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DCCCCLXXV

Rémission accordée à Guillaume Ausmereau, de la Baritaude, qui, arrivant sur la place et voyant Lucas Motoys, jusque-là son ami, engagé dans une rixe et menaçant deux personnes de son épée, et ayant essayé de le calmer, en reçut une blessure profonde au bras, de sorte que pour parer ses coups il dut faire usage d’un bâton, dont ledit Motoys fut atteint à la tête et mourut le lendemain.

  • B AN JJ. 168, n° 290, fol. 190
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 280-283
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Guillaume Ausmereau, povre jeune homme de l’aage de trante ans ou environ, marchant, demourant à la Baritaude en la chastellenie d’Arzelay, chargié de jeune femme et de deux petiz enfans, contenant que, jassoit ce que il n’eust aucune hayne, courroux ou maltalent contre Lucas Motoys, demourant à la Pillaudere pres de Saint Pol du Parroys ou pays de Poitou, mais le tenist et reputast [p. 281] son grant ami, et ne sceust rien et ne feust aucunement consentant de certains grans debas que le dit Motoys avoit eu, le xxie jour d’avril derrenierement passé, environ heure de messe, si comme l’en dit, à Jehanne Primaude, femme de Jehan Mercier, à Estienne Loyeau et Maurice Simonneau et à sa femme, et eulx ou les aucuns d’eulx à lui, pour cause de ce que il avoit batu, si comme l’en dit, deux petiz enfans de l’aage de six à sept ans ou environ, enfans d’iceulx Simonneau et sa femme, qui se jouoient ou carroye et en la place commune de la dicte ville, devant son hostel ; neantmoins en hayne de ce et pour ce que le dit suppliant qui, au cry de certains petiz enfans cryans à haulte voix que le dit Lucas batoit et tuoit la dicte Primaude, ignorant le dit debat, vint d’aventure, le dit jour environ vespres, au lieu où estoit icellui debat, et vit que le dit Lucas despouilla sa cote, sailly hors de son hostel moult eschauffé, et certaines femmes en sa compaignie, garnies de pierres et de bastons, et vint courre sus de fait, l’espée traicte, aus diz Loyeau et Simonneau, dist par grant amour à icellui Motoys que ce n’estoit pas bien fait de faire tele noise, en le priant et nommant son grant ami et comme dolent et marry du dit debat, que pour l’amour de Dieu il se voulsist cessier et appaisier, ou autrement, le dit Lucas Motoys leva sa dicte espée et s’efforça d’en fraper sur la teste le dit suppliant, qui ne lui avoit mesdit ne meffait, et de fait l’en frapa et bleça très grandement sur l’un de ses bras qu’il mist au devant afin de sauver sa teste. Pour laquelle chose, icellui suppliant veant le dit Lucas ainsi meu et eschauffé contre lui et sans cause, et qu’il le poursuyvoit de la dicte espée, doubtant sa fureur et icelle voulant eschever, et afin qu’il se desemeust, se retray arrieres de lui le mieulx et plus doulcement qu’il pot, mais le dit Lucas le poursuyvi tousjours, la dicte espée traicte. Et après ce icellui suppliant, garni d’un baston qu’il trouva et prist pour la defense de lui, se tray jusques à la dicte place commune, où avoit pluseurs [p. 282] personnes, en toujours fuyant et evadant à son povoir à la malice du dit Lucas Motoys qui sanz cesser le poursuyvoit ; en la quelle place icellui Motoys, en perseverant en son dampnable propos, haulsa la dicte espée en voulant fraper d’icelle sur le dit suppliant, lequel en soy defendant et cuidant rabatre le cop d’icellui Motoys, et empescher seulement qu’il ne le tuast, mist au devant le dit baston et en frapa d’aventure le dit Motoys un cop par la teste au près du col, duquel cop il cheu à terre, et après ce fu emmené en son dit hostel, et, environ le point du jour de la nuyt ensuyvant, ala de vie à trespassement ; et peut estre que ce a esté par deffault de gouvernement, car sa mere et sa femme et la mere d’elle ne vouldrent oncques souffrir que il feust visité par barbiers, tantost qu’il estoit chault, mais disoient qu’elles vouldroient qu’il morust, afin que tous ceulx qui presens avoient esté au dit debat fussent penduz. Pour lequel fait nostre bien amé le seigneur d’Arzelay1, de qui il est homme, a pris et mis en sa main tous ses biens ; et il s’est pour ce absentez du pays, pour doubte de rigueur de justice, et n’y oseroit retourner, habiter ne converser, et en seroit exillié à tousjours, pour la quelle chose ses diz femme et enfans seroient en adventure de [p. 283] devenir mandians, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et pourveu de remede convenable, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant comme en tous ses faiz il ait tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté repris, actaint ne convaincu d’aucun villain cas, crime ou blasme, et que le dit fait est avenu par la faulte, coulpe et agression du dit Motoys, que sur ce lui vueillons pourveoir de nostre dicte grace et remede. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., au dit Guillaume Ausmereau ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, de Poictou et du Maine, et à tous noz autres juges, etc. Donné à Paris, ou moys de juillet l’an de grace mil iiiic et xv, et de nostre regne le xxxve.

Par le roy, à la relacion du conseil. J. Rinel.


1 La terre d’Ardelay et celle de la Châtaigneraye furent apportées en mariage à Germain de Vivonne, sr d’Aubigny, Faye et les Essarts, etc., par Marguerite de Brosse, fille de Jean de Brosse, seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère, maréchal de France, et de Jeanne de Naillac, dame de la Mothe-Jolivet. Le mariage aurait eu lieu vers l’an 1448, d’après le P. Anselme. Germain était le second fils de Renaud de Vivonne, sr d’Aubigny, et de Marie de Matha, dame d’Enville, qui devint veuve en 1419, et lui-même était mineur à cette date. Le 23 mars 1459 v.s., Marguerite de Brosse ratifia l’accord intervenu entre son mari et Jean de Choursses, époux de Marie de Vivonne, chev., sgr de Vallans, en vertu duquel Germain, représentant de son père Renaud de Vivonne, et Marie, comme fille de Jean de Vivonne, frère dudit Renaud, firent partage de leurs biens indivis : les seigneuries d’Enville, de Charron, de Nalliers, de Lisleau, des Moulières et le sixième des revenus de la baronnie des Essarts furent attribués à Germain de Vivonne, et les châtellenies d’Aubigny, de Faye et de Saint-Aubin-le-Plain à Marie de Vivonne. (Pap. d’Aubigny.)