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DCCCCLVIII

Rémission octroyée à Jeanne Marteau, femme de Gilles Symes, poursuivie au Parlement de Paris pour complicité dans l’enlèvement de Jeanne Jourdain, damoiselle, sa pupille, par Louis de Lestang.

  • B AN JJ. 166, n° 359, fol. 237 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 219-229
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehanne Martelle1, femme de Gilet Symes2, contenant que Jehanne [p. 220] Jourdaine, fille de feu Jehan Jourdain3 et de Jehanne Jousseaume, jadiz sa femme, estant mineur d’ans en la tutele, garde et gouvernement du dit Gilet Symes par ordonnance testamentoire du dit feu Jehan Jourdain, pere de la dicte Jourdaine, et par auctorité de justice confirmée, Loys de Lestanc4, parent et filleul de la dicte suppliante et qui par ce moien et aussi par le moien de nostre bien amé Regnault de Vivonne, seigneur de Thors et de Poiroux, son maistre, qui est un très grant seigneur et puissant au pays5, avoit grant entrée en l’ostel du dit Gilet [p. 221] Symes, ala et vint par aucunes fois en l’ostel d’icelui Gilet, appelé la Druillardiere, ouquel il tenoit sa residence et demeure ; et entre les autres, se transporta le dit Loys ou dit hostel à un certain jour et y trouva icelle suppliante, absent le dit Gilet, son mary, et parla à elle, et entre autres choses lui dist en effect et substance qu’il avoit tousjours esperé que la dicte Jehanne Jourdaine feust mariée avec Milet Symes, son filz, et que l’en tenoit au pays que Regné Josseaume, chevalier, entendoit à elle marier avecques Guillaume Josseaume, son filz6. A quoi icelle suppliante [p. 222] respondique la dicte Jehanne Josseaumé, mere de la dicte Jourdaine, estoit mal contente et hayneuse du dit Gilet et d’elle, pource que la dicte Jehanne Josseaume estant en son hostel des Granges, ès vendenges lors derrenierement passées, ilz lui avoient reffusé bailler sa dicte fille, pour l’acompaigner tant qu’elle y seroit, et aussi pour cause de certain plait et procès que icelui Gilet, comme tuteur de la dicte Jourdaine, avoit intenté contre icelle Josseaume, en l’assise de Boingt, et doubtoit icelle suppliante [que elle] et nostre amé et feal Hugues Catus, chevalier, son mary, la voulsissent marier avecques Jehan Catus, frere puisné du dit Catus7, et que par ce icelle Josseaume n’eust pas aggreable [p. 223] qu’elle feust mariée avecques le dit Milet. Et lors le dit Loys dist à la dicte suppliante qu’il vouldroit estre marié avec la dicte Jehanne Jourdaine, en priant à la dicte suppliante qu’elle en voulsist son bien, car sans son aide il ne pourroit bonnement faire. Auquel icelle suppliante respondi qu’elle l’avoit bien aggreable, mais que icelle Jourdaine et les plus grans de ses amis le voulsissent. Et de fait se parti le dit Loys, et depuis ce, retourna malade d’une boce au dit lieu de la Douillardiere, et y demoura malade par l’espace de xv. jours ou environ, pendant lequel temps la dicte Jourdaine le visita par pluseurs fois. Et en ce faisant, icelui Loys parloit à elle en appert et en privé ce que bon lui sembloit, saichant et consentant icelle suppliante, pour la parenté et affinité qui estoit entre elle et le dit Loys. Et quant icelui Loys fu aussi comme sur le point d’estre guery de la dicte bosse, il s’en ala par devers son dit maistre au dit lieu de Peiroux, distant du dit lieu de la Druillardiere