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DCCCCXXVII

Rémission accordée à Pierre Levraut, écuyer, qui s’était approprié deux chevaux et autres biens de Jean Cordelier, barbier et chirurgien, assassiné par son valet, moyennant qu’il fera don de vingt livres à l’Hôtel-Dieu de Paris.

  • B AN JJ. 162, n° 349, fol. 267 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 129-134
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Pierre Levraut, escuier1, contenant que comme un [p. 130] appellé maistre Jehan Cordelier, barbier et cirurgien, eust conversé par aucun temps à Ourour, chez Jehan Bouteveille avecques deux femmes, l’une après l’autre, dont il en avoit soubstraite l’une au chantre de Nostre Dame la Grant de Poitiers, et l’autre avoit soubstrait de l’ostel de Symon Morrault2, bourgoiz du dit lieu de Poictiers, et eust depuis le dit Cordelier mené au Peyré de Veluyre la femme qu’il avoit soubstrait au dit chantre, affin que icellui chantre ne sceust où elle eust esté menée, et eust icelle femme laissié ses besongnes et choses en l’ostel du dit Bouteveille, et depuis ce, c’est assavoir un pou avant la feste de saint Michiel derrenierement passée, s’en feust icellui Cordelier [p. 131] retourné au dit lieu de Ourour et eust requis au dit Bouteveille qu’il lui baillast les besongnes que la dicte femme avoit laissiées en son hostel, lequel Bouteveille en eust esté refusant, disant qu’elle lui avoit deffendu qu’il ne les baillast que à elle. Sur quoy se feust meu debat de paroles entre le dit Cordelier, d’une part, et le dit Bouteveille et un appellé Raoulet, qui avoit autresfoiz servi icellui Cordelier, d’autre part, et tant qu’ilz sacherent les espées les uns sur les autres. Et entre autres choses dist le dit Cordellier au dit Bouteveille qu’il le bruleroit, et ne voult onques coucher en lit icelle nuit, ainçois coucha sur l’establit d’un cousturier. Pour laquelle chose le dit Bouteveille doubta estre villené par le dit Cordelier, et le lendemain au matin, icellui Cordelier requist pardon au dit Raoulet, en lui priant qu’ilz feussent tout un et qu’ilz s’en alassent ensemble à Bordeaux. A quoy icellui Raoulet ne se voult consentir, ainçois dist au dit Cordelier qu’il estoit un mauvaiz traitre et que jamaiz avecques luy n’yroit, comme toutes ces choses lesdiz Raoulet et Bouteveille rapporterent le dit jour mesmes au dit Pierre Levraut, en son hostel de Gemeaulx, où ilz alerent, en lui disant que icellui Cordelier le menaçoit et disoit qu’il bruleroit ses maisons, parce qu’il avoit acheté les meubles de la femme du dit Cordelier et ne lui en avoit riens paié. Après les quelles paroles ainsi dictes, icellui Pierre Levraut, acompaigné d’un sien varlet et du dit Raoulet, s’en ala, le dit jour, à un sien hostel appellé Terreroye, pour faire vendenger ses vignes, ou quel lieu le dit Bouteveille ala le lendemain au matin et requist au dit Pierre Levraut qu’il lui pleust aler au dit lieu de Ourour pour parler à un appellé Gauteron que le dit Cordelier y avoit envoyé, affin de lui parler du debat qui avoit esté entre lui et le dit Bouteveille ; au quel lieu le dit Pierre Levraut ala, acompaignié des diz Raoulet et Bouteveille, et y trouverent le dit Gauteron, au quel icellui Pierre Levraut demanda où estoit le dit Cordelier et qu’il [p. 132] vouloit bien parler avecques lui du dit debat, et aussi d’avoir quictance de neuf escus qu’il lui avoit paié pour le prieur de Verrues3. Et semblablement vouloit bien savoir avecques icellui Cordelier s’il l’avoit menacié, ainsi que on lui avoit rapporté. Et après ce s’en alerent tous quatre à Partenay le Viel, où ilz trouverent le dit Cordelier, avecques le quel ilz eurent pluseurs paroles contencieuses, et se excusa le dit Cordelier envers icellui Pierre Levraut de ce qu’on lui avoit rapporté qu’il le menaçoit, disant qu’il ne lui vouloit que bien, amour et plaisir. Et demourerent le dit Pierre Levraut, Cordelier et un sien varlet, appellé Jehan Ouler, audit lieu de Partenay jusques au lendemain au matin, qu’ilz s’en alerent ensemble chiex un appellé Godeau, et pria le dit Cordelier au dit Pierre Levraut qu’il lui prestast un cheval pour son varlet, afin de lui tenir compagnie à aler veoir le frere de Jehan de Rion4, qui estoit malade d’une jambe. La quelle chose icellui Pierre Levraut fist et les attendit le dit Levraut jusques à ce qu’ilz furent retournez. Après lequel retour, ilz se misdrent tous trois à chemin pour eulx en aler, c’est assavoir le dit Levraut à son dit hostel de Gemeaux et le dit Cordelier et le dit Oulier, son varlet, au dit lieu de Poictiers. Et en alant leur chemin, le dit varlet dist au dit Levraut qu’il n’estoit pas la faulte du dit Cordelier, son [p. 133] maistre, qu’ilz ne s’en estoient alez avecques le cheval d’icellui Levraut, et aussi lui dist que le dit Cordelier estoit un très mauvaiz homme et que ce seroit grant aumosne de le destrousser. A quoy le dit Levraut respondi qu’il le destroussast et mist à pié, se faire le vouloit, maiz qu’il se gardast de le tuer, ou paroles semblables en substance. Et lors icellui Oulier dist que si feroit il bien, maiz qu’il lui feroit faire un sault. Et assez tost après se departirent, et s’en ala icellui Pierre Levraut à son dit hostel de Gemeaulx et les diz Cordelier et Oulier s’en alerent aussi leur chemin, en alant vers la dicte ville de Poictiers. Et le lendemain au matin, le dit Oulier ala par devers icellui Pierre Levraut au dit lieu de Gemeaux et lui dist qu’il avoit destroussé le dit Cordelier, son maistre, en lui celant qu’il l’eust tué et laissa illecques le cheval du dit Cordelier et ala querir un de ses autres chevaulx, avecques les autres besongnes et choses d’icellui Cordelier, et illecques les laissa en garde par l’espace de douze jours ou environ, et bailla au dit Pierre Levraut la valeur de vint escuz ou environ de ce qu’il avoit osté au dit Cordelier, lesquelx lui sont demourez. Et depuis se confessa à icellui Pierre Levraut qu’il avoit tué le dit Cordelier d’un cop de baston. Après la quelle confession ainsi faicte, le dit Pierre Levraut ne le voult plus souffrir en son dit hostel et par ce s’en departi et emmena les diz chevaulx là où il lui pleut. Pour occasion du quel cas, le dit Pierre Levraut, doubtant rigueur de justice et estre poursuy du dit cas s’est absenté du pays et n’y oseroit jamaiz retourner, ainçoiz seroit en adventure d’en estre exillé à tousjours, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme dient iceulx supplians, requerans humblement icelle. Pour quoy nous, ses choses considerées et les bons et agreables services que icellui Pierre Levraut nous a faiz ou fait et exercice de noz guerres, nous au dit Pierre Levraut avons remis, quicté et pardonné, etc., parmy ce qu’il paiera [p. 134] vint livres à l’Ostel Dieu de Paris. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Tourainne et des ressors et Exempcions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. et huit, et de nostre regne le xxviiime5.

