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DCCCCLXXIX

Rémission accordée à André Poitou, de Saint-Martin-d’Entraigues, prisonnier au château de Chefboutonne, pour le meurtre de Guillaume Braymaut, qu’il avait frappé de coups de bâton en se défendant.

  • B AN JJ. 169, n° 69, fol. 50 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 291-293
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de André Poictou, demeurant en la parroisse de Saint Martin d’Entreaigues, povre jeune homme de l’aage de xxv. ans ou environ, laboureur de terre, chargé de jeune femme et d’enfant, contenant comme, le lundi avant la feste saint Thomas l’apostre derrenierement passée, le dit André et Guillaume Braymaut du dit lieu de Saint Martin, eussent traictié ensemble en la chapellenie du dit lieu de Saint Martin, en la presence de pluseurs personnes, sur certain debat et procès qui estoit entre eulx, pour cause de ce que le dit Braymaut disoit que le dit André avoit charroié par une sienne terre et avoit copé ou prins une sepe d’aubier qui estoit du dit Braymaut, si comme il disoit, et eust esté appoinctié par aucuns qui ilec estoient presens, que le dit André paieroit pour tout au dit Braymaut vint deniers, et que icelluy Braymaut paieroit le sergent qui avoit adjourné le dit André Poictou, dont icelluy Poictou fu d’accord, mais le dit Braymaut ne volt consentir à paier le dit sergent, et dist qu’il ne le paieroit point. Et après ce que le dit André et le dit Brayemaut et autres en la compaignie eurent longuement beu et qu’il fut assez tart, icelluy André se parti de la compaignie pour aler à son hostel, sans avoir haine ou mal talent contre le dit Brayemaut. Neantmoins icelluy Braiemaut, qui demoura derrenier, [avoit] consceu haine contre luy pour ce que il n’avoit voulu paier le dit sergent, et comme meu de courroux, [p. 292] dist que le dit André lui avoit fait de grans dommaiges et qu’il l’en paieroit bien, et après se parti de la dicte chappellenie, environ heure de jour couchant, et ainsi qu’il s’en aloit à son hostel qui estoit assez loing de la dicte chappellenie, vit le dit André qui auloit (sic) devant luy à l’ostel d’icelluy Braymaut querir une fiche pour planter et enterrer des bastons à faire une palice ; auquel André il dist qu’il demourast, et lors le dit André se arresta auprès d’un noier. Et sitost que le dit Braymaut fut à luy, il haussa un gros baston d’orme ou d’ormeau qu’il avoit, pour en cuider frapper le dit André, et l’en eust frappé de fait, mais icelluy André mist les bras et les mains au devant et retint le coup, et fut moult esmeu pour ce. Et pour luy empescher son propos dempnable, icelluy André, doubtant qu’il ne le tuast ou meist à mort, veue sa fureur, ly arracha le dit baston d’entre ses mains, et après par la temptacion de l’ennemi et par mouvement de chaleur et de courroux, pour la quelle chose il estoit mout troublé en son entendement, l’en reffrappa parmi les jambes, dont il cheit à terre, et après ce le frappa trois ou quatre coups du dit baston par les jambes et cuisses ; et après ce, le dit Braymaut a esté au lit malade et le jeudi ensuivant, qui fut le jeudi devant Noel derrenierement passé, est alé de vie à trespassement. Pour le quel cas, le dit André Poictou a esté prins et mis et est detenu ès prisons du chasteau de Chiefboutonne1, ou quel il a tousjours demouré depuis ès fers et [p. 293] ès seps, où il a moult souffert et enduré de peine, et encores souffre, et seroit en aventure de finer miserablement ses jours, dont sa dicte femme et enfans seroient en aventure de devenir mandians, se par nous ne luy estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant, comme en tous ses autres faiz il ait tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté reprins, actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, crime ou blasme, et soit le dit cas advenu par chaleur et pour le fait et agression du dit Braymaut, et consideracion des diz femme et enfans du dit André et de la dicte longue prison dont il est grandement pugny, que sur ce lui vueillions impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, etc., au dit André Poictou ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc., parmi ce qu’il sera en prison fermée par xv. jours au pain et à l’eaue. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et au seneschal de Xanctonge, et à tous nos autres juges, etc. Donné à Paris, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. et quinze, et de nostre regne le xxxvie.

Par le roy, à la relacion du conseil. M. de la Teillaye.


1 La terre et seigneurie de Chefboutonne, qui faisait partie, dès les premières années du xive siècle, de l’héritage des vicomtes d’Aunay, était, au commencement du xve, en possession de François sr de Montbron et baron de Maulévrier, à cause de sa femme Louise de Clermont, fille unique et seule héritière de Jean II de Clermont, vicomte d’Aunay. (Voy. ci-dessus, p. 79, note.) Quelques années plus tard, François de Montbron et son épouse durent engager cette terre à Bricet de Saint-Cyre, pour le payement d’une dette. Celui-ci ayant refusé de la leur restituer, ils le poursuivirent au criminel en la cour de Parlement, comme on le voit par un acte de cette procédure, daté du 7 décembre 1444. (Arch. nat., X2a 23, fol. 243 v°.)