DCCCXCI
Lettres relevant Jean de La Jaille, chevalier, âgé de quatre-vingts ans, des peines criminelles prononcées contre lui par le Parlement, parce qu’il avait été convaincu d’avoir vendu à Guillaume Sanglier, écuyer, la terre de Beuxe en Loudunais, en lui cachant sciemment qu’elle était grevée d’une rente annuelle de cent livres tournois.
- B AN JJ. 158, n° 202, fol. 102 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 4-11
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Jehan de La Jaille1, chevalier, de l’aage de iiiixx ans ou environ, contenant que, comme il nous ait bien et loyaument servi en noz guerres, et noz predecesseurs aussi, et par pluseurs fois esté prisonnier et mis à grans et excessives rançons par noz ennemis, et tellement qui lui a convenu faire moult de dures finances, engaigier et vendre [p. 5] ses terres, et il soit ainsi que, sept ans a ou environ, ledit Jehan de La Jaille et Guichart de La Jaille2, chevalier, son filz eussent vendu le lieu, terre et appartenances de Beuxe à Guillaume Senglier le jeune3, escuier, parmi [p. 6] certaines sommes de deniers qu’ilz en receurent, franche et quicte de toutes charges, mais il est advenu depuis [p. 7] la dicte vendicion que Tristan de La Jaille4, chevalier, a poursui le dit Senglier par devant noz amez et feaulx [p. 8] conseillers les gens tenans les requestes en nostre palais à Paris, pour la somme de cent livres tournois de rente qu’il disoit et dit avoir droit de prendre, chacun an, sur la dicte terre et appartenances de Beuxe, par vendicion par ledit Jehan de La Jaille faicte, lx. ans a ou environ, à feu Jehanne Gormonde, son aieulle, et de laquelle il se dit estre heritier, et pour lors femme du dit Jehan de La Jaille, et le dit Senglier demanda en garand et fist adjourner les diz Jehan de La Jaille et Guichart de La Jaille, chevalier, son filz, pour prendre en eulx la garantie et defense de la dicte cause ; de laquelle cause le dit Jehan de La Jaille print en soy la garentie et defense pour le dit Sanglier, et le dit Guichart son filz respondi qu’il se garderoit de mesprendre ; et a tant procedé le dit Tristan de La Jaille que, enqueste faicte et parfaicte sur ce, le dit Jehan de La Jaille a esté condempné envers le dit Tristan à lui paier cent livres de rente, tant comme le dit Sanglier sera detenteur de la dicte terre de Beuxe et ses appartenances, et ès despens ; dont le procureur du dit Jehan de La Jaille appella. Et depuis a esté la dicte sentence confermée par arrest de nostre court de Parlement. Et ce fait, le dit Senglier a poursuy et tant procedé contre le dit Jehan de La Jaille qu’il a esté condempné, par sentence des dictes requestes, envers le dit Senglier à le desdommagier des choses dessus dictes, et en ce faisant à lui rendre et paier [p. 9] la somme de trois mile cinq cens frans d’or, la piece valant xx. solz tournois, qu’il avoit baillié et paié au dit Jehan de La Jaille pour la dicte vendicion et transport de la terre et appartenances de Beuxe, en delaiant la dicte terre au prouffit de celui ou ceulx qui la lui vendirent, et à rendre et paier au dit Senglier la somme de iiiic livres tournois pour les ventes, quint denier et rachat qu’il avoit paiez aux seigneurs dont la dicte terre est tenue, et en ses despens, la tauxacion reservée par devers noz dictes gens des requestes5. Et avec ce, de present, nostre procureur ès dictes requestes et le dit Senglier ont fais grans conclusions [p. 10] crimineles et civiles contre le dit Jehan de La Jaille, c’est assavoir qu’il fust et soit pugny en corps et en biens comme faulx vendeur et condempné à faire amende honorable à nostre dit procureur et au dit Senglier ès dictes requestes, et ès villes de Chinon, de Loudun et de Saumur, devant l’esglise parrochial, à jour de dimenche et à heure que les gens istront hors de la grant messe, et en amende prouffitable envers ledit Senglier, en la somme de mile livres tournois, et envers nostre dit procureur pour nous en la somme de deux mille livres parisis, et à tenir prison fermée jusques à la plaine satisfacion des choses dessus dictes, et à estre tourné au pilory par trois jours de marchié en chascune des dictes trois villes de Loudun, de Saumur et de Chinon, et ès despens, dommaiges et interestz du dit Senglier. Par quoy il seroit honteusement destruit et desert, et à grant infame, à la fin de ses jours, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme dient ses dis parens et amis, en nous humblement requerant que, pour Dieu et pour pitié, attendu les bons et agreables services que le dit Jehan de La Jaille nous a fais en noz guerres, pour occasion des quelles et des prisons et rençons qui lui a convenu paier à noz ennemis, il est du tout desert, et ne lui est demouré roye de heritaige, et est viel et ancien, sourt, ydiot et impotent de ses membres, et qu’il a lx. ans ou environ qu’il fist la dicte premiere vendicion des dictes cent livres de rente à la dicte feue Jehanne Gormonde, et n’avoit lors que xx. ans d’aage ou environ, et ne lui en souvenoit quant il fist la dicte vendicion au dit Guillaume Senglier, mesmement qu’il avoit tenu et possidé la dicte terre de Beuxe l’espace de lx. ans ou environ, sans ce que on lui demandast riens des dictes cent livres de rente de par la dicte Gormonde ne autre, et que en tous ses autres fais a tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté reprins, actains ne convaincus [p. 11] d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et que ce seroit chose piteable que lui qui nous a si longuement et loyaument servi en noz dictes guerres, receust paine de corps ne infamie en la fin de ses jours, nous lui vueillons sur ce impartir iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Jehan de La Jaille le cas dessus dit, ensemble toute peine, etc., avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans les requestes en nostre Palais à Paris, au Prevost de Paris, au bailli de Tourainne, des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, le iie jour du mois de janvier l’an de grace mil cccc. et trois, et le xxiiiie de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Charron.