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DCCCCXLV

Rémission accordée à Josselin Rivière, de Châtellerault, qui dans une rixe après boire avait frappé Jean Bigot d’un coup de couteau à la tête, dont celui-ci mourut trois semaines après, faute de s’être fait soigner.

  • B AN JJ. 164, n° 159, fol. 89 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 184-185
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Jocelin Riviere, demourant en la ville de Chastelleraut, chargié de femme et de petis enfans, contenant que, le samedi feste de la Conversion saint Pol, xxve jour de janvier mil cccc. et neuf, Guillaume Vassaut, Jehan Assailli, Guillaume Jamelin, prestre, Jehan Le Doulx et autres de leur compaignie dirent au dit Jocelin qu’il paiast le vin du marchié d’un sien cheval qu’il avoit changé à un autre, lequel leur respondi qu’il le vouloit bien. Et pour ce il et les autres devant diz s’en alerent à l’ostel de Jehan Laurens, de la dicte ville, où il avoit vin à vendre, ou quel hostel ilz trouverent Pierre du Brueil, courreour, Jehan Bigot, son varlet, et autres qui buvoient à leur escot. Et lors le dit Josselin et les dessus nommez beurent ensemble, et paia icellui Josselin le vin du dit marchié, et illec furent assez longuement et tant que, quant ilz se departirent du dit hostel, il estoit plus nuit que jour, et que les diz Josselin, Pierre du Breuil et Jehan Bigot estans devant la maison de André de la Boudiniere, icellui Bigot qui estoit jeune, grant et fort se print impetueusement au colet ou chevessaille de la robe du dit Josselin, jasoit ce que icellui Josselin, qui estoit foible et petit au regart de lui, ne lui eust fait ne ne feist aucun desplaisir, et s’efforça de le faire cheoir à terre. Lequel Josselin lui dist qu’il le laissast aler ; mais icellui Bigot lui respondi que non feroit, et de fait lui dessira sa robe bien un pié de long ou environ et le tenoit si fort qu’il ne lui povoit eschapper, ne ne le vouloit laissier aler. [p. 185] Et pour ce le dit Josselin, doubtant que le dit Bigot qui estoit mal meu le vousist injurier de corps, comme il estoit vray semblable et ne savoit à quelle occasion il le faisoit, sacha un petit coustel d’un espan d’alumelle1 ou environ, qui estoit ataché à sa tasse, et en fery un cop seulement le dit Bigot sur la teste auprès du front ; lequel Bigot, après le dit cop à lui donné, s’en ala incontinent cheux Guillaume Regnault, barbier, demourant en la dicte ville. Et quant icellui barbier ot visité la dicte plaie, il dist à icellui Bigot qu’elle n’estoit point mortelle et qu’il se gardast bien du vent. Et lors le dit Bigot s’en ala. Et le lendemain et autres jours ensuivans jusques à trois sepmaines ou environ, s’en ala de la dicte ville de Chastelleraut à Chaivigné et autres lieux hors de la dicte ville, et faisoit toute euvre de homme sain ; mais pour ce qu’il ne fut pas curieux de faire visiter la dicte plaie et tant par son mauvais gouvernement comme autrement, mort s’en ensuye en sa personne, après les dictes trois sepmaines ou environ. Pour laquelle chose le dit Josselin n’ose converser en la dicte ville, ainsi qu’il faisoit paravant, doubtant rigueur de justice, ains est en franchise et est en adventure de soy absenter du pays et delaissier sa dicte femme et enfans, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme il dit, implorant humblement icelle. Nous les choses dessus dictes considerées, etc., à icellui Josselin ou cas dessus dit, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. et dix, et de nostre regne le xxxe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 Espan, empan, mesure équivalente à la largeur de la main ; alumelle ou alemelle, lame d’un couteau. (Godefroy, Dict. de l’anc. langue française.)