[p. 179]

DCCCCXLIV

Rémission octroyée à Jacques Poussart le jeune, chevalier, chambellan du roi et du duc de Bourgogne, à Jacquet de Balodes, écuyer, et à Martin de Balodes, qui avaient fait battre par leurs valets un nommé Jean Mérigeau, dit Caillaut, de la Jarrie, tellement qu’après deux mois de maladie celui-ci en était mort. Ladite grâce est accordée moyennant un pèlerinage au Mont-Saint-Michel [p. 180] et une amende de 50 livres parisis destinée à la réfection de l’église des Carmes de Loudun.

  • B AN JJ. 164, n° 168, fol. 93 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 179-183
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de nostre amé et feal chevalier, Jacques Poussart, le jeune1, chambellan de nous et de nostre très chier et amé cousin le duc de Bourgongne, de l’aage de xxv. ans ou environ, Jaquet de Balodes, escuier, aagié de xx. ans ou environ, et de Martin de Balodes, aagié de xviii. ans ou environ, que comme, pour ce que Jehan Merigeau, dit Caillaut, en son vivant demourant à la Jarrie en Aulnis, feust alé en l’ostel de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan Jacques Poussart, l’ainsné2, pere du dit [p. 181] Jaques, assiz au dit lieu de la Jarrie, et y eust batu un appellé Bouleau qui estoit logié ou dit hostel, et que en le batant un appellé Naudot, bordier ou closier d’icellui hostel, avoit dit au dit Caillaut que c’estoit mal fait de batre [p. 182] le dit Bouleau, auquel icellui Caillaut avoit respondu très oultrageusement que lui mesmes batroit il en despit de son maistre qui poussoit (sic), et de fait avoit le dit Caillaut bouté et feru le dit Naudot, si comme on rapporta au dit Jaques, le jeune ; il de ce meu et courroucié du dit Caillaut, par chaleur courroucié et eschauffé de ce que le dit Caillaut qui estoit homme de petit et vil estat, boucher, tavernier et bateur de gens, avoit ainsi injurié son pere et ses diz closier et hoste, se feust transporté, un jour devant Noel derrenierement passé, au dit lieu de la Jarrie, acompaignié des diz Jaquet et Martin de Balodes, et de quatre varlès garnis d’espées, cousteaux et dagues, et les diz Jaques, le jeune, et Martin de Balodes armez de haubergons, pour batre le dit Merigeau, dit Caillaut, et là eussent demouré tous toute celle journée et la nuit ensuivant, sans povoir rencontrer le dit Caillaut ; et l’endemain au matin se feussent mis pour ce les diz Jaques, le jeune, et varlès alentour de l’ostel d’icellui Caillaut pour le cuidier rencontrer, ce qu’ilz ne peurent faire ; et ce fait, s’en feussent alez à l’esglise pour oïr la messe, et de la dicte esglise retournez à l’ostel de nostre dit conseiller ; et d’illec se feussent transportez en un autre hostel de la dicte ville, où ilz despoullerent leurs diz haubergons et les baillerent à deux des diz varlès. Et combien que le dit Jaques Poussart le jeune eust seulement entencion et ordonné aus diz varlès batre le dit Caillaut, en leur deffendant qu’ilz ne le tuassent pas et ne le ferissent par la teste ne en autre partie de son corps, fors par les bras et par les jambes seulement, et que, après ce que les diz Jaques le jeune et Martin orent baillié aus diz varlès les diz haubergons, ilz s’en feussent derechief retournez en l’ostel de nostre dit conseiller, où ilz desjunerent, et le dit Jaquet avec eulx, neantmoins les diz varlès qui se tindrent en aguet alentour du dit hostel d’icellui Caillaut, si tost qu’ilz apperceurent son huis entre ouvert, ilz entrerent de fait ou dit hostel où ilz trouverent icellui Caillaut [p. 183] auprès du dit huys, lui copperent une oreille et la palete du genoul, et le blecerent et navrerent en autres parties de son corps telement qu’il a esté malade après ce deux moys et demi ou environ, et depuis est alé, si comme l’en dit, de vie à trespassement. Pour occasion desquelx cas, les diz Jaques, le jeune, Jaquet et Martin de Balodes, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays, ou quel ilz n’oseroient jamaiz retourner, habiter ne converser, ainçoys seroient en adventure d’en estre exilliez à tousjours, se par nous ne leur estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme leurs diz amis dient, en nous humblement suppliant que, attendu que les diz Jaques, le jeune, Jaquet et Martin de Balodes aient tousjours esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté attains, reprins ne convaincus d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, et qu’ilz ne furent autrement que dit est presens au dit fait, nous sur ce leur vueillons impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde estre preferée à rigueur de justice, aus diz Jaques, le jeune, Jaquet et Martin de Balodes avons remis, quicté et pardonné, etc., parmi ce qu’ilz seront tenuz de faire un pelerinage au Mont Saint Michiel, dedens la feste saint Remy prochain venant, et avec ce paieront la somme de l. livres parisis pour la refection de l’esglise des Carmes de Lodun. Si donnons en mandement par ces presentes au gouverneur de la Rochele et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. et neuf, et de nostre regne le xxxe.

