[p. 293]

DCCCCLXXX

Lettres déclarant que le roi abandonne au profit de Brunissent de Périgord, dame de Parthenay, et de son mari Jean II Larchevêque, à cause d’elle, tout le droit qu’il pourrait prétendre sur Royan, Mornac et autres villes et seigneuries provenant de la succession de Louise de Matha, comtesse de Périgord, mère de ladite dame de Parthenay.

  • B AN JJ. 169, n° 157, fol. 113 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 293-298
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre très chiere et amée cousine Brunissant de Pierregort, dame de [p. 294] Partenay1, fille de feu Archambaut conte de Pierregort et de [p. 295] Loyse de Mataz, sa femme2, contenant comme, depuis trois ans en ça ou environ, la dicte Loyse de Mataz soit alée de vie à trespassement, dame vestue et saisie des villes, chasteaulx et forteresses, terres et seignories de Royan, Mornac et autres belles terres et seignories à elle appartenant de son propre domaine et heritaige, delaissée nostre dicte cousine, sa fille ainsnée ; de la quele succession soit meu en nostre court de Parlement certain plait et procès en cas de saisine et de nouvelleté, entre nostre très chier et feal cousin le sire de Partenay3 et nostre dicte cousine, sa [p. 296] femme, à cause d’elle, demandeurs et complaignans, d’une part, et nostre amé et feal Regnault sire de Pons4, qui de fait tient et occupe la dicte succession, ou la plus grant partie d’icelle, defendeur et opposant, d’autre part. Et combien que aux tiltres et moiens dessus diz iceulx biens, terres et seignories, demourez du dit decès, competent et appartiennent de toute bonne equité à noz diz cousin et cousine, à cause d’elle, neantmoins nostre dicte cousine se doubte que, soubz umbre de la dicte confiscacion que nous avons pretendue à avoir et à nous appartenir des biens de Archambaut, derrenier conte de la dicte conté de Pierregort, frere de nostre dicte cousine, lequel est, si [p. 297] comme on dit, alé de vie à trespassement, ou autrement, nostre procureur general ou autres disans avoir don ou autre tiltre de nous, ne vueillent pretendre, en lieu du dit Archambaut, frere de nostre dicte cousine, avoir et demander aucun droit en la dicte succession, et en ce empescher nostre dicte cousine, qui seroit en son très grant prejudice, dommaige et desheritement de la dicte succession qui lui doit appartenir de droit naturel, se par nous ne lui estoit sur ce pourveu de nostre gracieux et convenable remede, si comme elle dit, requerant humblement icelui. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplicacion, pour consideracion des choses dessus dictes et que nostre dicte cousine, laquelle a tousjours obey à nous et à tous noz mandemens, comme nostre vraye et loyale subgecte, ne tient aucuns des biens de son dit feu pere et n’a de present aucunes terres dont elle puisse soustenir son estat, si non par le moien de nostre dit cousin, son mary, qui est [p. 298] chose piteable, attendu la noble lignée dont elle est descendue, et pour certaines causes et consideracions qui à ce nous ont meu et meuvent, à icelle nostre cousine, de nostre grace especial, avons donné et delaissié, donnons et delaissons par ces presentes à tousjours tout tel droit, action et poursuite que à cause et occasion de la dicte confiscation du dit Archambaut, son frere, ou autrement, nous peut ou doit, pourroit ou devroit competer et appartenir ès diz biens, terres et seignories, villes, chasteaulx et forteresses demourez du dit decès de la dicte Loyse de Mataz, sa mere, pour en joir par elle et ses ayans cause à tousjours mais perpetuelement, comme de leur propre chose ; et sur ce imposons silence perpetuel à nostre dit procureur, à noz receveurs et à tous noz autres officiers, à qui il appartendra, presens et avenir. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans nostre dit Parlement, les gens de noz comptes et tresoriers à Paris, etc. Donné à Paris, le xiiie jour de may l’an de grace mil cccc. et seize, et de nostre regne le xxxvie.

