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DCCCCXL

Rémission accordée à Etienne Perrot, d’Angles, qui, pour se venger des injures et des coups qu’il avait reçus de Perrot Roy, tanneur dudit lieu, et de ses deux valets, et bien que depuis il leur eût donné assurement, avait maltraité et frappé l’un d’eux nommé Denis Durand.

  • B AN JJ. 163, n° 468, fol. 261
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 168-170
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Estienne Perrot, demourant en la ville de Angle ou diocese de Poitiers, contenant que comme, le jeudi avant la Penthecoste derrenierement passée, le dit suppliant venist de disner de la dicte ville, en la compaignie de gens notables et feust mal disposé d’une jambe qu’il avoit eu cassée par cas de fortune, et pour ce se appuya à la fenestre d’un tenneur de la dicte ville, appellé Perrot Roy, à la quelle fenestre le dit Perrot Roy estoit et y avoit et tenoit deux varlés faisans soulliers, l’un appellé Regnault Moraut et l’autre Denis Durant, aus quelz icellui suppliant qui ne pensoit en aucun mal, dist : « Dieu gart, les galans ! » Et lors ledit Regnault se leva et dist au dit suppliant qu’il se moquoit d’eulx et que, se il sonnoit mot, il seroit batu, en l’injuriant grandement de paroles. Et ce fait, se leva aussi le dit Perrot Roy, maistre des diz varlés et dist au dit suppliant teles paroles : « Va t’en de cy, ou tu seras batu ! » A quoy icellui suppliant respondi qu’il s’en iroit voulentiers, mais non pas par le dit Perrot, car il n’estoit en rien du sien. Lequel Perrot repliqua encores en disant : « Va t’en, ou tu seras batu, car tu es un mauvais ribaut, cauteleur, et se tu ne t’en vas bien tost, tu seras batu ». Et de fait le print par la barbe. Pour la quelle chose icellui suppliant se retray d’encontre la dicte fenestre et dist au dit Perrot telles paroles en substance : « Tu mens par tes dens et par ta [p. 169] gorge des injures que tu m’as dictes, car je suis homme d’aussi bonne fame comme tu es, et te vaulx bien, et le me amanderas une foys. » Et en ce disant, se retourna le dit suppliant pour soy en aler. Le quel Perrot Roy print une grosse buche, pour en vouloir ferir le dit suppliant. Et non content de ce, le dit Denis Durant, varlet du dit Roy, vint par derriere icellui suppliant sans lui dire mot, et d’aguet appensé le fery parmi la teste, assez près de l’oreille, tant que a pou qu’il ne chey à terre. Et lors icellui suppliant se retourna et d’un baston dont il s’appuioit, appellé potence, fery le dit varlet. Et ce fait, le dit Perrot Roy et Regnault Meraut qui estoient garniz, c’est assavoir le dit Roy d’une grosse buche de chesne, et le dit Meraut d’une courge dont l’en porte l’eaue, couru[rent] sus au dit suppliant et se efforcerent de le batre de leurs diz bastons, mais il metoit tousjours son dit baston au devant des cops et tant qu’ilz le lui rompirent, et l’eussent plus enormement batu, se n’eust esté aucunes gens de la dicte ville d’Angle qui les departirent. Tantost après le quel departement, le dit Perrot Roy et ses diz varlès firent adjourner le dit suppliant, à l’eure de vespres, pour leur donner asseurement par devant le juge du dit lieu d’Angle pour l’evesque de Poitiers, en l’absence du quel juge, Jehan de Blancheville, qui se disoit estre commiz en l’absence du dit juge, fist donner le dit asseurement. Après le quel asseurement ainsi donné, c’est assavoir le samedi prouchain ensuivant, icellui suppliant veant qu’il avoit esté ainsi batu et injurié par le dit Perrot Roy et ses diz varlès, vint en la compaignie de Guillaume Gaudon, mary de sa seur, garniz de bastons, en un hostel d’icellui Perrot Roy, à heure de jour couchant ou environ, ouquel hostel estoit le dit Denis Durant ; lequel Denis, si tost qu’il l’apperceut, s’enfuy ou jardin du dit hostel où ilz le poursuirent et illec le batirent de bastons qu’ilz avoient parmi la teste, par les jambes et par pluseurs parties de son corps. [p. 170] Et aussi le fery le dit Guillaume un peu d’une dague parmi la cuisse, en enfraingnant les asseuremens dessus diz. Pour occasion duquel cas, icellui suppliant se doubte estre rigoreusement traitié par justice, se par nous ne lui est sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, requerant humblement, comme en tous autres cas il ait esté et soit homme de bonne vie et renommée, non convaincu ne attaint d’aucun villain cas ou blasme, et que au dit fait n’a eu mort ne mutilacion, ainçois fu icellui Denis gari des dictes bateures dedens peu de temps après, nous sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., au dit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de septembre l’an de grace mil cccc. et ix, et de nostre regne le xxxe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Salant.