Es requestes par vous tenues du commandement du roy, ès quelles l’arcevesque de Reins3, l’evesque de Saint Flour4 et pluseurs autres estoient. Toreau.


1 Jacques Poussart, le jeune, seigneur de Payré ou Péré, fils aîné de Jacques Ier et de Catherine de Vivonne, épousa Agnès d’Archiac, fille de Foucaut, chevalier, sr de Saint-Séverin, et d’Isabelle de Mortagne. Dom Fonteneau a recueilli une transaction en forme de partage, passée le 19 mai 1419, entre Jacques Poussart et ses frère et sœurs, au sujet de la succession de leurs père et mère. (Tome XXVII, p. 761.) Un registre du Parlement nous apprend que Jacques périt à la bataille de Verneuil, le 17 août 1424 (X2a 18, fol. 46, 53, 57 v°), ce que ne disent pas les généalogies imprimées de cette famille. Il était âgé de trente-neuf ans. Sa veuve, Agnès d’Archiac, fut nommée tutrice de leurs enfants, le 6 août 1426, d’après MM. Beauchet-Filleau, en présence de Joachim Poussart, sr du Fraigneau et de Nieuil, son beau-frère, et de plusieurs autres. Les mineurs étaient : Jean, sr de Payré, Henri, chef de la branche du Vigean, et trois filles, Jeanne, Agnette et une autre Jeanne. Le 2 juin 1430, on trouve un arrêt rendu au Parlement dans un procès soutenu, en leur nom, par Agnès d’Archiac contre Jean Mérichon, touchant une rente de 100 livres tournois. (X1a 9192, fol. 183.)

2 Jacques Poussart, chambellan du roi, seigneur de Payré, fils de Laurent, de la Rochelle, ce dernier anobli par lettres de novembre 1345 (voy. notre t. II, p. 303), avait été créé sénéchal de Poitou, on ne sait point exactement à quelle date. Son prédécesseur Audouin Chauveron était encore en fonctions le 2 juillet 1396, d’après un titre de l’hôtel de ville de Niort. Nous connaissons deux actes dans lesquels Jacques Poussart prend ce titre ; le premier, où il figure comme témoin, est du 17 juillet 1399 (Arch. nat., J. 182, n° 119) ; le second, une enquête faite par son ordre contre des tenanciers de Saint-Hilaire de Poitiers, est daté du 3 janvier 1399 v. s. (Arch. de la Vienne, G. 789.) Il était remplacé, dès l’année suivante, par Thibaut Portier. (Voy. ci-dessus, p. 62, note.) Dans une transaction du 14 avril 1399, par laquelle le sr de Payré cède au roi 60 livres de rente en la ville de la Rochelle sur plusieurs lieux et personnes, il est fait mention de Jean Poussart, son aïeul. (J. 182, n° 118.) Jacques Poussard avait épousé, avant le 8 août 1378, Catherine de Vivonne. Dans le contrat de mariage de sa fille Jeanne avec André Rouault, chevalier, sr de Boisménart, qui eut lieu le 28 septembre 1400, il est qualifié conseiller et chambellan du roi. (Coll. dom Fonteneau, t. Ier, p. 589.) Le sr de Payré se distingua dans l’expédition dirigée, l’an 1385, en Saintonge par Louis duc de Bourbon ; il est cité à cette occasion par Froissart et Cabaret d’Orville. (Voy. notre t. V, p. 278 n., 291 n., 391 n.) Il fut trois fois maire de la Rochelle, en 1378, 1383 et 1391, suivant Amos Barbot qui relate les principaux événements accomplis pendant qu’il exerçait cette magistrature. (Hist. de la Rochelle, éditée par M. Denys d’Aussy. Arch. hist. de la Saintonge, t. XIV, p. 221, 235 et 246. — Voy. aussi le Dict. des familles du Poitou, anc. édit., t. II, p. 546.)