Par le roy en son conseil, le roy de Secile, le connestable5, le chancellier de la royne6, Jehan Picquet7 et autres presens, etc. J. de Villebresme.


1 La femme de Jean II Larchevêque, sire de Parthenay, était depuis plusieurs années séparée de son mari à cause des mauvais traitements qu’il lui faisait subir, et elle le poursuivait au Parlement pour en obtenir une pension alimentaire qu’elle fixait à trois ou quatre mille livres par an. Après une information sommaire super nonnullis duriciis et rigoribus dont se plaignait Brunissent de Périgord, la cour fit ajourner le sire de Parthenay, et comme, par suite de la guerre engagée entre lui et le roi, proh dolor ! l’huissier n’avait pu arriver jusqu’à la ville de Parthenay, la signification n’en avait pas été faite à sa propre personne, mais à Laurent Garin, son procureur à Poitiers. Les plaidoiries, qui eurent lieu le 15 juillet 1417, sont remplies de détails curieux. Brunissent, fille aînée du feu comte de Périgord, avait été demandée en mariage par plusieurs grands seigneurs. Ce fut par l’entremise du duc de Berry qu’elle épousa Jean Larchevêque, vers l’an 1385. « Ledit mariage parfait, le sire de Parthenay promena la dicte dame en plusieurs places et lieux et tenoit lad. dame enfermée, où il la traictoit assez estrangement, en la faisant agenoiller et baisier la terre où il marchoit ; et après la mort du pere du dit seigneur de Partenay (1401), fu emmenée ou chastel de Partenay, où elle fu traictée plus durement que paravant. » Une fois, après avoir subi les plus mauvais traitements, elle se réfugia auprès de la reine de Sicile. Le duc de Berry, dont elle implora aussi la protection, intervint en sa faveur. Alors Jean Larchevêque enferma sa femme au château de Vouvant « et fist un edict que nul n’entrast oudit chastel, pour faire guet ou autrement, s’il n’avoit quarante ans ; et envoyoit gens devers elle pour espier et enquerir de son estat ; et pour mauvaise souspeçon qu’il avoit sans cause contre elle, lui a appuyé l’espée sur elle, en lui disant qu’il la tueroit ». L’an 1415, quand la confiscation fut prononcée contre le sire de Parthenay et que le comte de Richemont vint en Poitou, chargé de se saisir des terres dudit seigneur, Brunissent, « en obeissant au roy », rendit à celui-ci la ville et le château de Vouvant. Depuis, elle n’osa retourner près de son mari qui menaçait de la tuer. L’avocat de Jean Larchevêque se borna à nier les mauvais traitements et ne proféra point d’accusation particulière contre l’épouse de son client. Lorsqu’elle vivait avec son mari, déclarait-il, elle avait un « grant estat », quinze à vingt dames ou demoiselles d’honneur, des chevaliers, des écuyers, au moins quatre-vingts personnes en tout. Le sire de Parthenay ne lui devait point payer de pension, puisqu’il ne refusait point de la recevoir. Au contraire il demandait qu’elle reprît la vie commune. Mais celle-ci avait des motifs sérieux pour ne point considérer cette offre comme bien séduisante. M. Cosneau a publié des fragments importants de ces plaidoiries. (Le connétable de Richemont, p. 485-486.) Le mariage du sire de Parthenay ne lui avait pas procuré tous les avantages qu’il en espérait, le comte de Périgord ayant été banni et ses biens confisqués. De là sans doute la haine qu’il avait conçue contre sa femme, dont il n’avait point d’enfants. De plus, il était d’humeur mélancolique et atrabilaire, d’un naturel à la fois faible et violent. Sa faiblesse de caractère le rendait accessible tour à tour à toutes les influences et dégénérait parfois en imbécillité.