Par le roy, à la relacion du conseil. Charron.


1 Des lettres de novembre 1370 portant confiscation des biens de plusieurs Poitevins partisans des Anglais, parmi lesquels figurait un Pierre Levraut, ont été imprimées dans notre tome IV, p. 82. C’était sans doute le père de celui dont il est question ici ; en tout cas, ils appartenaient tous deux à la même famille établie dans la Gâtine. Ce ne fut pas la seule fois que Pierre Levraut eut des démêlés avec la justice. Nous avons rapporté ci-dessus l’enlèvement de Guillaume Sanglier par Jacques d’Heilly et Jean Larchevêque, qui le séquestrèrent au château de Parthenay et lui extorquèrent une forte somme d’argent. Levraut faisait partie de la troupe fournie par le sire de Parthenay pour cette expédition et fut poursuivi comme complice. (Arch. nat., X2a 17 à la date du 22 janvier 1414 n.s. et jours suivants, et p. 6 du présent volume, note.) Vers la même époque, Jeanne Peigneresse, veuve d’Aimery de La Chaussée et ses enfants, Jean, Geoffroy et Jeanne de La Chaussée, accusaient Pierre Levraut, son fils et plusieurs autres de s’être introduits indûment dans des bois leur appartenant, situés près des Bois dits des Abatis en la châtellenie de la Gâtine, et en avaient coupé et emporté jusqu’à cent charretées. Les victimes de ce vol se pourvurent devant le bailli de Gâtine pour le sire de Parthenay, qui commença l’information de cette affaire. Pierre Levraut releva appel d’un appointement de ce juge, mais au lieu de le porter devant le sénéchal de Poitou, comme il le devait, il s’adressa au Parlement. La cour déclara cet appel inadmissible et condamna Levraut à l’amende et aux dépens, par arrêt du 22 décembre 1414. (X1a 60, fol. 340 v°.)

