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DCCCCXCI

Rémission accordée à Pierre Dubardi, fermier du quatrième du vin vendu en détail à Melle et d’autres fermes du domaine du dit lieu, coupable d’avoir enfreint un assurement juré devant la justice, en frappant Jean Voisin, marchand de vin de Melle, qui refusait de lui laisser visiter son cellier et ses vins, et ameutait les habitants [p. 332] de la ville contre lui, bien qu’il justifiat de sa commission qui lui conférait ce droit.

  • B AN JJ. 170, n° 132, fol. 139 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 331-335
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Pierre Dubardi, du pays de Poictou, comme pour cause et occasion de ce que, en ceste presente année, il a tierçoyé sur aucuns habitans de Melle ou dit pays de Poictou les fermes du iiiie du vin vendu à detail et de l’imposicion du vin vendu en gros en la ville et ès forbours du dit lieu de Melle, lesquelz estoient à vixx x. livres tournois, et il les a mis à la somme de ixxx xv. livres tournois, et aussi qu’il est fermier ès dictes ville et forbours d’aucunes autres fermes du demaine de nostre très chier et très amé filz, le daulphin de Viennois, conte du dit pays de Poictou1, iceulx habitans et autres [p. 333] ayent conceu très grant hayne contre lui, et pour vouloir mettre à effect icelle hayne, lui aient pourchacié et pourchassent chascun jour plusieurs maulx et dommages, tant en vexacions de plais que autrement ; et pour plus le vouloir grever et dommagier, aient les aucuns d’iceulx habitans prins asseurement de lui en la court de la prevosté de la dicte ville, et mesmement l’a prins de lui un appellé Jehan Voisin, l’ainsné2, hostelier publique et qui vent grant quantité de vins ; et aussi a fait Jehan Voisin, son frere, et Guillaume Baconnet3, marchant publique, a aussi vendu et vent grant quantité de vin, dont il n’a riens voulu ne veult paier au dit exposant, soubz umbre de ce qu’il se dit estre clerc non marié. Et il soit ainsi que, le jour de la feste saint Marc derrenierement passée, le dit exposant, durant ès dictes villes et forsbours le ban de nostre dit filz, se feust transporté, pour le fait de sa dicte ferme du dit iiiie, en l’ostel du dit Jehan Voisin, l’ainsné, qui estoit en asseurement de lui, comme dit est, doubtant que icellui Voisin, non obstant le dit ban, vendist vin à mussettes, ou que hostel il trouva le dit frere du dit Voisin avecques deux autres, et leur dist doulcement qu’il estoit venu en icellui hostel pour le fait de sa dicte ferme du dit iiiie, et veoir se l’en [p. 334] y vendoit vin, pour y garder le droit d’icelle ferme. Sur les queles paroles survindrent, ainsi qu’il lui sembla, ledit Jehan Voisin, l’ainsné, seigneur du dit hostel, sa femme, le dit Guillaume Baconnet et un appellé Jehan Billaut ; le quel Jehan Voisin, l’ainsné, tantost chaudement demanda au dit exposant qu’il venoit querir en son dit hostel. Et icellui exposant lui respondi qu’il y venoit pour veoir et visiter ses vins en son celier ; et le dit Voisin lui dist qu’il n’en verroit jà nulz, et de les monstrer au dit exposant fu contredisant et refusant. Et après plusieurs paroles eues entre eulx, le dit exposant, tenant en sa main la commission de sa dicte ferme et aussi un petit coustel à trencher pain, qu’il avoit prins d’aventure sur une table du dit hostel, monstra sa dicte commission au dit Jehan Voisin, l’ainsné, et aux autres qui avecques lui estoient, en leur signifiant qu’il estoit fermier de la dicte ferme dudit iiiie, requerant derechief au dit Voisin qu’il lui monstrast son dit celier et ses dis vins ; lequel Voisin en fu derechief refusant et contredisant. Et en ces debas et contradicions le dit exposant, meu de chaleur et courroux, doubte qu’il brisa et enfraigny le dit asseurement, et bouta ou frappa le dit Voisin sur son corps du dit petit coustel ou du poing, ou d’autre chose, n’est pas recors de quoy ce fu, sans avoir en ce mort ne mutilacion aucune. Lequel Voisin, pour vouloir villener le dit exposant et faire assembler et mouvoir le peuple, yssi de son hostel en la rue, et crya par plusieurs fois, tant qu’il pot, au murtre. Et pour obvier à l’inconvenient qui sur ce se peust estre ensuy, le dit exposant s’en yssi du dit hostel et s’en ala au mieulx qu’il peut. Et après ce le dit Voisin s’est plaint à la justice du dit lieu et a donné à entendre le dit bris et infraction du dit asseurement. Par quoy icelle justice en a fait faire certaine tele quele informacion, plus avec les dis hayneulx du dit exposant que autrement ; et a convenu que icellui exposant, pour doubte d’iceulx hayneulx et d’estre prins, emprisonné et maltraictié [p. 335] du corps, pour occasion du fait et cas dessus dit, se soit absenté du païs, et doubte avoir esté par la dicte justice appellé par plusieurs fois à ban, estre sur ce encouru en plusieurs defaulx, et par default de comparission avoir esté banni du païs ou autrement ; ou quel païs, pour cause de ce, il n’oseroit converser, retourner, ne y exercer le fait de ses dictes fermes, dont il est tenus en grant somme de deniers, et seroit en voye d’estre du tout desert et à povreté, se nostre benigne grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, requerant humblement que, comme en tous autres cas il ait esté le cours de sa vie homme de bonne fame et renommée, etc., nous lui vueillons icelle nostre dicte grace impartir. Pour quoy nous, eue consideracion aux choses dessus dictes, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, au dit exposant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Xantonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de may l’an de grace mil cccc. et dix huit, et de nostre regne le xxxviiie.