Par arrêt du 7 août 1417, le Parlement appointa les parties en faits contraires et prescrivit une enquête approfondie. Il ordonna au surplus qu’en attendant l’issue du procès, Brunissent de Périgord jouirait par provision d’une pension de 1000 livres par an sur les biens de Jean Larchevêque. (X1a 62, fol. 128.) Les plaidoiries qui viennent d’être analysées se trouvent sur le registre X1a 4791, fol. 273 v°-274, 277-279.) Cette rente fut d’abord assignée sur les revenus de la seigneurie de Vouvant qui était en la main du roi, comme on l’a dit. Puis, quand le sire de Parthenay eut fait sa soumission au dauphin Charles et lui eut vendu ses terres, villes et seigneuries, sauf l’usufruit, pour la somme de 141,000 écus, un accord intervint entre lui et sa femme, le 4 août 1420, par lequel il s’engageait à lui payer lui-même la pension de 1000 livres chaque année, aux termes de Pâques et de la Toussaint. Pendant un an, Jean Larchevêque s’exécuta sans difficulté. Mais à partir de la Toussaint 1421, Brunissent ne put plus rien obtenir et dut assigner de nouveau son mari au Parlement. Un arrêt du 30 juillet 1423 le condamna à payer les termes en retard, en monnaie courante, et à tenir scrupuleusement ses engagements à l’avenir. (X1a 9190, fol. 244.)

2 Archambaud IV, le père de Brunissent, était fils aîné de Roger-Bernard, comte de Périgord, et d’Eléonore de Vendôme. Ayant fait alliance avec les Anglais, il fut condamné à perdre la tête, avec confiscation de tous ses biens, par arrêt du Parlement du 19 juillet 1399. Charles VI lui fit grâce de la vie et donna ses biens à Louis duc d’Orléans. Le comte de Périgord se réfugia alors en Angleterre ; son fils Archambaud V le suivit dans sa rébellion. (Voy. Art de vérifier les dates, t. II, p. 385, et le P. Anselme, Hist. généal., t. III, p. 74.)

3 Jean II Larchevêque, sire de Parthenay, fils de Guillaume VII et de Jeanne de Mathefelon, avait succédé à son père, décédé le 17 mai 1401, et vécut, jusqu’au commencement de l’an 1427. M.B. Ledain a laissé peu de chose à dire de ce personnage, dont il a tracé une biographie consciencieuse et puisée aux meilleures sources. (Histoire de Parthenay, in-8°, et la Gâtine historique, in-4°.) On vient de voir quelle fut sa conduite à l’égard de sa femme. Il nous suffira ici de mentionner quelques autres procès qu’il soutint au Parlement. On sait qu’après la première vente de ses domaines qu’il fit au duc de Berry moyennant 200,000 écus d’or et sous la réserve de l’usufruit, le 13 novembre 1405, ses deux sœurs Marie et Jeanne de Parthenay, se considérant comme lésées par cet engagement, en contestèrent la validité. Marie, veuve de Louis de Chalon, comte de Tonnerre, fit valoir les droits qu’elle tenait du testament de leur père, et réclama à son frère le tiers de Parthenay, Secondigny, le Fontenioux, le Coudray-Salbart, le quart de Vouvant, Mervent et Mouilleron, et partie des autres biens de Poitou, d’Aunis, d’Anjou et de Touraine, provenant des successions de Guillaume Larchevêque et de Jeanne de Mathefelon. Un arrêt du 7 avril 1406 n.s. lui accorda par provision les château, terre, ville et châtellenie de Durtal avec 1000 livres de rente annuelle, sans préjudice du jugement définitif. (X1a 53, fol. 201 v°.) L’année précédente, Jean Larchevêque, joint aux habitants de la ville et des faubourgs de Parthenay, avait assigné devant la cour Nicolas de Firon et Michel Grossin, curés de Saint-Jean et de Saint-Laurent de Parthenay, à l’occasion des droits qu’ils prélevaient et des taxes qu’ils prétendaient faire payer à leurs paroissiens pour les mariages et les enterrements. Par une sentence interlocutoire du 3 août 1405, le Parlement ordonna que les deux recteurs continueraient, pendant la durée du procès et sans préjudice du droit des demandeurs, à jouir des taxes litigieuses, comme le faisaient les autres curés de la ville de Parthenay. (X1a 52, fol. 89 v°.) L’an 1413, Jean Larchevêque était aussi en instance contre les habitants de Champdeniers, de Mouilleron et de plusieurs autres villages voisins qui, disait-il, devaient être obligés de faire le guet au château de Vouvant. Des plaidoiries eurent lieu le 23 janvier (X1a 4789, fol. 385), et, le 12 avril suivant, la cour rendit un jugement provisoire condamnant les habitants desdites localités à faire le guet comme auparavant, en attendant qu’ils aient établi la preuve de l’exemption par eux prétendue. (X1a 1479, fol. 238.)