une lieue ou environ. Et par aucun temps après, retourna de rechief icelui Loys au dit lieu de la Druillardiere où il trouva la dicte suppliante et la dicte Jourdaine ; et après ce qu’il eut parlé à icelle Jourdaine secretement ce que bon lui ot semblé, il ala par devers icelle suppliante [p. 224] et lui dist que lui et la dicte Jourdaine avoient promis l’un à l’autre qu’ilz se prendroient par nom de mariage, et qu’il vendroit querir icelle Jourdaine pour l’enmener et acomplir le dit mariage, le sabmedi avant l’Ascension l’an mil cccc. xi, en soy recommandant de ce à la dicte suppliante et priant qu’elle portast son fait et en icelui le conseillast et aidast, disant que les amis d’icelle Jourdaine en estoient d’accord et qu’il en estoit à un avec eulx. A quoy la dicte suppliante, cuidant que ainsi feust, respondi que voulentiers de tout son povoir le feroit, et se consenti à ce, et tant que le jour de sabmedi devant la dicte feste de l’Ascencion du dit an cccc. xi, le dit Loys et Jaques, son frere, armez de haubergons, avansbraz, espées et dagues, acompaignez de deux varlès, se transporterent au dit lieu de la Douillardiere, environ heure de basses vespres, et pour ce qu’ilz trouverent la grant porte du dit hostel fermée, telement qu’ilz n’y peurent entrer par la dicte porte, ilz s’en alerent par derriere icelui hostel et entrerent ou boys d’icelui hostel, et d’ilec en un petit jardin qui estoit fermé de palys, joignant d’icelui hostel ; le quel paliz ilz rompirent au droit du verroueil du dit jardin, qui est derriere la sale du dit hostel. Et ce fait, entrerent ou dit hostel par une fenestre de la dicte sale ; et d’ilec alerent ou ballet8, où ilz trouverent la dicte suppliante, laquele ilz saluerent, et elle leur respondi : « Je ne vous salue point, vous ne valez riens. Alez, alez, elle est laissus9. » Et tantost alerent à la chambre du dit Gilet Symes, où estoit la dicte Jourdaine, laquele chambre estoit fermée, et hurterent par pluseurs fois à l’uys de la dicte chambre, en l’appellant. Et pour ce qu’elle ne voult pas ouvrir tantost la dicte chambre, le dit Loys tray sa dague et en volt ouvrir le dit huys. Et lors la dicte Jourdaine ouvry le dit huys bien ennuys et à grant [p. 225] crainte, si comme on dit. Et entrerent dedens la dicte chambre et saluerent icelle Jourdaine, et s’entrebaiserent eulx et elle ; et lui recita icelui Loys les dictes promesses et convenances de mariage autresfois parlées entre eulx, comme dit est, en lui demandant s’elle les vouloit tenir. A quoy elle respondi que oy, mais que le dit Gilet Symes, son tuteur, qui estoit absent, lui avoit defendu par pluseurs foys qu’elle ne se mariast à homme du monde, sans le congié de lui et de ses autres amis, et que la dicte suppliante en pourroit bien estre batue, et pluseurs autres paroles eurent entre eulx, si comme icelle suppliante a depuys oy dire ; car elle n’estoit pas presente à ce. Et après ce, le dit Jaques, frere du dit Loys, prist la dicte Jourdaine par la main, et combien qu’elle deist qu’elle ne s’en vouloit point aler et qu’elle se prist à une huche ou coffre qui estoit en la dicte chambre, icelui Jaques la trahy hors de la dicte chambre, et lors elle se prist à plourer et faire autres signes de courroux, jusques au dehors du dit hostel. Et combien que la dicte suppliante veist ce que dit est, elle dissimula et laissa passer sans en faire aucun