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DCCCCLXI

Rémission accordée à Michel Garnaut, de Saint-Paul de Beaussais, qui dans une querelle avec son cousin germain, Jean Moret, de Saint-Pierre de Vitré, et en se défendant, avait frappé celui-ci d’un coup de couteau mortel.

  • B AN JJ. 167, n° 78, p. 114
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 236-238
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Michiel Garnaut, parroissien de Saint Pol de Bauçay en Poictou, aagié de xxv. ans ou environ, povre et simple homme, charpentier, chargié de femme et de sept petiz enfans, contenant comme, le dymenche après la feste de la Magdelaine derreniere passée, à heure de prime ou environ et à jeun, paroles contempcieuses se feussent meues entre le dit Michiel, d’une part, et Jehanne Morette, femme de Jehan Moret, parroissiens de Saint Pierre de Victré ou dit pays de Poictou, d’autre part, pour raison d’un pourceau appartenant au dit Michiel, que la dicte Jehanne avoit affolé et rompu tout à travers d’un gros baston, [p. 237] le vendredi precedent ; à laquelle femme icelui Michiel dist que c’estoit mal fait à elle d’avoir ainsi rompu et affolé son dit pourceau, la quele respondi moult arrogamment qu’il mentoit, et feroit mettre ses autres pourceaulx et bestes en tel estat qu’il en seroit esbay et courroucyé. Et lors ce dit jour de dymenche, ycelui Michiel non ayant en soy constance de escouter et souffrir les dictes paroles injurieuses qu’elle lui disoit, comme courroucié et meu de chaut sang, lui eust donné un cop sur les espaules d’une petite fourche de boys à fener foing qu’il tenoit en sa main, sans ce que du dit cop elle feust blecée. Mais ce non obstant elle se escria si haultement que le dit Jehan Moret, son dit mary, vint au cry, garny d’une grosse pierre ou poing, moult esmeu et de felon couraige, tantost de fait et sans aucune inquisicion du dit debat, ne demander qui avoit droit ne tort, frappa icellui suppliant d’icelle grosse pierre par la poictrine si grand cop que il chey à terre, et après se redreça à grant peine. Et lui relevé, pour soy defendre, prist sa dicte fourche ; et incontinent que le dit Moret vit que le dit Michiel avoit repris sa dicte fourche, ycelui Moret se approucha du dit Michiel ; lequel Michiel lui dist que il le laissast en paix, et pour ce qu’il n’en vouloit riens faire, ainsi qu’il se approuchoit d’icelui Michiel, il lui donna d’icelle fourche un cop seulement sur la teste ; mais ce non obstant, le dit Jehan Moret prist la dicte fourche à ses deux mains et en se coulant au long d’icelle, prist le dit suppliant par le corps et par force l’abaty à terre, et le mist soubz lui et en sa subjection, en lui mettant le genouil sur la gorge, et du pié lui fouloit le ventre, et le frappoit tant qu’il povoit. Et non content de ce, saicha un coustel qu’il avoit, disant ces paroles à ycelui Michiel : « Tu es mort, et saiche que tu ne mangeras jamais de pain », en soy efforçant, comme il sembloit, de lui copper la gorge. Et lors le dit Michiel veant aussi qu’il ne povoit eschapper d’ilec sans peril de mort, ainsi que le dit Moret mettoit le dit [p. 238] coustel à la gorge du dit suppliant, mist ses deux mains au devant en prenant le dit coustel et fist tant qu’il lui demoura. Et lors le dit Moret cuida ravoir et lui oster le dit coustel ; mais le dit Michiel estant tousjours soubz le dit Moret, en soy defendant et reppellant force par force, le frappa un cop seulement du dit coustel par l’espaule, du quel cop incontinent le dit Jehan Moret ala de vie à trespassement. Pour le quel cas le dit Michiel, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays, ouquel ne en nostre royaume il n’oseroit jamais demourer, converser ne reperer, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce impartie, si comme il dit, en nous requerant humblement que, ces choses considerées et que en touz autres cas le dit Michiel a esté et est homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté repris, actaint ne convaincu d’aucun autre villain blasme ou reprouche, et que par avant le dit fait ainsi avenu, les diz Moret et Michiel, qui estoient cousins germains, n’avoient quelque hayne precedent l’un envers l’autre, mais advint le dit cas par fortune et par le motif et commancement de la dicte femme, et que en ce le dit feu Moret fu invaseur à l’encontre du dit Michiel, qui ne fist ce que dit est fors en soy defendant, et en repellant force par force, comme dessus est dit, nous lui vueillions sur ce impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, voulans grace et misericorde preferer à rigueur de justice, au dit Michiel Garnaut avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, en commettant, se mestiers est, au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, du Maine et de Poictou, seneschal de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. et treize après Pasques, et de nostre regne le xxxiiie.

Par le roy, à la relacion du conseil. S. Coingnet.