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DCCCCXXVI

Lettres d’amortissement en faveur de l’abbaye de Saint-Hilaire de la Celle à Poitiers de deux hôtels ou manoirs sis en la paroisse d’Antran, représentant un revenu annuel de xxv. livres tournois, donnés à ladite abbaye par feu Jean Morin, de Varèze, écuyer, et Jeanne des Vaux, damoiselle, sa femme.

  • B AN JJ. 162, n° 291, fol. 226
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 125-129
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre amée Jehanne des Vaux, damoiselle, veufve de feu Jehan Morin, de Varesez1, jadiz escuier et nostre huissier d’armes, contenant [p. 126] que comme pour le salut et remede des ames d’eulx et de leurs bien faicteurs, et aussi pour faire et celebrer certain service divin chascun jour par les religieux, abbé et convent de l’esglise ou monastere de Saint Ylaire de la Cele de Poictiers, de l’ordre Saint Augustin, les diz deffunct et suppliante conjointement aient donné et laissié pour Dieu et en aumosne aus diz religieux, abbé et convent deux hostelz ou manoirs à labourages, l’un nommé les Raffinieres et l’autre qui fu Jehan Sanglier2, avec toutes leurs appartenances [p. 127] et appendences, assis en la parroisse de Antron en la viconté de Chasteauleraut, ausquelz hostelz appartiennent le labourage de terres pour iii. beufs, la journée de trois faucheurs de prez, vignez, noiers et autres arbres portans fruit, bois pour chauffer seulement, huit sextiers de froment de rente, à la mesure du dit lieu de Chasteauleraut, vint quatre solz en deniers de cenz ou rente, quatorze chappons et six gelines de rente, toutes lesquelles choses pevent bien valoir chascun an vint cinq livres tournois ou environ ; et sont les choses dessus dictes et leurs appartenances tenues roturierement de pluseurs seigneurs et sans justice. Requerant à present la dicte veufve et suppliant que les choses dessus declairées, montans à la dicte somme de xxv. livres tournois, nous vueillons pour ce admortir. Nous, ces choses considerées, à l’exaltacion et louenge de Dieu, et en reverence et honneur de sa sainte esglise et du divin service, à ce que nous soyons et puissions estre participans et accueilliz ès prieres, oroisons et autres bienfaiz qui dores en avant seront faiz en la dicte esglise, et en faveur et contemplacion des bons et agreables services que le dit feu escuier, nostre huissier d’armes, nous fist en son vivant en noz guerres et autrement, et en louant aussi le bon propos et entencion des diz deffunct et suppliante, inclinans pour ce favorablement à leur requeste, avons admorti et admortissons par la teneur de ces presentes, de nostre certaine science, grace especial, plaine puissance et auctorité [p. 128] royal, les dictes xxv. livres tournois de rente dessus declairées, pour les mettre et convertir ès choses dessus dictes et en augmentacion et acroissement du service divin. Et voulons et octroyons que les diz religieux, pour ce ordonnez à faire le dit service, puissent avoir, tenir, prendre, recevoir et percevoir à tousjours perpetuelment les dictes xxv. livres tournois de rente de et sur les choses dessus dictes et declairées, comme terre et rente admortie, donnée et dediée à Dieu et à son service et usage, sans ce que, ores ou pour le temps advenir, iceulx religieux soient ou puissent estre contrains par nous ou noz successeurs, ou officiers de nous et de noz successeurs, ou autres quelxconques, à les vendre, transporter, aliener ou mettre hors de leurs mains, pour quelconque maniere que ce soit, parmi ce que la dicte suppliante sera tenue de nous baillier et assigner terre ou rente de la tierce partie des dictes xxv. livres tournois de rente, ou autrement deschargier nostre demaine d’autant de rente que peut monter la tierce partie d’icelle rente3. Si donnons en mandement par ces presentes à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers à Paris et à tous noz autres justiciers ou officiers, ou à leurs lieux tenans, qui à present sont et pour le temps avenir seront, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que la dicte suppliante et religieux dessus diz, qui pour faire le service divin ont esté ordonnez, comme dit est, facent, sueffrent et laissent joir et user plainement, paisiblement et perpetuelment, des choses dessus declairées en la valeur des dictes xxv. livres tournois de rente annuelle et perpetuele, et semblablement de noz presens admortissement, grace et octroy, et selon leur fourme et teneur les laissent et facent joir, sans les molester, traveillier ou empeschier, ne faire ou souffrir estre traveilliez, molestez ne empeschiez, en quelque maniere que ce soit, mais tout ce qui seroit [p. 129] fait au contraire mettent et ramainent, ou facent mettre et ramener sans delay au premier estat et deu, non obstant noz ordonnances autres foiz faictes de non plus admortir aucunes terres ou rentes en nostre royaume, et quelxconques autres ordonnances, mandemens ou deffences à ce contraires. Donné à Paris, le xviiime jour de juing l’an de grace mil cccc. et huit, et de nostre regne le xxviiime.