semblant. A l’issue duquel hostel, le dit Milet, filz du dit Gilet, vint à eulx et leur dist que ce n’estoit pas bien fait de prendre et emmener ainsi les damoiselles et qu’ilz la laissassent, dont ilz ne vouldrent riens faire ; et s’escria lors icelle Jourdaine, disant qu’elle ne s’en yroit point sanz le congié du dit Gilet. Et en ce disant le dit Jaques la monta à cheval, contre sa voulenté, derriere le dit Loys son frere, mais icelle Jourdaine en criant se gecta sur les espaules du dit Jaques, qui par force et violence la mist devant le dit Loys en la selle sur le dit cheval. Et atant s’en partirent et emmenerent la dicte Jourdaine là ou bon leur sembla. Et dit on que depuis assez tost après le dit Loys la fiença, et le lendemain des dites fiançailles l’espousa au lieu de la Chappelle Haudry10. Après lesqueles choses ainsi [p. 226] faictes, icelui Loys enmena la dicte Jourdaine en pluseurs et divers lieux et l’a detenue par aucun temps, durant lequel il a eu sa compaignie charnele, si comme on dit. Pour lequel cas, ou quel l’en dit nostre sauvegarde avoir esté enfrainte, port d’armes, force publique et ravissement dampnables avoir esté commis et perpetrez, procès a esté meu et pend par devant nostre bailli de Touraine ou son lieutenant à Chinon, tant entre nostre procureur illec et les amis charnelz d’icelle Jourdaine, demandeurs, d’une part, et la dicte suppliante, le dit Giles Symes, son mary, les diz Loys et Jaques et autres, defendeurs, d’autre part. Sur quoy tant a esté procedé entre les dictes parties que, par le moien de certaine appellacion faicte à nostre court de Parlement par les diz demandeurs, et aussi de certainnes noz lettres par eulx sur ce obtenues, les parties oyes sur l’enterinement de nos dictes lettres obtenues par les diz amis charnelz d’icelle Jourdaine, la dicte appellacion a esté mise au neant sans amende, touz despens reservez en diffinitive. Et a ordonné nostre dicte court que la cause principal demourra en icelle nostre court, et que les parties y procederont aux jours de Vermendois de ce present Parlement, comme il appartendra par raison. Ausquelz jours icelle suppliante a esté adjournée par cry publique à comparoir personnelment, sur peine de bannissement et de confiscacion de touz et chascuns ses biens. Et toutes voyes elle n’y a peu comparoir en personne, obstant ce qu’elle est detenue de maladie, et par ce y a envoyé son exonye de la dicte maladie, et a esté donné defaut contre elle à ses parties adverses, sauf la verifficacion de la dicte exonye11. Laquele suppliante qui est simple et ygnorante, et ne cuydoit riens [p. 227] mesprendre en ce que dessus est dit, attendu que le dit Loys lui donnoit à entendre que la dicte Jourdaine et ses [p. 228] amis estoient d’accort du dit mariage, doubte estre durement et riguoreusement traictée par justice, pour cause du [p. 229] cas et faict dessus dit, se par nous ne lui est sur ce impartie nostre grace, si comme elle dit, requerant humblement icelle. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à la dicte suppliante avons quictié, etc., etc. Si donnons en mandement pa ces mesmes presentes à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans nostre present Parlement et qui le tendront pour le temps avenir, au prevost de Paris, au bailli de Touraine et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. et douze et de nostre regne le xxxiiie.

