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DCCCCI

Rémission accordée à Gillet Birart, coupable de meurtre au Langon sur la personne de Guillaume Chauvet, à la suite d’une querelle de jeu, sauf amende et un mois de prison.

  • B AN JJ. 159, n° 4, fol. 1 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 50-52
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des amis charnelz de Gilet Birart, contenant comme, le vie jour de juillet derrenierement passé ou environ, le dit Gilet feust alez boire et soy esbatre en l’ostel d’un nommé Jehan Mouraut ou village du Langon, et illuecques, après ce que lui et Helyot Bonnin, d’une part, et Guillaume Chauvet, Jehan Bonnin et Jehan Nau le jeune, d’autre part, eurent joué au jeu de la bille par aucun temps, debat se meut entre eulx sur un de leurs jeux, telement que le dit Gilet dist au dit Chauvet que il avoit perdu un jeu, et icellui Chauvet lui respondi que non avoit. Et lors le dit Jehan Bonnin qui estoit compaignon d’icellui Chauvet et de sa partie au dit jeu de la bille, lui dist que si avoit, et icellui Chauvet lui respondi qu’il mentoit et que il ne l’auroit pas. Et lors icellui Birart, couroucié de ce que il l’avoit desmenti, lui demanda pourquoy il le desmentoit, et icellui Chauvet lui respondi que si feroit bien, disant fi de lui et que il ne valoit riens et que il n’estoit pas digne d’aler entre gens, et que il avoit laissié mourir son pere desconfès en son lit par sa faulte. Et lors icellui Gilet, couroucié plus que devant de ces parolles et injures, lui dist que il mentoit ; et en ce conflict se entredesmentirent l’un l’autre par pluseurs fois. En oultre plus dist le dit Birart à icellui Chauvet que, s’il le [p. 51] hatoit1, que il lui donroit un bouffeau ou buffe, combien que il feust plus grand que lui. A quoy le dit Chauvet respondi par maniere de derrision que il n’oseroit le frapper et que il avoit trop grant ventre. Et le dit Birart lui demanda lors s’il vouloit avoir la dicte buffe ou buffeau bien belle, et tantost icellui Chauvet vint contre icellui Gilet et lui cuida frapper contre la poitrine de ses deux poings ou ailleurs, en lui disant que il lui donneroit v. solz, se il lui donnoit un bouffeau. Et lors icellui Gilet, meu de chaut sang et par temptacion de l’ennemi, sacha un baselaire ou cousteaulx que il avoit, et en donna ou dit Chauvet un cop sur la teste tant seulement, en lui demandant se il avoit pas belle buffe ; et le dit Chauvet respondi que si avoit. Et tantost s’en ala en son hostel. Et tout tel debat et parolles, ou semblables en effect ou en substance, eurent en ceste partie les diz Gilet et Chauvet. Pour occasion duquel cop, l’en dit que icellui Chauvet est depuis alez de vie à trespassement, c’est assavoir x. jours aprez le dit fait advenu. Et pour ce le dit Gilet, doubtant rigueur de justice, se soit absentez du païs, et n’oseroit se y tenir, si comme dient ses amis, en nous humblement suppliant, comme le dit Chauvet feust moult injurieux, et par son injure et oultrage soit le dit cas de meschief advenu, veu ce que dit est, et ait le dit Gilet en ses autres fais esté et soit de bonne vie, renommée, sans avoir esté actaint ou convaincu d’aucun villain blasme ou reprouche, et que du dit meffait lui desplaist de tout son cuer, nous lui vueillons sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplication, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit Gilet Birart avons ou cas dessus dit remis, quictié et pardonné, etc., parmi ce que il tendra prison un mois et sera puni civilement [p. 52] selon sa faculté, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, le xiiiie jour d’aoust l’an de grace mil cccc. et iiii, et le xxiiiie de nostre regne.

Es requestes par vous tenues, du commandement du roy, le patriarche d’Alixandrie2, les evesques de Noyon3, d’Arras4 et de Tournay5, l’abbé de Moustier Aramé6, et autres presens. Ferron.


1 Avec le sens de provoquer, comme dans ce texte de l’année 1375 : « Se tu me hastes, je te batray très bien ». (JJ. 107, n° 374.)

2 Simon de Cramaut, évêque de Poitiers (1385-1389), d’Avignon (1389), patriarche d’Alexandrie, administrateur du diocèse de Carcassonne, archevêque de Reims (15 décembre 1409), cardinal (1412), évêque de Preneste, administrateur de l’Église de Poitiers, mort à la fin de l’année 1422. (Voir notre t. V, p. 319, note.)

3 Philippe II de Moulin fut évêque de Noyon du 24 décembre 1388 au 31 juillet 1409.

4 Jean IV Canard, chancelier de Bourgogne, évêque d’Arras de 1391 ou 1392 au 7 octobre 1407.

5 Louis Ier de La Trémoïlle, évêque de Tournay de 1389 à octobre 1410.

6 Jean III Vervin, aliàs Walin, fut à la tête de l’abbaye de Montieramey, au diocèse de Troyes, pendant environ quarante ans, de 1383 à 1422 ; il avait rempli, au commencement du règne de Charles VI, l’un des deux offices de trésorier de France. (Gallia christ., t. XII, col. 560.)