoient une jambe. Ou quel hostel ilz alerent garnis de bastons seulement, sans porter cousteaux ne autres ferremens, et trouverent le dit [p. 173] prestre couchié ou dit hostel avec la dicte femme, lequel ilz tirerent hors du dit hostel et lui donnerent pluseurs cops et collées des diz bastons, et illecques le laisserent au dehors du dit hostel. Lequel prestre, après ce que les dessus nommez s’en furent alez, se leva et s’en ala couchier en son hostel ; pour occasion de la quelle bateure et de la froidure que le dit prestre eust après icelle, ou autrement, par deffaulte de garde et gouvernement, mort s’en est ensuve en sa personne, le lendemain après la dicte bateure ou environ. En la quelle maladie, icellui prestre, congnoissant lui et ses faiz estre cause de la dicte bateure, pour les grans pertes, dommages et injures qu’il avoit faictes et dictes aux dessus nommez et autres habitans d’icelle parroisse, recongnut et dit qu’il estoit bien courroucié que les dessus nommez ne venoient par devers lui lui requerir pardon et mercy, et que de très bon cuer il leur pardonneroit. Pour occasion du quel cas, les diz Jehan Cailleau, l’ainsné, Jamet et Jehan Cailleaux, ses enfans, doubtans rigueur de justice, se sont absentez et renduz fuitifs du dit pays, delaissiez leurs femmes, enfans et parens, aus quelx ilz administroient leurs vies et queroient leurs necessitez ; ou quel pays ilz n’oseroient jamaiz repairer ne converser, se nostre grace et misericorde ne leur est sur ce impartie, en nous humblemenent requerant que, attendu que en tous autres cas les dessus diz ont tousjours esté et encores sont gens de bonne vie, renommée et honneste conversacion, et qui oncques maiz ne furent reprins, attains ou convaincus d’aucun villain blasme ou reprouche, nous leur vueillons impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., aux dessus diz Jehan, Jamet et Jehan Cailleaux, supplians, ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, le xiie jour de janvier l’an de grace mil cccc. et neuf, et de nostre regne le xxxe.

[p. 174] Par le roy, maistre Philippe des Essars2 et autres presens. Marcade.

Semblables pour Guillaume de Froidefons, Pierre et Estienne de Torigné, freres, Pierre Morice, de la Mote, Jehan Pinçon, de la Mote, Pierre Daremp et Pierre Peron, tous parroissiens de la dicte parroisse, et pareillement signées et données.


1 Nous signalerons, à propos de ce nom, un Jean Cailleau tout à fait contemporain et compatriote, sinon identique, qui le 26 mars 1409 n.s., rendait aveu au comte de Poitou, à cause de son château et châtellenie de Montmorillon, pour un office de sergent fieffé. Cette inféodation avait pour conséquence d’obliger le chef de la famille à faire office de sergent, seulement en l’absence des sergents ordinaires, en la ville et châtellenie de Montmorillon. Ce fief était astreient à des devoirs très curieux envers le comte et son sénéchal, quand ils venaient à Montmorillon. Les droits étaient tout particuliers aussi. Des rentes en nature devaient être payées au possesseur du fief par différentes localités et personnes de la châtellenie. Jean Cailleau se disait fils de feu Héliot, et il vivait encore en 1418, car son nom figure sur le livre des hommages et aveux dus au dauphin Charles, comme comte de Poitou. (R1* 217, p. 682, et P. 1144, fol. 16 v°.)

2 Ce personnage paraît être Philippe des Essarts, seigneur de Thieux, maître d’hôtel de Charles VI, en 1391 et 1392, conseiller au Grand conseil en 1404, suivant le P. Anselme. Il fut père d’Antoine, garde des deniers de l’épargne, de Pierre, grand bouteiller de France et prévôt de Paris en 1408 (ci-dessus, p. 142), qui fut décapité aux Halles, le 1er juillet 1413, et de Philippe, évêque d’Auxerre. (Hist. généal., t. VIII, p. 556.)