Par le roy, monseigneur d’Ivoy et pluseurs autres presens. J. Desquay.


1 Jeanne Marteau paraît être la sœur de Bertrand Marteau, seigneur de la Bretonnière, dont les deux fils, Jacques et Pierre, furent compromis aussi dans cette affaire de rapt, quoiqu’ils n’aient fait qu’assister aux fiançailles et au mariage irrégulier de Louis de Lestang avec Jeanne Jourdain. (Arch. nat., X2a 17, à la date du 16 février 1412 n.s.) Jacques, alors seigneur de la Bretonnière, se retrouve en 1436 ; il était à cette date poursuivi au Parlement, avec plusieurs autres gentilshommes poitevins, coupables d’excès contre l’évêque de Luçon, à l’instigation du fameux Georges de La Trémoïlle. (X2a 21, aux dates des 1er février, 15 et 19 mars, 13 et 19 mai, 3 et 30 août 1436.) On peut citer encore, comme appartenant à la même famille, Guillaume Marteau, marié à Jeanne de la Lande, qui soutint deux procès, l’un contre l’abbaye de Sainte-Croix de Poitiers, touchant une maison à Saix, l’autre contre Guyon de La Haye, au sujet de la succession d’Agasse de La Haye, femme de Louis de Chiré ; les parties transigèrent, dans le premier cas, le 18 mai 1386, et, dans le second, le 24 mai 1388. (X1c 52 et 56.) On trouve encore, en 1420, Jean Marteau, seigneur de la Martellière en Boismé, arrière-fief relevant du Poiron (Ledain, Hist. de Bressuire, p. 417), peut-être le même qui épousa, en 1421 ou 1422, Guyonne de Picquigny, veuve de Guichard du Puy, premier huissier d’armes du roi, assassiné par Jacques comte de Ventadour. (X1a 9190, fol. 195.) Jean Marteau, écuyer, rendit aveu au duc d’Anjou de son hôtel de Dercé, appelé la Tour, le 29 juillet 1445. (P. 3412, fol. 98 v°.)

2 Gilles Symes et son fils Millet, nommé plus bas, appartenaient à une famille noble du Bas-Poitou, dont nous avons déjà rencontré un membre, Simon Symes, qui assista en 1364 à l’enquête sur l’état mental de Louis vicomte de Thouars (Cartulaire d’Orbestier, p. 251), et dont les biens de l’île de Bouin, confisqués parce qu’il servait l’Angleterre, furent donnés, le 3 novembre 1371, à Jeanne Chabot. (Voy. notre tome IV, p. 109.) Citons encore Nicolas Symes qui, dans un aveu du 17 décembre 1407, déclara tenir de la Roche-sur-Yon les deux parts par indivis du droit de terrage des fruits croissant sur les terroirs et tènements des villages de Lambertière et de la Loclière, sis en la paroisse des Clouzeaux. (PP. 33, fol. 42.)

3 Jean Jourdain avait un frère, Aimery Jourdain, qui fut curateur de sa nièce, la victime de l’enlèvement. (X2a 17, à la date du 16 février 1412 n.s.) Il doit être identifié avec Jean Jourdain, seigneur du fief Jourdain à la Grimaudière ; car, l’an 1407, Hugues Catus, écuyer, seigneur de Saint-Généroux, qui avait épousé sa veuve, Jeanne Jousseaume, était possesseur de cette terre à cause de la dite dame et comme ayant le bail de Jean Jourdain, mineur, son fils du premier lit. (E. de Fouchier, La baronnie de Mirebeau, p. 191.) Parmi les principaux barons poitevins, partisans du prince de Galles, qui signèrent le traité de trêve de Surgères, le 18 septembre 1372, on lit le nom de Jean Jourdain, peut-être le père de celui dont il est question ici. Un personnage portant les mêmes nom et prénom, demeurant à la Jourdinière, paroisse d’Oroux, rendit aveu au sire de Parthenay, le 3 juin 1402, des bois vulgairement appelés bois des Abatis en la paroisse de Pressigny, et de diverses rentes en nature. (R1* 190, fol. 225 v°.)

4 Dans un acte de décembre 1389, il est question d’un Jean de Lestang, chevalier, qui avait son hôtel à Saint-Fulgent ou dans une localité voisine. (Voy. notre t. V, p. 399.) Nous avons groupé en cet endroit un certain nombre de renseignements sur plusieurs membres de cette famille, dont la filiation n’a pas été encore établie pour le xive et la première moitié du xve siècle. Louis et Jacques, son frère et complice, mentionné quelques lignes plus loin, se firent délivrer aussi des lettres de rémission pour le rapt de Jeanne Jourdain. Ils en requirent l’entérinement au Parlement, le 5 décembre 1412 et le 18 février 1413. (X2a 17, à ces dates.) Le texte cependant n’en a pas été enregistré au Trésor des Chartes. On retrouve Jacques de Lestang, qualifié chevalier, et Isabelle Raclet, sa femme, veuve en premières noces de feu Guy Chasteigner, en procès contre Louis de Laurière (ou Lorière), écuyer, et Louise Chasteigner, sa femme, le 7 septembre 1436. (X1a 9193, fol. 167 v°.)