Par le roy, à la relacion du conseil. H. Camus.


1 Charles, d’abord connu sous le titre de comte de Ponthieu, le plus jeune fils de Charles VI et d’Isabeau de Bavière, né en l’hôtel Saint-Paul à Paris le 22 février 1403 n.s., devint dauphin par la mort de ses deux aînés, Louis, duc de Guyenne, décédé le 18 décembre 1415, et Jean, duc de Touraine, le 4 ou le 5 avril 1417. Monstrelet prétend (t. III, p. 168) qu’ils furent empoisonnés, et Pierre de Fénin (p. 70) se fait l’écho du même bruit, que les écrivains bourguignons se plurent à accréditer. Des lettres du 12 juillet 1401, portant don à Jean duc de Touraine du duché de Berry et du comté de Poitou, pour en jouir après la mort de Jean de France, duc de Berry, si ce prince ne laissait pas d’enfant mâle légitime, ont été publiées dans notre précédent volume, p. 393. Le lendemain du décès de celui-ci, c’est-à-dire le 16 juin 1416, le don du comté de Poitou et du duché de Berry fut confirmé au dauphin Jean, par lettres du roi enregistrées à la Chambre des comptes. Elles ont été publiées dans le recueil des Ordonnances des rois de France, t. X, p. 368, d’après l’ancien mémorial H, fol. 168, de ladite Chambre, reconstitué après l’incendie. Jean ne jouit guère que pendant neuf mois de cet apanage, et l’on ne sait même s’il fit le voyage pour en prendre possession. Un mois après sa mort, le Berry et le Poitou furent conférés à son frère Charles, par lettres patentes du 17 mai 1417, dont nous avons fait mention précédemment (t. VI, p. 374 n.) en annonçant qu’elles seraient imprimées dans ce volume. Mais comme elles n’ont pas été transcrites sur les registres de la grande Chancellerie, contrairement à ce que nous avions pensé, on n’en devra pas chercher le texte dans notre publication. Il se trouve d’ailleurs dans le recueil des Ordonnances (t. X, p. 409), d’après le même mémorial H, fol. 84 v°, de la Chambre des comptes. Une copie préférable au texte imprimé est transcrite sur le registre du Parlement de Paris, X1a 8603, fol. 13 v°. Quand la trahison de Perrinet Leclerc eut livré Paris au duc de Bourgogne (29 mai 1418), le dauphin Charles dut fuir et se retira à Bourges, puis à Poitiers, où il établit le siège de son gouvernement. Son entrée dans cette dernière ville eut lieu le 10 août 1418, suivant le livre des hommages et devoirs dus par les vassaux du nouveau comte de Poitou, dressé à cette époque par Pierre Morelon, receveur du dauphin dans cette partie de son apanage. (Arch. nat., P. 1144, fol. 1.)

2 A la date du 11 mars 1419 n.s., on trouve un arrêt du Parlement siégeant à Poitiers, qui confirme une sentence du prévôt de Melle contre Jean Voisin, dudit lieu, et au profit de Jean Bigeon. J. Voisin avait voulu récuser, sans motif suffisant, des témoins entendus par le prévôt dans une enquête sur une plainte de J. Bigeon. (Arch. nat., X1a 9190, fol. 9 v°.)

3 Un Jean Baconet, licencié en lois, était sénéchal du Bois-Pouvreau pour Georges de La Trémoïlle, seigneur du lieu, le 8 juin 1434. (A. Richard, Inventaire des archives du château de la Barre, t. II, p. 32.)