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DCCCCLXX

Rémission accordée à Jean Guillon, marchand, né à Vendeuvre en Poitou, qui, avec plusieurs autres habitants de Saint-Léger, avait donné la chasse à des valets de gens d’armes, logés à Dissay, qui pillaient et rançonnaient le pays, et en avait tué un.

  • B AN JJ. 167, n° 335, p. 481
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 265-267
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Guillon, marchant, né de la parroisse de Vendevre ou diocese de Poictiers, chargié de femme et de trois petiz enfans, contenant que, environ la feste de Toussainz derreniere passée, pluseurs gens d’armes jusques au nombre de cent chevaulx ou environ arriverent à Dissay, où ilz se logerent, et assez tost après deux de leurs varlez alerent en un bourg appellé Saint Legier et illecques pilloient et raençonnoient les habitans du dit villaige à argent et à autres choses. Et pour ce qu’il estoit venu à la congnoissance du dit suppliant que [p. 266] on avoit crié de par nous, en pluseurs villes de nostre royaume, que qui trouveroit gens d’armes pillant ou raençonnant le peuple de nostre dit royaume, on leur courust sus1, preist et destroussast, icelui suppliant, Mathelin de Luché, Guiot Grigné, Mathé Brassay, Mery Bret et autres estans audit village se trayrent, garnis de lances, d’espées et autres bastons par devers les diz ii. varlez, et leur dist le dit suppliant que ce n’estoit pas bien fait de ainsi piller et raençonner le peuple ; auquel suppliant un d’iceulx varlez respondi qu’il ne demetroit jà pour lui. Après la quele response ainsi faicte, un gentilhomme du pays qui estoit present saicha son espée et du plat en fery le dit varlet, lequel varlet saicha aussi son espée et en cuida ferir le dit gentilhomme. Et lors le dit suppliant, pour empeschier que le dit varlet ne ferist icelui gentilhomme, fery de la pointe d’une petite lance qu’il avoit ledit varlet parmi l’espaule, tant que le dit varlet chey à terre ; et atant se departi d’illec le dit suppliant et s’en ala parler à l’autre varlet des dictes gens d’armes, pour le garder qu’il ne pillast et raençonnast les gens du dit villaige. Après lequel departement, le dit varlet, que icelui suppliant avoit feru de la dicte lance, fu par autres gens desquelz ne scet les noms derechief feru et batu, et tant que pour occasion et cause des bateures et navreures à lui faictes, tant par le dit suppliant que autres, il ala de vie à trespassement, trois jours après. Pour le quel cas icelui suppliant doubte que on vueille proceder sur ce contre lui par riguoreuse justice, pour la quele chose il lui conviendroit laisser le pays et qu’il en feust exillé à [p. 267] tousjours, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, requerant humblement que, comme en touz autres cas il ait esté et soit homme de bonne vie et renommée, sans avoir esté convaincu ne actaint d’aucun autre villain cas ou blasme, nous sur ce lui vueillions impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., à icelui suppliant ou dit cas avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poictou et du Maine, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. et quatorze, et de nostre regne le xxxiiiie. — Seellées de nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Par le conseil. R. Camus.


1 Il s’agit vraisemblablement de l’ordonnance du 25 mai 1413 qui, entre autres dispositions, portait défense aux gens d’armes de rien prendre sans payer, et permission à ceux qu’ils léseraient de leur résister par voie de fait. Ordre aussi était donné aux juges de réprimer les désordres des gens de guerre et à tous les sujets de les aider, avec promesse que, en cas de mort de quelqu’un des pillards, aucune poursuite ne serait exercée à cette occasion. (Recueil des Ordonnances des rois de France, t. X, p. 137.)