5 Renaud de Vivonne, seigneur de Thors, Poiroux, Aizenay, etc., était le fils aîné de Savary, sire de Thors, tué à la bataille de Nicopolis (1396), et de Jeanne d’Aspremont, dame d’Aizenay, et par conséquent le petit-fils de Renaud de Vivonne, sénéchal de Poitou, mort vers la fin de décembre 1392. (Voy. notre tome V, p. 269 n. et 419 n.) Mineur, ainsi que ses deux frères, Savary et Jean, et sa sœur Isabelle, au moment du décès de leur père, il fut longtemps sous la tutelle de son oncle, Renaud de Vivonne, seigneur des Essarts, Aubigny et Faye. Le 6 novembre 1409, Bernard, abbé de Sainte-Croix de Talmont, lui rendit aveu, à cause de son château d’Aizenay, de plusieurs héritages appartenant à l’abbaye de Talmont. (Dom Fonteneau, t. XXVI, p. 49.) Le sire de Thors était en procès, le 25 novembre 1410, contre Jean Harpedenne, au sujet de la terre et baronnie de Regnac, sur laquelle l’un et l’autre avaient des prétentions. (Idem, t. XVII, p. 523.) Le 2 janvier 1414, il fit hommage au vicomte de Thouars de sa terre de la Fougereuse, qu’il possédait du chef de sa femme Catherine de La Haye. Il l’avait épousée en 1409 et n’en eut point d’enfants. Les trois frères d’ailleurs moururent jeunes et sans postérité, si bien que leur sœur, Isabelle, hérita de toutes les terres de Savary V et de leur mère Jeanne d’Aspremont, et les porta à Charles de Blois, dit de Bretagne, seigneur d’Avaugour, son époux. Le 1er mars 1421 n.s., Catherine de La Haye, alors veuve de Renaud de Vivonne, sire de Thors, poursuivait au Parlement de Poitiers sa belle-sœur Isabelle, femme du sr d’Avaugour, et lui réclamait certains revenus sur les terres de la Châtaigneraie et de Mortagne-sur-Sèvre, comme faisant partie de son douaire, suivant le testament de son mari. (X1a 9190, fol. 142.)

6 La généalogie de Jousseaume qui se trouve dans la première édition du Dictionnaire des familles du Poitou est extrêmement confuse et fort incomplète, au moins pour l’époque qui nous occupe. Nous avons recueilli, principalement dans les registres du Parlement, des renseignements sur un grand nombre de membres de cette famille, à la fin du xive siècle et pour la première partie du xve, mais nous devons nous en tenir à ceux qui sont mentionnés ici. René Jousseaume accrut considérablement la puissance de sa maison par son mariage avec une riche héritière, Isabelle de La Forêt, fille unique de Guy, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers. La femme de ce dernier était Marguerite de Machecoul et elle lui survécut ; mais Isabelle paraît être issue d’un premier lit. La succession de Guy de La Forêt, décédé après le 30 septembre 1383 et avant le mois de juillet 1387, suscita de nombreux procès à son gendre. Nous avons vu qu’Olivier de Clisson fit saisir et occuper par ses gens, après la mort de Guy de La Forêt, le château de Commequiers (tome V, p. 370 note), et que Pierre Boschet réclamait à René Jousseaume le sixième de la terre de la Forêt-sur-Sèvre. (Nombreux actes entre le 21 mars 1391 et le 25 juin 1397, cités en partie dans notre VIe volume, p. 113, 114 note.) René eut aussi un différend avec Catherine de Machecoul, au sujet de la possession de la même seigneurie, et transigea avec elle le 27 juin 1396. (X1c 72.) René Jousseaume eut quatre fils : 1° René II, qualifié aussi seigneur de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers, bien qu’il mourût avant son père, antérieurement au 12 juillet 1417, avait épousé, vers 1403, Jeanne de Parthenay, la plus jeune fille de Louis Larchevêque de Parthenay, sire de Taillebourg, dont postérité mâle ; 2° Louis, seigneur de Soussay ; 3° Jean, peut-être seigneur de la Geffardière ; 4° Guillaume, le plus jeune, nommé dans les lettres de rémission de Jeanne Marteau, et dont il sera question dans la note de la page 227 ci-dessous. René Ier était tuteur des enfants mineurs de René II, son fils aîné, le 12 juillet 1417, dans un procès qu’il soutenait au Parlement contre Nicolas Boschet, héritier du président Pierre Boschet (X1a 62, fol. 40), et vivait encore le 6 mars 1423, réclamant au nom de ses pupilles une part de la succession de Jean Larchevêque de Parthenay, seigneur de Soubise, leur oncle maternel. (X1a 9190, fol. 216.)

