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DCCCCXII

Rémission accordée à Jean Durand, de la Mignardière, paroisse du Poiré-sous-la-Roche-sur-Yon, qui, dans une querelle et en défendant son fils, avait frappé mortellement Gillet Gendronneau.

  • B AN JJ. 160, n° 105, fol. 79 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 82-84
D'après a.

Charles, etc., savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Jehan Durant, povre laboureur, chargé de femme et enfans, demourant ou village de la Mignardere en la parroisse de Peyré sur la Roche sur Ion, contenant comme, le jour de la feste saint Pierre en aoust derrenier passé, environ heure de vespres, le dit Jehan Durant feust parti de son hostel du dit lieu de la Mignardiere, portant une fourche et une sarpe, en entencion d’aler clorre une sienne terre semée et emblavée, et en y alant trouva Jehan Nicoleau qui le depria que il lui alast tuer et appareillier un mouton en son hostel du Fié, qui estoit assez près du dit lieu de la Mignardere. Et pour ce y ala le dit Jehan Durant et le fist, et quant il ot fait, il s’en revint en son dit hostel à la Mignardere, et illecques trouva un nommé Gilet Gendronneau, laboureur, demourant à la mestairie du dit lieu du Fié, qui disoit que certaines oes qui estoient au dit Jehan Durant avoient esté en son orge et y avoient fait dommage, et que pour ce il les emmenroit en prison en l’ostel du dit Jehan Nicoleau, au dit lieu du Fié. A quoy le dit Durant lui respondi que ycelles oes n’avoient point esté ou dit orge ne y fait dommage, et supposé que [p. 83] elles y eussent esté et fait dommage, si ne devoient elles pas estre menées en prison au dit lieu du Fié, mais devoient en ce cas estre menées au dit lieu de la Mignardiere, dont estoit seigneur Jamet Nicoleau1, veu que le dit orge estoit en la seigneurie du dit Jamet Nicoleau, et non du dit lieu du Fié, ou autres paroles semblables, en empeschant au dit Gendronneau que il ne enmenast les dites oes au dit lieu du Fié. Et à ce debat seurvint André Durant, filz du dit Jehan Durant, et tantost que ycelui Gendronneau le vit, il s’adreça à lui, tenant en l’une de ses mains une grosse pierre et en l’autre un grant baston appelé massue, en lui disant : « Ribaut, tu y morras, tu as au jour d’uy cuidé batre mes gens », ou autres paroles semblables, et en ce disant cuida frapper le dit André de la dicte pierre que il tenoit en sa main, et en ce conflit et pour empescher le dit cop et que le dit André n’en feust frappé, le dit Jehan Durant, son pere, meu d’amour paternelle et par chaude meslée, frappa ycelui Gendronneau du doz d’une sarpe un seul cop ou front, et atant se departi le dit Gendronneau et s’en ala en son hostel, et du dit cop par mauvaise garde ou autrement est depuis alez de vie à trespassement, trois sepmaines ou environ après ledit cas advenu. Pour occasion duquel, ycelui Jehan Durant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du [p. 84] païs, et puis a esté crié à ban par justice, et ses biens meubles inventoriés et mis en main de justice, si comme dient yceulx amis charnelz, en nous humblement suppliant, comme en tous autres fais ycelui Jehan Durant ait esté et soit de bonne vie et renommée, non attaint ne convaincu d’aucun vilain blasme ou reprouche, et soit le dit cas advenu par chaude cole et par temptacion de l’ennemi, et pour pitié et compassion de sa dicte femme et enfans, qui pour occasion de ce seroient en voie d’estre desers, nous lui vueillions sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, voulans tousjours misericorde preferer à rigueur de justice, au dit Jehan Durant avons ou dit cas remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poictou et du Maine, au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. et cinq, et de nostre regne le xxvie.

Par le roy, à la relacion du conseil. Chaligaut.


1 Ce personnage et sa famille nous sont connus par les registres du Parlement de Paris. Guy de Surgères, chevalier, avait cédé à Jean Nicoleau, père de Jamet, tout le droit qu’il possédait sur le fief de Lauzière en Aunis, moyennant une certaine redevance annuelle en nature, qui ne fut pas régulièrement payée par le fils de l’acquéreur. Jacques de Surgères, petit-fils de Guy, ne pouvant obtenir les arrérages qui lui étaient dus, fit saisir les biens de Jamet Nicoleau. Celui-ci poursuivit pour ce fait son créancier devant la cour des Grands Jours du duc de Berry en Poitou et fut condamné. Le Parlement, appelé à juger en dernier ressort, confirma la sentence des premiers juges, par arrêt du 4 juin 1400. (X1a 47, fol. 281 v°.) Jamet perdit encore un second procès qu’il avait intenté au même Jacques de Surgères et releva de nouveau appel ; mais il mourut avant le jugement définitif qui fut rendu, le 30 juin 1403, contre sa veuve, Pernelle Goudenoe, et ses quatre enfants : Jean, Jamet (le seigneur de la Mignardière), Regnaut et Catherine Nicoleau, celle-ci mariée à Hugues Bretou. (X1a 50, fol. 263 v°.)