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Lettres de ratification de l’acquisition des château et châtellenie de Sainte-Néomaye faite de Thibaut Portier par Guillaume de Lodde, écuyer, chambellan du duc de Berry.
- B AN JJ. 159, n° 72, fol. 41
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 57-66
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir oy l’umble supplication de nostre amé et feal escuier d’escuierie Guillaume de Lode1, escuier, chambellan de nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry, contenant que, comme au traictié de mariage qui fu fait environ l’an mil iiie iiiixx et sept, entre feu Jehan conte de Monpensier, ainsné filz de nostre dit oncle, et feue Katherine [p. 58] de France2, nostre seur, nous eussions donné à nostre dicte seur, pour et à l’euvre du dit mariage, la somme de iic mille frans, de laquelle somme cent cinquante mille frans devoient estre convertis en terres, qui seroient propre heritage de nostre dicte seur et de ses hoirs venans de son costé et ligne, et pour ce que du dit argent fu achetté entre autres choses de Alain de Beaumont3, [p. 59] chevalier, le chastel, ville et chastellenie de Saincte Neomaye en Poictou, mouvans et tenus en fief de nostre dit oncle à cause de sa conté de Poictou, lesquelz chastel et chastellenie nous peussent estre advenus et escheus par la succession de nostre dicte seur, et l’eussions peu tenir sans en faire hommage à nostre dit oncle, en lui baillant homme tant seulement, nous, par noz lettres données le ixe jour de juillet mil iiic iiiixx et sept ou environ, eussions octroyé à nostre dit oncle que, ou cas que nous serions heritier de nostre seur, ycelui nostre oncle, dedens trois ans après le decès d’icelle nostre seur, peust avoir et recouvrer de nous les diz chastel, chastellenie et terres de Saincte Neomaye et les autres chasteaulx, terres et chastellenies lors acquises et à acquerir des deniers dessus diz, mouvans de ses fiefz et arrierrefiefz, en nous reddant premierement les deniers qu’ilz auroient cousté, ensemble les loyaulx coustemens que nous y aurions miz, laquelle chose fu user de droit commun, veu qu’il en estoit seigneur feodal, et que, se un autre les eust achettées, nostre dit oncle les eust peu retenir pour le pris. Et depuis, pour ce qu’il sembla à nous et aus gens de nostre conseil que l’acquisicion faicte du dit Alain de Beaumont des chastel, ville et chastellenie de Saincte Neomayé devant diz n’estoit pas seure, parce que le dit Alain le prist et recouvra par force d’armes des mains du sire de Mucidan4 ou d’autres qui tenoient le parti d’Angleterre, et que le dit Mucidan n’estoit pas seigneur proprietaire du dit chastel de Saincte Neomaye, mais le tenoit en gaige pour la somme de dix [p. 60] mil frans que on disoit qu’il avoit prestez à la dame de Bauçay5, ou à autres de qui elle avoit la cause, nous ou autres, ou nom de nous ou de nostre dicte seur, les achetasmes et acqueismes ou feismes achetter et acquerir de la dicte dame de Bauçay, et la quelle vendi aus diz conte de Monpensier et à Katherine, sa femme, les chastel et chastellenie de Saincte Neomaye devant dis, leur transporta, ceda et delaissa tous les drois de proprieté et de possession que elle avoit en yceulx, pour le pris et somme de iiim livres tournois, qui lui en furent paiez de l’argent des diz cent cinquante mil frans. Après laquelle acquisicion, nostre dicte seur ala de vie à trespassement, et nous portasmes son heritier. Pour laquelle chose, nous, en enterinant le traictié autresfois fait avecques nostre dit oncle, voulmes et ordenasmes par noz lettres données le xxxe jour d’octobre l’an mil iiic [iiiixx] et huit6 ou environ, que les chastelz et chastellenies de Saincte Neomaye en Poictou et de Vatan en Berry, achetez de l’argent devant dit, nostre dit oncle peust avoir, prendre et appliquer à soy et aus siens à tousjours mais, pour ce qu’ilz estoient