7 Le père d’Hugues et de Jean ici nommés, Jean Catus (ou Cathus), seigneur du Bois-Catus et de Saint-Généroux, passa un accord avec les enfants mineurs de Marguerite Catus, sa sœur, veuve de Jean Boschet, le 13 mars 1385 n.s. (X1c 50.) Hugues, son fils aîné, avait épousé en premières noces, vers 1400, Hervette Chasteigner, veuve de Jean de Chevigné, sr de l’Essart. Son second mariage avec Jeanne Jousseaume, veuve de Jean Jourdain, écuyer, « seigneur de la Grimaudière en Mirebalais », suivant MM. Beauchet-Filleau (Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. II, p. 139), — il serait plus exact de dire seigneur du fief Jourdain à la Grimaudière —, eut lieu avant 1407. Dans cette généalogie, Jean, le puîné, est passé sous silence. On ne sait de quelle branche Jeanne Jousseaume était issue ; on dit seulement dans le procès relatif à l’enlèvement de sa fille, Jeanne Jourdain, que cette dernière était cousine au quatrième degré de Guillaume Jousseaume, avec lequel sa mère aurait voulu la marier. Une Jeanne Jousseaume, alors âgée de onze ans, était sous la tutelle d’un oncle, Marquis Jousseaume, chevalier, le 1er avril 1395. Celui-ci poursuivait Thomas La Grue, qu’il accusait d’avoir fait violence à sa pupille. (Rapport des matrones jurées, X2a 12, fol. 246, 247 v°.) Bien que les dates concordent assez, on ne pourrait affirmer qu’il s’agisse de la femme de Jean Jourdain, puis d’Hugues Catus. Celle-ci donna à son second mari deux enfants, Jean Catus, décédé avant son père, et Françoise, femme de Pierre des Cloudis, et ne survécut pas longtemps au rapt de sa fille. Elle en mourut de chagrin, déclara son avocat, entre le 28 juillet et le 21 novembre 1412. (X2a 16, fol. 216, et X2a 17, à cette dernière date.) Quant à Hugues Catus, on le retrouve vivant longtemps après. Le 20 septembre 1432, il était en procès contre Pierre de La Valette. (X2a 21, fol. 194 v° ; voir aussi un arrêt du 2 octobre suivant, X1a 9192, fol. 319.) Il fut l’un des témoins du testament de Jeanne de Beaumont, le 20 novembre 1433, et fit accord en 1443 avec Robinette du Plessis, veuve de son fils Jean, remariée alors à Renaud de Plouer. (Dict. des familles du Poitou, t. II, p. 139.)