Par le roy en son conseil. Derian.


1 On ne possède sur ce personnage d’autres renseignements que ceux qui nous sont fournis par quelques pièces du fonds de Saint-Hilaire de la Celle aux archives de la Vienne et sont relatives aux domaines dont il est question dans ces lettres. On y voit que le lundi, jour de la sainte Croix de mai 1389, Isabeau de l’Isle-Augier, dame de Clervaux et de la Guerche en Touraine, donna quittance à Jean Morin, seigneur des Raffinières, d’une somme de 25 livres pour les ventes et honneurs des héritages dudit lieu des Raffinières faisant partie de la terre du Breuil en la châtellenie de Clervaux ; que le 1er juillet 1406, Jean Morin, de Varèse, écuyer, huissier d’armes du roi, et damlle Jeanne de Vaux, sa femme, demeurant à Lucheux en Picardie, donnèrent à l’abbé et aux religieux de la Celle leur manoir des Raffinières, paroisse d’Antran, à condition de recevoir la sépulture en leur église, au côté gauche du grand autel, et moyennant la célébration d’une messe quotidienne et d’un anniversaire solennel au commencement de chaque mois de l’année à perpétuité, etc. ; lequel don, avec les charges imposées, fut accepté par frère Jean Gallicher, religieux de la Celle, prieur de Remeneuil, fondé de procuration de la communauté (l’acte était scellé du sceau de la prévôté de Doullens) ; enfin que le 22 août 1407, frère Pierre Morelon, fondé de pouvoirs des religieux de la Celle, et damlle Jeanne des Vaux, veuve de Jean Morin, d’une part, et Jean Bertin, écuyer, agissant tant en son nom privé qu’en celui de Deserin de Philippe et de Jeanne Morin, sa femme, sœur et héritière dudit Jean Morin, d’autre part, transigèrent au sujet de l’hébergement des Raffinières, dont ces derniers s’étaient emparés. Jean Bertin, auxdits noms, renonça à toutes prétentions sur ce lieu moyennant une somme de vingt écus d’or, et l’acte fut ratifié par Deserin de Philippe et sa femme, le 31 août 1407. (Arch. de la Vienne, abb. de la Celle, l. 67.)

2 Jean Sanglier, seigneur d’Exoudun, huissier d’armes de Charles VI, capitaine châtelain de Montreuil-Bellay, fils aîné de Guillaume Sanglier, sr d’Exoudun (voy. ci-dessus, p. 5, note), avait épousé Isabeau de Coué, fille de Jodouin de Coué, chevalier, seigneur du Boisrogue. Elle était veuve en premières noces de N. de Rougemont et apporta à son second mari la terre du Boisrogue, dont elle hérita de son frère, Jean de Coué, mort sans lignée peu de temps après la bataille de Verneuil (17 août 1424), où il avait été fait prisonnier. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 647.) Cette seigneurie donna son nom à une branche de la famille Sanglier, aux xve et xvie siècles. Le Grand-Gautier contient un aveu rendu, le 1er mars 1406 n.s., à Jean duc de Berry, par J. Sanglier pour son hébergement de Salles près Pamproux, mouvant du château de Saint-Maixent. (Copie aux Arch. nat., R1* 2172, p. 894.) Jean, qualifié écuyer, huissier d’armes du roi, et son plus jeune frère, Pierre, aussi écuyer, valet de chambre du roi, étaient appelants au Parlement, le 31 août 1414 et le 23 mai 1416, dans un procès contre Payen Sicard, touchant la succession d’Isabelle Sanglier, leur tante paternelle, décédée femme dudit Payen (X1a 60, fol. 73, et X1a 61, fol. 118 v°.) Un Jean Sanglier, capitaine de Benon pour Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, en 1442, que l’on trouve ajourné à plusieurs reprises devant la cour, avec Guillaume Maynart, châtelain dudit lieu, par Huguet Vivien, huissier du Parlement, victime de leurs mauvais traitements, était peut-être le fils de l’huissier d’armes de Charles VI. (Voir X2a 22, aux 28 juin 1442, 23 mai, 16, 26 et 30 juillet 1443 : X2a 23, fol. 120, 2 août 1443, fol. 370, 5 avril 1447 n.s. (arrêt) ; X2a 24, à la date du 8 juin 1444.)

3 Voir la note de la page 124 ci-dessus.