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DCCCCLXXXIX

Rémission accordée à Jean des Serqueux, demeurant à Pouzauges, coupable de meurtre sur la personne de Guillaume Villain, prêtre dudit lieu, à la suite d’une dispute qui avait amené entre eux une lutte corps à corps.

  • B AN JJ. 170, n° 137, fol. 143
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 326-328
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis [p. 327] charnelz de Jehan des Serqueux1, dit Beufmont, demeurant à Pousauges, chargié de jeune femme et de quatre petis enfans, contenant que, le jour de la Nativité Nostre Dame derrenierement passée, il et Gracien Marceau, parcheminier, se transporterent environ vespres en l’ostel de Berthelemi Maynnier estant en la dicte ville de Pousauges, ouquel hostel avoit pain et vin à vendre, pour boire le vin du marchié de certaines peaulx touchans le mestier du dit Beufmont, et que eulx estans en l’alée d’icellui hostel, icellui Beufmont, qui ne pensoit à aucun mal, dist au dit Gracien par maniere d’esbatement qu’il n’avoit pas deux ou trois jours que un des prestres de la dicte ville de Pousauges avoit secouaillé une brebis2 en un bois appellé Chaussignon. Et lors Guillaume Villain, prestre, qui estoit homme de dissolue et deshonneste vie, fort et puissant de corps, lequel et aussi Guillaume Galant, prestre, et Guillaume Bouchier estoient, au desceu du dit Beufmont, ou celier du dit hostel et illecques buvoient, dist à icellui Beufmont qu’il disoit les dictes paroles pour cause de lui et qu’il mentoit par sa gorge, et qu’il feist mieulx d’aler garder sa femme. Sur quoy se meurent certaines paroles et tant que le dit Beufmont lui respondi qu’il ne mentoit point et que sa dicte femme n’avoit que faire de garde, et que ce qu’il avoit dit il ne l’avoit pas dit pour lui, mais se s’estoit il lui, il en devoit estre plus certain que nul autre. Et après ce, le dit Villain dist au dit Beufmont qu’il parloit gros et que, se il aloit à lui, il le comparroit du corps. Mais icellui Beufmont lui respondi qu’il ne lui demandoit riens et que, s’il le frappoit, il s’en pourroit bien repentir. Et incontinant le dit Villain yssi hors du dit celier, un grant haste en sa main, et en frappa le dit Beufmont par [p. 328] deux ou trois fois, et telement que gueres ne s’en falu qu’il ne le feist cheoir à terre et que le dit haste rompi en deux pieces, dont l’une demoura entre les mains du dit Villain ; lequel Beufmont, regardant la mauvaise voulenté du dit Villain, et qui à l’occasion de la dicte bateure estoit moult eschauffé et courroucié, doubtant aussi que icellui Villain voulsist proceder oultre, trahi une dague qu’il avoit et en soy voulant departir du dit hostel, la mist entre lui et le dit Villain. Et en ce faisant, icellui Beufmont frappa icellui Guillaume Villain de la dicte dague un seul cop environ la poictrine, pour occasion duquel cop, tantost après la mort s’en est ensuye en la personne du dit Villain. Pour occasion duquel fait ainsi avenu, le dit Beufmont, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais converser ne repairer, par quoy ses diz femme et enfans seroient en aventure d’aler mendiant par le païs et lui d’estre desert à tousjours, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme dient les diz parens et amis charnelz, suppliant humblement que, comme icellui Beufmont qui est un bon marchant tanneur de cuirs, ait en tous autres cas esté et soit homme de bonne fame, renommée, etc., et que ou dit fait le dit Villain a esté agresseur, et est icelui fait avenu de chaude cole et non pas de propos deliberé, ne par hayne que le dit Beufmont eust au dit Villain, nous à icellui Beufmont vueillons subvenir de nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, etc., au dit Jehan des Serqueux, dit Beufmont, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, du Maine et de Poictou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, soubz nostre seel ordonné en l’absence du grant, ou mois de mars l’an de grace mil iiiic et dix sept, et de nostre regne le xxxviiie.

Par le conseil. Freron.


1 Nous avons déjà rencontré un Guillaume des Serqueux dont les biens, confisqués parce qu’il demeurait sous l’obéissance des Anglais, furent donnés, le 22 décembre 1369, à Macé Richart, écuyer. (Tome IV de cette collection, p. 21.)

2 Locution à ajouter au Dictionnaire comique…, libre et proverbial de Le Roux.