8 Galerie couverte par un toit en saillie.

9 Laissus ou lassus, là-haut.

10 Sic. Il faut sans doute corriger la Chapelle-Hermier.

11 A Chinon, devant le lieutenant du bailli de Touraine et des Exemptions de Poitou, outre les poursuites criminelles exercées par Hugues Catus et sa femme contre le ravisseur et ses complices, une action avait été intentée aussi par Gilles Symes et Jeanne Marteau contre Louis de Lestang et son frère, dans le but de dégager leur responsabilité et de faire croire que l’enlèvement avait été accompli malgré eux. L’appel relevé au Parlement ne portait que sur un incident de procédure, mais la cour retint le fond de l’affaire par arrêt du 26 juillet 1412 (X2a 16, fol. 216). Les premières plaidoiries avaient eu lieu le mardi 16 février précédent. Le procès dura près de cinq ans. Nous en avons recueilli tous les actes ; ils sont assez intéressants pour mériter une publication spéciale, que nous ferons peut-être ailleurs. Ici nous ne pouvons en donner même un résumé complet. Il ne nous est permis, pour ne pas être entraîné trop loin, que d’en extraire quelques renseignements complémentaires. Les complices de Louis de Lestang, ajournés devant la cour, étaient : Jacques de Lestang, son frère, Gilles Symes et sa femme, Henri Marionneau, leur serviteur, Jacques et Pierre Marteau, neveux de Jeanne Marteau, Jean Nau, Jean et Louis du Verger, dits de Laurière, une femme nommée Catherine de La Perinière, et Pierre Brédet, le prêtre qui avait célébré le mariage clandestin. Jeanne Jourdain, reconnue enceinte, fut rendue à sa mère, par décision des premiers juges, et demeura près d’elle jusqu’à ses couches qui furent extrêmement laborieuses. L’enfant était mort en naissant. Le chagrin ne tarda pas à enlever aussi Jeanne Jousseaume, comme on l’a dit dans la note précédente. Alors Jeanne Jourdain fut amenée à Paris, vers le mois de novembre 1412, et confiée d’abord à la garde de l’avocat Jean Jouvenel, puis remise entre les mains de la femme du greffier criminel du Parlement, où elle fut traitée honorablement, suivant son rang.

Le 5 décembre de la même année, Louis et Jacques de Lestang présentèrent à la cour leurs lettres de rémission et en requirent l’entérinement qui fut vivement combattu par l’avocat de la partie adverse. Quant à celles de Jeanne Marteau, il n’en fut question que dans la séance du 28 février 1413 n.s. Son avocat, Me Cotin, en parla incidemment, comme d’un acte dont sa cliente n’avait pas absolument besoin pour être acquittée. « Soubz umbre, déclara-t-il, de certaine remission prinse par les diz de Lestang, les amis de Martelle et à son desceu et combien qu’elle ne tient avoir mesprins, ont prins une lettre par laquelle le roy lui pardonne le cas et negligence qu’elle y pourroit avoir commise, dont s’ayde en tant que mestier seroit. » Il y avait même deux expéditions de ces lettres, l’une en lacs de soie et cire verte, et l’autre en double queue. Leur contenu était peut-être un peu différent, car le président Robert Mauger fit demander à l’impétrante, le 31 mars, de laquelle elle se voulait aider.