On trouve encore beaucoup de renseignements sur ce personnage, sa famille et ses biens dans un grand nombre de procès qu’il soutint au Parlement, mais dont nous ne pouvons donner que les cotes et les dates, pour éviter de nous étendre démesurément. 1° Contre Marguerite Brun, veuve de Jean Rivaud, tutrice de ses enfants, touchant une maison sise à Marans et autres biens de la succession d’Ysart Vigier. (Arrêt du 14 avril 1380, X1a 29, fol. 138 v°.) — 2° Contre Gérard de Maumont, à propos de droits sur Payré (accord du 30 juillet 1389, X1c 59.) — 3° Contre Aimery de Lesgue, de la Rochelle (accord du 26 août 1389, id.) — 4° Contre Jean de Montalembert, au sujet d’une maison sise à Marans. (Arrêt du 19 janvier 1391 n.s., X1a 38, fol. 138 v°.) — 5° Le 18 juillet 1392, étaient ajournés, à la requête de l’évêque de Saintes, Jacques Poussart, Eble de Vivonne, Jean Du Pois et autres de la Rochelle. (X1a 39, fol. 91 v°.) — 6° Affaire criminelle contre Guillaume de Savigny, de la Rochelle. (Appointement du 26 juin 1396, X2a 12, fol. 308 v° ; arrêt de même date, non définitif, X2a 13, fol. 130.) — 7° Contre Guy d’Argenton, chevalier. (Arrêt sur incident, 30 août 1399, X1a 46, fol. 239 v°.) — 8° Dans une rémission du 14 mai 1401, en faveur des frères Chaudrier, qui s’étaient emparés indûment de l’argent et des meubles de feu Jean Du Pois, on voit que Poussart se prétendait héritier de ce dernier. (JJ. 156, n° 88, fol. 48 v°.) — 9° Contre Pierre Panetier, bourgeois et garde de la Monnaie de la Rochelle, touchant une maison forte dans cette ville. (Arrêt du 13 janvier 1403, X1a 50, fol. 204 v°.) — 10° Contre Honorée Brun (long arrêt du 23 décembre 1404, X1a 52, fol. 136 v°.) — 11° Contre les héritiers de Jacques Barrain, bourgeois et échevin de la Rochelle. (31 janvier 1405, id., fol. 154 v°.) — 12° Contre la veuve et les exécuteurs testamentaires de feu Aimery de Lesgue, échevin de la Rochelle, Jean Harpedenne, chevalier, chambellan du roi, tuteur des enfants de feu Louis Chaudrier, et autres. (Arrêt du 5 septembre 1405, X1a 52, fol. 264.) — 13° Contre Guillaume de Saint-Julien, bourgeois de la Rochelle. (Arrêt du 4 avril 1414 n.s., X1a 60, fol. 121.) — 14° Contre Jean Foulquier, de la même ville. L’arrêt, portant la date du 27 août 1415, mentionne le décès de Jacques Poussart, survenu au cours du procès. (X1a 60, fol. 312.)

3 Simon cardinal de Cramaut fut archevêque de Reims du 15 décembre 1409 au 2 mai 1413.

4 Gérard ou Géraud du Puy, évêque de Saint-Flour de 1405 à 1414.