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MI

Confirmation par Charles, dauphin et régent, des statuts accordés aux barbiers de Poitiers, en août 1410, par Jean duc de Berry, comte de Poitou.

  • B AN JJ. 224, n° 59, fol. 73 et JJ. 232, n° 94, fol. 36
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 355-360
D'après a.

Charles, filz du roy de France, regent le royaume, daulphin de Viennois, duc de Berry, de Touraine et conte de Poictou. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir veues les lettres de feu nostre très cher [p. 356] et amé oncle le duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poictou, d’Estampes, de Boulongne et d’Auvergne, desquelles la teneur s’ensuit :

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poictou, d’Estampes, de Boulongne et d’Auvergne, lieutenant de monseigneur le roy en nostre dit pays de Berry, Poictou et Auvergne, et ès pays de Languedoc et duchié de Guienne. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre bien amé premier barbier et varlet de chambre, Gervaisot Merlin, et des autres barbiers de tous nos diz pays, tant des bonnes villes comme des banlieues et villaiges appartenans et respondans à icelles, contenant que, comme en nos diz pays n’ayt eu le temps passé aucune ordonnance sur le fait du dit mestier, par lesquelles choses plusieurs inconveniens et dommaiges s’en sont ensuiz et seroient en aventure de plus faire de jour en jour, se remede n’y estoit mis. Voulans pour le bien publicque de nos diz pays à ce remedier et pourveoir, avons fait veoir et visiter diligemment les privileiges octroyés au premier barbier de monseigneur le roy et autres barbiers de la ville de Paris, et les ordonnances faictes sur le dit mestier, et en ensuyvant icelles ordonnances et privileges, avons voulu, ordonné et octroyé, voulons, ordonnons et octroyons, de nostre certaine science, grace especial, plaine puissance et auctorité royal dont nous usons en ceste partie, se mestier est, par ces presentes, à nostre dit premier barbier et varlet de chambre et aux autres barbiers de nos diz pays, presens et avenir, ce qui s’ensuit :

Premierement, que le dit premier barbier et varlet de chambre, qui à present est et sera pour le temps avenir, est et sera maistre et garde du dit mestier et peut instituer et ordonner lieutenant pour soy en chacune des dites bonnes villes de nos diz pays, qui aura congnoissance sur tous les autres barbiers des dites bonnes villes et des banlieues [p. 357] et villaiges appartenans et respondans à icelles ; auquel lieutenant ou commis les autres barbiers seront tenuz d’obeyr, comme à nostre dit premier barbier, en tout ce qui au dit mestier appartient ou pourra toucher ou appartenir.

Item, avec ce seront ordonnez deux ou trois jurez sur le fait du dit mestier, et seront esleuz les plus souffisans pour ce faire, par l’ordonnance de noz seneschaulx, bailliz, prevostz et autres officiers qu’il appartiendra, appellé à ce nostre dit premier barbier ou son dit lieutenant, et les autres barbiers plus expers et souffisans ou dit mestier de nos diz pays, ou partie d’iceulx.

Item, aulcun barbier, de quelque condicion qu’il soit, ne pourra ne devra faire office de barbier en nos diz pays ne aucun d’iceulx, s’il n’est essayé et eprouvé par les diz maistres et jurez.

Item, aucun barbier, de quelque condicion qu’il soit, ne face office du dit mestier, ou cas qu’il sera reputé ou notoirement diffamé de tenir et avoir ostel de bordellerie et macquerellerie. Ou quel cas il sera à tousjours privé du dit mestier, sans aucunement à icelluy retourner, et que tous ses hostilz soient acquis et confisquez, moictié à nous et l’aultre moictié à nostre dit premier barbier, c’est assavoir chaiere, bassins, rasouers, cuvrechiefz et autres hostilz appartenans au dit mestier.

Item, qu’ilz ne doivent estre si hardiz de faire office de barbier, sur la dicte peine, à mesel ou à meselle1, en quelque maniere que ce soit.

Item, qu’ilz ne doivent faire, aux dimenches ne autres festes deffendues, de leur dit mestier, fors de seigner et de penier, sur peine de cinq solz d’amende, à applicquer moictié à nous, moictié à nostre dit premier barbier.

Item, que aucun barbier ne doit faire office ou euvre de [p. 358] barbier aux cinq festes Nostre Dame, saint Cosme et saint Damien, aux quatre festes solemnelz, et ne doibt pendre bassins aux festes solemnelz ne aux foiries de Noel, de Pasques et de Pentecouste, sur la dicte peine de cinq solz, à distribuer et applicquer comme dit est.

Item, s’aulcun barbier voulloit faire le contraire, et ne voulloit obeir au dit maistre, son lieutenant et jurez, que nos diz seneschaulx, bailliz, prevostz et autres officiers qu’il appartiendra, eulx informez de ce, les facent maintenir et user de chascun article des diz privileiges, en contraignant à ce tous ceulx qui seront à contraindre.