Cependant Louis de Lestang se plaignait que sa prétendue femme, chez le greffier, où elle pouvait voir qui bon lui semblait, était en butte aux suggestions, aux obsessions et aux entreprises de ses adversaires. La cour arrêta, le 18 avril, qu’un conseil de famille se réunirait le lendemain de Quasimodo, aux Herbiers en Poitou, pour décider à qui Jeanne Jourdain devrait être confiée, en attendant le jugement du procès. Après bien des altercations, on se mit enfin d’accord et André Rouault, chevalier, fut constitué le gardien de la jeune fille. Le 11 juillet seulement, le Parlement ordonna qu’elle serait conduite en Poitou, dans la maison de ce gentilhomme et de sa femme, auxquels il fut interdit expressément de disposer d’elle et de lui parler mariage. Jeanne Jourdain partit quelques jours après, escortée d’un huissier de la cour, d’Aimery Jourdain, son oncle, et d’une dame de compagnie. On touchait au terme du voyage, quand la petite troupe tomba dans une embuscade. Jeanne, entourée tout à coup d’hommes armés, fut enlevée de nouveau, malgré les protestations de l’huissier et le sauf-conduit de la cour. L’auteur de ce nouveau rapt était Guillaume Jousseaume, qui n’avait jamais renoncé au projet de faire de Jeanne Jourdain sa femme et en avait même obtenu une promesse de mariage. L’attentat avait été concerté, à Paris même, entre les parents maternels de celle-ci. Aussi le cousin Jousseaume n’eut-il rien de plus pressé que de faire procéder aux épousailles. La cérémonie religieuse fut accomplie par un moine de Mauléon, que l’on disait excommunié.

Cet événement changea complètement, comme on le pense, la marche du procès. D’accusé, Louis de Lestang se fit accusateur. Il se prétendait le vrai et légitime époux de Jeanne Jourdain et demanda au Parlement de poursuivre le ravisseur de sa femme. (Acte du 30 août 1413.) Guillaume Jousseaume fut ajourné à comparaître en personne, puis décrété de prise de corps, ainsi que ses frères aînés et complices, Louis et Jean, leur père René Jousseaume, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre, accusé d’avoir conseillé et dirigé l’affaire et fourni l’argent nécessaire, Aimery Jourdain qui avait laissé faire l’enlèvement, frère Pierre Oliveau, prévôt moine de Mauléon, frère Guillaume du Chastellier et sept autres personnes. Tous firent défaut, sauf René Jousseaume, qui encore ne se présenta que par procureur et chargea l’avocat Savigny de sa défense. Cependant Jeanne Jourdain avait été reprise, ramenée à Paris et de nouveau séquestrée chez le greffier criminel. La nouvelle affaire fut plaidée le 27 novembre 1413, le 4 et le 8 janvier 1414. A cette dernière date, Guillaume Jousseaume et ses complices, qui étaient parvenus, eux aussi, à se faire délivrer des lettres de rémission, dont nous n’avons pu retrouver le texte, les firent présenter à l’audience par l’avocat de leur père. Mais ils continuèrent à se tenir cachés, et défaut fut donné contre eux au profit de leur adversaire, à maintes reprises, dans le cours des sessions du Parlement de 1414 et de 1415. Jeanne Jourdain résida chez le greffier, du 20 décembre 1413 au 22 mars suivant. Au bout de ce temps, la cour la confia de nouveau à un huissier pour la mener en la maison d’André Rouault, où cette fois elle arriva sans encombre. On trouve tous ces détails sur les registres du Parlement X2a 16 et 17, aux dates indiquées ci-dessus.

Le 2 janvier 1415 n.s., après information faite par Jean Sauvestre, enquêteur en Poitou, délégué de la cour, Jeanne Jourdain ayant déclaré devant ce personnage, en présence d’André Rouault, que c’était de sa bonne volonté qu’en juin 1411 elle avait épousé Louis de Lestang, et qu’elle se considérait toujours comme sa femme, le Parlement permit à celui-ci de poursuivre son droit en cour ecclésiastique. Louis de Lestang s’adressa alors à l’évêque de Luçon et en obtint, après une nouvelle et assez longue procédure, l’absolution du rapt dont il s’était rendu coupable et la confirmation de son mariage. Le Parlement, ayant pris connaissance du jugement de l’official, accorda enfin, le 25 janvier 1416, la délivrance de Jeanne Jourdain. (X1a 61, fol. 8 v° et 81.) Malgré le long temps écoulé depuis son premier enlèvement, elle avait à peine seize ans, quand elle fut réunie définitivement à Louis de Lestang, « bel, jeune et doulx escuier », comme le qualifiait Me Cotin, son avocat.