2 Jacques III, seigneur d’Heilly, chevalier de Picardie, maréchal du dauphin duc de Guyenne et l’un des principaux chefs du parti bourguignon, mérita d’être dénoncé par le duc d’Orléans parmi ceux qui s’étaient rendus complices du meurtre de son père, et d’être déclaré indigne de faire partie du conseil du roi. (Journal de Nicolas de Baye, in-8°, t. II, p. 14.) Il eut la garde du seigneur de Montaigu, grand maître de France, lorsque celui-ci fut arrêté prisonnier en 1409, et, l’année suivante, le commandement des troupes de Picardie que Jean-sans-Peur mit sur pied contre les princes ligués en faveur de la maison d’Orléans. Pourvu de l’office de capitaine et gouverneur de la Rochelle, il présenta ses lettres au Parlement et se fit recevoir en cette qualité, le jeudi 14 mai 1411. (Nicolas de Baye, t. II, p. 10.) Amos Barbot dit qu’il fut installé dans cette charge à la Rochelle, le 27 février 1412 n.s. (Archives historiques de la Saintonge, t. XIV, p. 270.) A la fin de cette même année 1411, des lettres patentes donnèrent la charge au sire d’Heilly d’aller soumettre le Poitou. (Voy. la note suivante.) En juin 1412, au siège de Bourges, il exerça la charge de maréchal de France au lieu de Boucicaut. Le roi le fit, l’an 1413, son lieutenant général en Guyenne, où il l’envoya pour s’opposer aux progrès des Anglais ; mais il y eut peu de succès, à cause du mécontentement du sire d’Albret et du comte d’Armagnac. J. d’Heilly demeura prisonnier du capitaine anglais du château de Soubise, dans une rencontre près de cette ville, et fut conduit à Bordeaux. Jean Lefèvre de Saint-Rémy rapporte par erreur cet événement à l’année 1411. (Chroniques, éd. Morand, in-8°, t. I, p. 46.) Après sa délivrance, les Anglais étant descendus à Calais, il fut envoyé en observation sur les frontières de Picardie, avec le connétable et le sire de Rambures ; il y resta jusqu’en 1415 et se trouva à la journée d’Azincourt, où il fut fait prisonnier, puis mis à mort par les Anglais, sous prétexte que deux ans auparavant, contre sa foi et parole, il s’était échappé de leurs mains. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VI, p. 776.)
3 Le fait rapporté en cet endroit mérite quelques explications. Il se rapporte à un épisode important de l’histoire poitevine, dont les chroniqueurs contemporains, préoccupés surtout des événements d’un intérêt plus général, ont presque tous négligé de parler. La faction de Bourgogne, alors toute puissante à la cour, avait résolu de déposséder de ses États le duc de Berry, l’un des principaux chefs du parti contraire. Jacques d’Heilly, investi de pouvoirs spéciaux, fut chargé des opérations en Poitou. Le sire de Parthenay, Jean Larchevêque, dont la défection récente avait porté un coup sensible à l’autorité du duc de Berry dans son comté, prêta au lieutenant de Jean-sans-Peur un concours efficace et mit à son service la grande influence et les nombreux contingents féodaux dont il disposait dans le pays. Parmi les autres chefs, on comptait le seigneur de Sainte-Sévère et Jacques de Montberon, sénéchal de Saintonge. L’expédition paraît avoir réussi au delà de toute espérance. Jean Jouvenel des Ursins, Gilles le Bouvier, autrement dit le héraut Berry, Pierre de Fenin et Jean Lefèvre de Saint-Rémy la passent complètement sous silence. Monstrelet se contente de dire, sous l’année 1412 : « Et d’autre partie, le seigneur d’Heilly et Enguerran de Bournonville mectoient en grant subjection le pays de Poictou, et en ces propres jours destrousserent deux cens combatans des gens du duc de Berry assez près de la ville de Montfaulcon. » (Chronique, édit. Douët-d’Arcq, t. II, p. 256.) L’éditeur identifie à tort cette localité avec une « seigneurie de Poitou, en l’élection de Châtellerault » ; car il s’agit d’une ville de Berry. Seul, le religieux de Saint-Denis donne un récit développé de la campagne du sire d’Heilly en Poitou. (Chronique, édit. Bellaguet. Documents inédits, 6 vol. in-4°, t. IV, 1842, p. 411-415.) Cet historien ordinairement bien renseigné mérite confiance, quoique sa partialité en faveur du duc de Bourgogne rende souvent ses appréciations suspectes. On ne peut malheureusement le contrôler de tout point. Le savant auteur de l’histoire de Parthenay a complété la relation du chroniqueur à l’aide de documents des Archives municipales de Poitiers, et c’est à son travail surtout qu’il faut demander les détails des événements des quatre premiers mois de l’année 1412. (B. Ledain, La Gâtine historique et monumentale. Paris, Claye, 1876, in-4°, p. 192, 193.)