Item, que se aucun barbier voulloit entrer en procès pour soustenir le droit et privilege des diz supplians, que nostre procureur du lieu sur ce informé, pour le bien publicque et pour le nostre, soit adjoinct avec eulx, pour proceder par devant nos diz seneschaulx, bailliz, prevostz ou autres officiers qu’il appartiendra, et les cas y escheoit, et que de ce qui touche les poins et articles dessus diz, la congnoissance en soit rendue au dit maistre ou à son dit lieutenant et aux jurez.

Item, que aucun barbier ne doibt oster ne soubstraire à ung autre barbier son aprentiz ou varlet, sur peine d’un marc d’argent, à estre ainsi distribué comme dit est.

Item, que se aucun barbier est adjourné à cause du dit mestier par devant le maistre ou son lieutenant, qu’il soit tenu d’y comparoir, sur l’amende de six deniers au prouffit du dit maistre ou de son lieutenant.

Item, que en cas d’appel ou d’amendement, nos diz seneschaulx, bailliz, prevostz et autres officiers qu’il appartiendra auront la congnoissance des diz barbiers.

Item, que le dit maistre ou son dit lieutenant puisse faire assembler les diz barbiers, pour savoir s’ilz sont souffisans et s’ilz ont point offencé ou dit mestier.

Item, que aucun barbier de nos diz pays ne yra ne pourra ne devra aller reyre ne faire aucune chose à aucune [p. 359]personne, aux estuves ne autre part, fors choses et ès lieux honnestes, sur peine d’estre privé du dit mestier et leurs hostilz confisquez, comme dit est.

Item, que tous les barbiers de nos diz pays qui seigneront gens avant disner, seront tenuz de gecter le sang de ceulx qui auront esté seignez dedens une heure après midi, et se aucuns par neccessité de maladie se font saigner après midi, ilz seront tenuz de gecter le sang dedans deux heures après ce qu’ilz seront saignez, sur peine de la dicte amende de cinq solz, à applicquer comme dit est.

Tous les quelz points, privileiges et articles, si comme ilz sont cy dessus escriptz et declairez, nous à nostre dit premier barbier et à tous autres barbiers de nos diz pays, pour eulx et leurs successeurs barbiers, leur avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes, comme dit est, et voulons qu’ilz en usent à tousjours par la forme et maniere que dessus est declairé. Sy donnons en mandement à nos diz seneschaulx, bailliz, prevostz et autres officiers qu’il apartiendra, qui à present sont et qui pour le temps avenir seront, et à tous noz autres justiciers, officiers et subgiez, presens et avenir, ou à leurs lieux tenans et à chascun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que nos dit premier barbier et tous les autres barbiers de nos diz païs, et ceulx qui ou temps avenir seront, facent et laissent joïr et user plainement et paisiblement des diz privileiges cy dessus escriptz et contenuz, et de chascun d’eulx, sans leur faire ou souffrir estre fait sur ce destourbier ou empeschement aucun, ainçois rappellent et remettent au premier estat et deu tout ce qu’ilz trouveront estre fait ou actempté au contraire. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces dites presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné ou chastel de Lusignen, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. et dix.

[p. 360] Les quelles lettres de nostre dit oncle ci dessus transcriptes et tout le contenu en ycelles nous avons fermes et agreables, et icelles voulons, louons, ratiffions et approuvons, et par la teneur de ces presentes confermons. Sy donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres bailliz, prevostz et à tous noz autres justiciers et officiers quelconques, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartiendra, ou à leurs lieuxtenans, que nostre bien amé premier barbier et varlet de chambre, Collinet Gandillon2, et à tous les autres barbiers demourans en nos diz pays et conté, qui à present sont et seront pour le temps avenir, facent, souffrent et laissent joïr et user plainement et paisiblement des diz privileiges dessus escripz et chascun d’eulx, sans leur faire ou souffrir estre fait ou donné sur ce aucun destourbier ou empeschement, ores ne pour le temps avenir, ainçois rappellent et remettent, ou facent rappeller et remettre, tantost et sans delay, au premier estat deu tout ce qu’ilz auront ou trouveront avoir esté fait ou actempté au contraire, et tout en la forme et maniere qu’il est contenu ès lettres de nostre dit oncle cy dessus transcriptes. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné en nostre ville de Bourges, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. dix neuf3.


1 C’est-à-dire aux lépreux.

2 Ce nom est écrit Candillon dans la confirmation donnée par Charles VII, en 1438.

3 Les statuts accordés par Jean duc de Berry s’appliquaient aux barbiers de toutes les villes de son apanage, Poitou, Berry, Auvergne, etc., comme on peut le voir par le texte même. Ils sont insérés en vidimus dans des lettres de confirmation des rois Charles VII, 1438, Louis XI, janvier 1462 n.s., Charles VIII, novembre 1485, et Louis XII, mai 1499, qui toutes sont données « à la supplicacion et requeste des maistres barbiers de nostre ville et faulxbourgs de Poictiers. » Elles sont imprimées d’ailleurs dans la collection des Ordonnances des rois de France, in-folio, t. XV, p. 307.