4 La première femme de Renaud VI de Pons, Marguerite de Périgord, était fille, non pas de Guillaume de Durfort, beau-frère du comte de Périgord, comme certains auteurs le prétendent après P. Dupuy, mais de Roger-Bernard lui-même, et par conséquent sœur d’Archambaud IV. Le mariage avait eu lieu à la fin de 1364, ou plutôt au commencement de 1365. (M.J. Chavanon, Renaud, sire de Pons, thèse soutenue à l’École des chartes, le 29 janvier 1894, Positions, p. 2.) Les lettres de Charles VI abandonnant à Brunissent de Périgord, dame de Parthenay, les terres de Royan, Mornac et autres domaines de la succession de Louise de Matha, ne mirent pas fin, comme on pourrait le croire, au procès qui était engagé contre le sire de Pons par ladite dame et sa sœur Eléonore de Périgord, veuve de Jean de Clermont, vicomte d’Aunay. Les procédures continuèrent au Parlement et, près d’un an plus tard, le 7 avril 1417, un jugement non définitif fut prononcé. Brunissent et Eléonore réclamaient la succession de leur tante, Marguerite de Périgord, purement et simplement, et celle de leur mère, Louise de Matha, sous bénéfice d’inventaire. Elles accusaient Renaud de Pons d’avoir pris et gardé indûment les biens meubles et immeubles conquêts de sa défunte femme, ainsi que les châteaux, villes et châtellenies de Royan et Mornac et autres domaines provenant de Louise de Matha. En ce qui concernait : 1° l’héritage de Marguerite de Périgord, la cour déclara que récréance n’en serait faite à aucune des parties, mais qu’il serait mis en la main du roi réellement et de fait, inventaire préalablement fait, et administré par personnes idoines qui y seraient commises et devraient en rendre compte ; 2° pour ce qui touchait la succession de feu Louise de Matha, elle décida, quant à la plainte de Brunissent et du sire de Parthenay, qu’ils ne pourraient être expédiés sans faire la preuve des faits allégués ; et quant à la demande d’Eléonore de Périgord, que de même les parties exposeraient leurs raisons et qu’une enquête approfondie serait faite. En attendant qu’il en eût été ordonné autrement, les villes, châteaux et seigneuries de Royan et Mornac devaient demeurer en la garde du sire de Pons. (Arch. nat., X1a 62, fol. 98 v°.) Les lettres du 13 mai 1416 par conséquent ne furent point mises à exécution.

5 Bernard VII, comte d’Armagnac.

6 Le chancelier de la reine Isabeau de Bavière était alors Robert Le Maçon, seigneur de Trèves en Anjou (Trèves-Cunault), qui devint ensuite (1418) chancelier du dauphin Charles, régent du royaume. Il épousa en secondes noces Jeanne de Mortemer, fille de Jean, seigneur de Couhé. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VI, p. 395.)

7 Par lettres du 24 septembre 1414, Jean Picquet avait été nommé commissaire général sur le fait et réforme des monnaies, avec Robert Le Maçon, Jean Jouvenel, Pierre de Lesclat, Nicole d’Orgemont, etc. (Ordonnances des rois de France, t. X, p. 221.)