Nous avons, dans ce volume même, mentionné un autre épisode inédit de l’expédition de Jacques d’Heilly, et exposé par quels moyens blâmables il se procurait l’argent dont il avait besoin. (Prise et rançonnement de Guillaume Sanglier, ci-dessus, p. 5 et 6, note.) Un autre texte enregistré au Parlement marque les principales étapes de cette chevauchée. Pierre Aymer, de Taillebourg, ayant fait partie de l’armée du lieutenant du duc de Bourgogne, avait obtenu des lettres d’état, confirmées le 1er décembre 1413. Dans ce document, on donne comme raison de cette faveur, que l’impétrant « avoit esté longuement occupé en nostre service, ou voiage et armée, en la compaignie et soubz le gouvernement de nostre amé et feal conseiller et chambellan, Jacques sire de Hely, mareschal de Guienne, gouverneur de la Rochelle et commis de par nous ès païs, comté et seigneuries de Poitou, Xanctonge, Angoulesme, Limosin et Perregort, à les mettre et reduire en nostre obeissance, pour la rebellion d’aucuns de noz subgiez et ennemis, et avoir esté en la compaignie de nostre dit chambellan à Fontenay le Comte, à Saint Maixent, à Mele, à Poitiers, à Chasteaudun, à Chizet, à Civray, à Charlusset, à Aixe, à Poillac et ailleurs en pluseurs lieux, et durant ledit temps l’avoit nostre dit chambellan envoyé par deux foiz à Paris, par devers nostre très chier filz le duc de Guienne… » (X2a 16, fol. 192.) Ce passage justifie l’assertion de MM. B. Fillon et de Rochebrune, que le sire d’Heilly s’empara par surprise de Fontenay, au mois de janvier 1412, c’est-à-dire dès son arrivée en Poitou et au début de la campagne. (Poitou et Vendée, 1re livraison, p. 32.) En février, on retrouve les sires d’Heilly et de Parthenay ensemble à Saint-Maixent. Une partie de ce mois fut employée aux négociations pour la reddition de Poitiers. Le duc de Berry avait chargé de la garde de sa capitale l’un de ses favoris, Casin de Sérenvillier (vol. précédent, p. 356, note), qui ne tenta même pas de résister ; il capitula, à des conditions d’ailleurs avantageuses pour la ville, dans les premiers jours de mars. Le religieux de Saint-Denis le loue beaucoup de son empressement à faire sa soumission. Ensuite, la garnison de Chizé, sommée de se rendre, s’y étant refusée, le siège fut mis devant la place. Mais lorsqu’elle vit la forte armée bourguignonne faire les préparatifs pour donner l’assaut, elle demanda et obtint un armistice jusqu’au Jeudi saint, c’est-à-dire jusqu’au 31 mars, dans l’espérance d’être secourue d’ici là. Charles d’Albret, connétable destitué par Jean-sans-Peur, qui avait à cause de sa femme d’importantes possessions en Poitou (ci-dessus, p. 39, note), défendait le pays pour le duc de Berry, mais avec des forces très insuffisantes. Le comte de Richemont, sur qui on comptait, allait se porter à son secours, avec un grand nombre de gens d’armes bretons, quand Jacques de Dreux, qui apportait un mois de solde à ses troupes, fut pris par le bailli du Maine, ainsi que son argent. Ce contre-temps arrêta Richemont et la garnison de Chizé fut réduite à capituler. (E. Cosneau, Le connétable de Richemont. Paris, 1886, in-8°, p. 23.) Niort et d’autres places suivirent cet exemple. La soumission du pays était à peu près complète, lorsque Jacques d’Heilly fut appelé au siège de Bourges par le duc de Bourgogne (juin 1412). La paix ou plutôt la trêve d’Auxerre (22 août) restitua le Poitou au duc de Berry. Ses commissaires, Jean de Torsay, sénéchal, le sire de Barbazan et l’évêque de Chartres vinrent en reprendre possession, en son nom, le 6 septembre 1412. (Arch. municip. de Poitiers, K. 4, liasse 35, reg. I.)