[p. 210]

DCCCCLIV

Rémission octroyée à Bouchart Goulart, écuyer poitevin. Emmené tout jeune hors de son pays par sa mère et le second mari de celle-ci, un écuyer gascon, lors de la soumission du Poitou, il avait toujours servi le roi d’Angleterre. Fait prisonnier à Talmont-sur-Gironde, il avait fait sa soumission et pris l’engagement d’être désormais bon et loyal sujet du roi de France, sous la garantie et caution de son frère et de son neveu.

  • B AN JJ. 166, n° 108, fol. 68 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 210-213
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Bochart Goulart, escuier, nattif du païz de Poitou, contenant que, aprez le trespaz de [p. 211] Jehan Goulart, escuier, seigneur de la Martiniere en Poitou1, pere du dit Bouchart Goulart, ou quel temps le roy d’Engleterre occuppoit la duchié de Guienne, icellui Bochart demoura moult jeune d’aage en la garde de Ragond Gesere, sa mere, la quelle, aprez ce, se maria avec Pestruche d’Espelette, né du pays de Gascoigne, lors demourant ou dit pays de Poitou, avec lesquelz Pestruche et Ragond Gesere le dit Bochart demoura jusques à ce que le dit pays de Poitou fu mis du tout en nostre obeissance, et que ou dit pays le dit Bochart Goulart qui n’avoit aucune congnoissance, se parti du dit pays de Poitou en la compaignie du dit Pestruche et s’en ala demourer ou chastel de Mortaigne sur Gironde, en l’obeissance de nostre dit adversaire, et y a tousjours depuis demouré jusques à ce qu’il a esté miz en nostre obeissance2, et depuis a demouré ou pays de Gascoigne, avec le seigneur de Castillon3, et avec lui a esté pour cuidier prendre nostre ville et chastel de Talemont sur Gironde4, où il a esté pris par noz loyaulx subgiez des diz ville et chastel et admené prisonnier ou chastel de Saint Jehan d’Angeli, où il a esté detenu moult longuement prisonnier, [p. 212] et encore est à grant povreté et misere, et y est en adventure de finer miserablement ses jours, en très grant vitupere et deshonneur de ses diz parens et amis charnelz, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant, comme en touz ses autres faiz il ait tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, et ait tenu le parti de nostre dit adversaire par jeunesse et simplece, et par ignorance de savoir dont il estoit, et lui adverti du lieu et pays dont il estoit, où il a un sien frere et pluseurs autres gentilz hommes ses parens, ait de present bonne voulenté de tenir nostre parti et estre vray et loyal subgiet envers nous, et renoncier au parti de nostre dit adversaire, et sur ce donner bon et loyal serement, et pourveu toutes voyes que Huguet Goulart, son frere germain, et Jehan Goulart, son nepveu, seigneur de la Martiniere5, seront pleges et caucion du dit Bochart que à tousjours maiz il sera bon et leal envers nous et nostre couronne, et pour contemplacion de ses diz parens et amiz qui tousjours ont esté bons et loyaulx subgiez envers nous, que sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans preferer en ceste partie misericorde à rigueur de justice, au [p. 213] dit Bochart Goulart ou caz dessuz dit avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux gouverneur de la Rochelle et nostre seneschal ou juge en Xainctonge, et à tous noz autres juges et officiers, etc., que, receu du dit Bochart Goulart le serement d’estre doresenavant bon et loyal françoiz, ilz le facent, seuffrent et laissent joir, etc., etc. Donné à Paris, ou moys de janvier l’an de grace mil iiiic et unze, et de nostre regne le xxxiie.

Par le roy, pluseurs des chambellans presens. Brisoul.


1 Ces lettres permettent de redresser et de compléter d’une façon intéressante une partie de la généalogie de la famille Goulart. D’après le Dictionnaire des familles du Poitou (anc. édit., t. II, p. 842), Jean Goulart, fils puîné de Guillaume, seigneur de la Geffardière, et de Béatrix de Sainte-Maure, eut en partage la terre de la Martinière et vivait en 1363. Ce serait donc le père de notre Bouchart. Mais le même recueil lui attribue comme seule épouse Jeanne Mauclerc, dame de la Brossardière, et pour enfants deux fils, Jean et Jacques. De Radegonde Gesère, qui fut cependant sa femme, comme on le voit ici, et de ses fils Bouchart et Huguet, nommé ci-dessous, il n’est point question. D’autre part, le fils aîné, qui fut aussi seigneur de la Martinière, est donné comme vivant en 1508, 1516 et 1519, alors que son père mourut après 1363, mais avant 1372 ! Il y a au moins trois degrés de sautés.

2 Voir ce qui a été dit ci-dessus de la reprise du château et de la ville de Mortagne-sur-Mer, en juin 1405 (p. 78, note 2).

3 Florimond de Lesparre, seigneur de Castillon. (Cf. notre t. IV, p. 389.)

4 Les chroniqueurs sont muets sur cette attaque infructueuse de Talmont-sur-Gironde par un parti anglo-gascon, attaque qui aurait eu lieu vers 1410-1411. Renaud VI, sire de Pons, était alors capitaine de cette place.

5 Ce Jean Goulart, seigneur de la Martinière, était par conséquent le petit-fils par ordre de primogéniture de Jean nommé au début de ces lettres, père de Bouchart et de Huguet, auquel il faut nécessairement supposer un autre fils, l’aîné, prénommé sans doute aussi Jean, qui hérita de la Martinière et la transmit à son fils, c’est-à-dire à celui qui figure ici en qualité de pleige de son oncle. C’est ce dernier, sans doute, que l’on trouve en 1425 capitaine du Coudray près Seuilly-l’Abbaye, autrement dit du Coudray-Montpensier. Il était ajourné alors à comparaître en personne au Parlement siégeant à Poitiers, pour répondre de certains excès dont il s’était rendu coupable au préjudice de Fouquet de Creully, écuyer ; il avait enlevé de l’hôtel de celui-ci divers objets de valeur, entre autres un cheval de poil noir, ayant au front une tache blanche, estimé 16 livres tournois. Ce qui avait été fait dans cette circonstance l’avait été sur l’ordre ou du moins de l’aveu de Guillaume d’Avaugour, bailli de Touraine. (Actes des 10 janvier, 8 mars, 27 avril, 21 et 22 juillet 1425, X2a 21, fol. 26 v°, 29, 31 v°, 35 v°.)