mouvans de ses fiefs, en nous paiant et baillant, dedens le terme de trois ans, la somme et pris qu’ilz avoient cousté, par ainsi que, se dedens les diz trois ans nostre dit oncle ne nous avoit paié et baillié le dit pris, que les diz chasteaulx et chastellenies demourassent et feussent de lors en avant à [p. 61] nous et aus nostres ; et ainsi le promist faire nostre dit oncle en bonne foy et en parolle de filz de roy. Mais depuis, pour consideracion des grans et notables services que nostre dit oncle nous avoit fais, et pour certaines autres causes et consideracions qui à ce nous murent, nous par noz lettres patantes en double queue, données le premier jour de septembre ou environ l’an mil ccc. iiiixx et ix7, veriffiées et expediées en la chambre de noz comptes à Paris, donnasmes, quictasmes et remeismes à nostre dit oncle la somme de vint cinq mille frans que les diz chasteaulx et chastellenies de Saincte Neomaye et de Vatan avoient cousté, et en laquelle somme nostre dit oncle nous estoit tenus à la cause dessus dicte, voulmes et mandasmes que les lettres d’achat des diz chasteaulx et chastellenies lui feussent baillées, pour en joir par lui, ses hoirs et successeurs, paisiblement et plainement. Et à ces tiltres et moyens nostre dit oncle fu seigneur des diz chastel et chastellenie de Saincte Neomaye, et yceulx tint et possida paisiblement jusques ou mois de juing l’an mil iiic iiiixx et douze ou environ, que par certain eschange fait entre nostre dit oncle des diz chastel et chastellenie de Saincte Neomaye et autres ses terres, d’une part, et Regnaut seigneur de Pons8, de la viconté de Carlat, d’autre part, les [p. 62] diz chastel et chastellenie de Saincte Neomaye vindrent et appartindrent au dit seigneur de Pons, lequel les possida et enjoy paisiblement jusques au mois de juing l’an mil ccc. iiiixx xix ou environ, que par la permission, congié et consentement de nostre dit oncle il les vendi et transporta à nostre amé Thibaut de la Porte9, chevalier, pour le pris de huit mille cinq cens livres tournois ; lequel Thibaut semblablement a tenu et possidé les diz chastel et chastellenie de Saincte Neomaye et y a fait pluseurs grans reparacions et amendemens, et dont il a joy et usé paisiblement jusques au mois d’aoust derrenier passé, que il [p. 63] les a vendu au dit suppliant, pour le pris de dix mil escus d’or. Le quel suppliant en est entré en foy et hommage et en a fait les autres devoirs à nostre dit oncle, et en a eu et tient de present la vraye possession et saisine. Toutesvoies, pour ce que les diz chastel et chastellenie devoient revenir à nous après le decès de nostre dicte seur et furent nostres par aucun temps, et que ilz ont appartenu depuis à nostre dit oncle, après le temps que il avoit voulu et ordené que, ou cas que il yroit de vie à trespassement sans laissier hoir masle procreé et descendu de son corps en loyal mariage, toutes ses duchiés et contés de Berry, d’Auvergne et de Poictou, et toutes les baronnies, villes, chasteaulx et chastellenies, seignouries, demaines, justices, hommages et juridicions, fiefz et possessions, rentes et revenues avecques leurs appartenances, que il avoit ou temps de sa dicte ordenance, auroit et possideroit au jour de son trespassement, feust de son propre heritage, par eschoite de conquest ou autrement, en quelque maniere que ce feust, fors aucunes terres qu’il excepta, venissent et demourassent à tousjours propre heritage et demaine à nous et à noz successeurs roys et de la couronne de France, et dès lors s’en feust devestu et desmis en baillant sur ce ses lettres patentes en las de soie et cire vert, données à l’Escluse en Flandres, le iiiie jour de novembre l’an mil iiic iiiixx et six, lesquelles ordenance, volunté et demission nous retenismes et acceptasmes, pour nous et pour noz successeurs, et en voulant et consentant ycelles, octroyasmes sur ce noz lettres patentes, scellées en las de soye et cire vert, données au dessus dit lieu de l’Escluse, l’an et le jour devant diz10. Et aussi pour ce que yceulx chastel [p. 64] et chastellenie furent achetez de nostre argent et devoient revenir à nous, ou cas que, dedens les trois ans dessus diz, nostre dit oncle ne nous eust rendu et restitué les deniers qu’ilz avoient cousté, la quelle chose il ne fist pas, mais nous les lui donnasmes et remeismes en la maniere dessus dicte, le dit suppliant se doubte, tant par ce que dit est, comme par les revocacions et adnullacions des dons et alienacions par nous fais de et sur le demaine, l’en voulsist dire que les dis chastel et chastellenie nous appartenissent par le moyen des dictes acquisicions, succession de nostre dicte seur, donnacion de nostre dit oncle ou autrement, combien que nostre dit oncle n’en estoit pas seigneur ou temps de la dicte donnacion par nous à lui faite, et si en a disposé à sa pleine vie, et ne nous ait donné les biens qu’il avoit lors qu’il feist la dicte donnacion et qu’il auroit ou temps de son decès, et que les dictes terres feussent mouvans de son fief et peussent avoir à user de droit de retencion contre un tiers, et aussi que ce ne soit pas de l’ancien demaine du royaume, et que en faisant les dictes revocacions nous avons excepté par exprès nostre dit oncle et les autres de nostre sang, lesquelx nous n’avons voulu comprandre en icelles, et que par ce il ou ceulx qui de lui auront cause ou temps avenir ne puissent tenir et retenir seurement les diz chastel et chastellenie de Saincte Neomaye et leurs appartenances, et que sur ce on leur meist aucun debat ou empeschement soubz umbre des choses dessus dictes ou d’aucunes d’icelles, ou autrement, si comme dit le dit suppliant, requerant sur ce nostre provision. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et que le dit suppliant a les diz chastel et chastellenie à tiltre onereux et de bonne foy, et n’y a point de decepcion, mais est le pris juste, de nostre plaine puissance, auctorité royal et grace especial, en tant qu’il nous touche, avons approuvé, ratiffié, agreé et confermé, approuvons, agreons, ratiffions et confermons [p. 65] la vendicion dessus dicte au dit suppliant, ensemble toutes les autres choses dessus dictes, les auctorisons [non obstant] tous deffaulx, s’aucuns en y avoit, voulons et consentons que le dit suppliant, ses hoirs et ceulx qui de lui auront cause tieignent et possident les diz chastel, terre et chastellenie de Saincte Neomaye et ses appartenances, à tousjours mais perpetuelment, paisiblement et sans aucun empeschement. Si donnons en mandement par ces presentes à noz amez et feaulx les gens de noz comptes et tresoriers à Paris, au bailli de Touraine et à tous noz autres justiciers et officiers, presens et avenir ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que nostre dit escuier d’escuerie, ses hoirs et ayans cause, facent, seuffrent et laissent joir et user perpetuelment et heritablement des diz chastel et chastellenie et de ses appartenances, sans leur faire ou donner, ou souffrir estre fait ou donné ou temps avenir aucun trouble ou empeschement, lequel, se fait [estoit], ilz mettent ou facent mettre sans delay au premier estat et deu, non obstant la donnacion de nostre dit oncle dessus dicte, et que le pris des diz chastel et chastellenie ne nous ait este restitué, ensemble les revocacions des diz dons, jà soit ce que en noz lettres ne soient inserées, et les autres choses dessus touchans, et quelxconques autres ordonnances, inhibicions et deffenses faictes ou à faire au contraire. Et que ce soit ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou mois de septembre l’an de grace mil iiiic et iiii, et de nostre regne le xxiiiie.
Par le roy en son conseil, où le roy de Navarre11, messeigneurs [p. 66] les ducz de Berry, d’Orleans et de Bourgongne, le grant maistre d’ostel12 et autres estoient. G. Barrau.