2 Ce personnage appartenait à l’une des premières et plus riches familles bourgeoises de la ville de Poitiers, dont on trouve le nom écrit Mourault, Morault, Morraut, Mouraut, etc. Cette dernière forme paraît préférable. Simon Mouraut, le père, était maître particulier de la Monnaie de Poitiers en 1359 et fut anobli par lettres de décembre 1372, avec le maire et les autres échevins alors en exercice. (Voy. notre t. IV, p. 233, 234.) Le fils possédait des fiefs d’une certaine importance, comme on le voit dans le Grand-Gauthier et dans le livre des hommages dus à Charles, dauphin, comte de Poitou. Le 13 juin 1404, il rendit aveu au duc de Berry à Poitiers, pour un hébergement sis à Faye et autres, mouvant de Saint-Maixent, une maison dans cette ville, l’hébergement de Boisragon, à Breloux, et le 4 avril 1409 n.s., pour sa maison de la Motte-sur-Croutelle « avec fossé tout autour et la roche par-dessous » mouvant de Lusignan. (R1* 2171, p. 254, et 2172, p. 939 et 943.) Simon Mouraut en renouvela les hommages et aveux au nouveau comte de Poitou, en 1418 et 1419, et y joignit un aveu, le 18 août 1419, pour la Loubantière, mouvant de la Tour de Maubergeon, qu’il avait acquise de Philippe et Arnaud Pouvreau. (P. 1144, fol. 9 v°, 21, 37 ; P. 1145, fol. 69 et 87 v°.) Par lettres de 1426, Charles VII commit Maurice Claveurier, maire, Jean Larcher, Jean Guischart, Herbert Taunay, Simon Mouraut, Jean Bernot et Guillaume Boylesve, pour faire rendre compte de la recette et de l’emploi des deniers communs de la ville de Poitiers. (Arch. municipales de Poitiers, L. 1.) En 1428, Mouraut fut député par la ville avec Jean Guischart à Mehun-sur-Yèvre, vers le roi, pour le fait de l’aide de 5 sous par feu et par semaine. (Id., J. 750-751.) On trouve encore cette mention curieuse : « Le 25 juin 1429, payé 23 livres 10 sous à vingt-cinq compagnons armés de la ville qui avoient esté sur les champs pour cuider rescourre et avoir Simon Mouraut, que l’on menoit prisonnier de Gençay à Parthenay. » (Id., J. 849.) Le 13 février 1434 n.s., il était encore en otage au château de Gençay. (Arch. nat., X2a 20, fol. 66 v°.) Le 22 décembre 1431, il soutenait un procès au Parlement contre Sylvestre des Aulnais (X1a 9192, fol. 270 v°) et le 30 janvier 1434, contre Guillemet de Montsorbier, au criminel. (Adjudication de quatre défauts, X2a 21, à la date.)

3 Le prieuré de Saint-Martin de Verruyes était un membre dépendant de l’abbaye de Saint-Maixent. (Voy. A. Richard, Chartes pour servir à l’hist. de Saint-Maixent, t. XVI et XVII des Archives hist. du Poitou.)

4 Sur un registre d’assises de la seigneurie de la Barre-Pouvreau, on lit, en 1404, que Jean de Ryon, comme procureur de Jean Clerbaud, chevalier, héritier en partie de Marie Clerbaud, pour la Prunerie et les moulins de la Mosnerie et de Trey, vint présenter à la cour un gant blanc, disant que c’était le seul devoir auquel il fût tenu pour lesdites choses qui avaient été saisies, et offrait pour pleige Jean Legier, écuyer, sr de la Sauvagère. Le 17 août 1407, il fut témoin d’un accord passé entre le même sire de la Sauvagère et Jean Dyme, bourgeois de Parthenay, qui se firent réciproquement remise de ce qu’ils pouvaient se devoir. (A. Richard, Inventaire des Arch. du château de la Barre, t. I, p. 133 ; t. II, p. 248.)

5 Quoique transcrites sur le registre de la grande chancellerie, ces lettres ne sortirent pas leur effet. Les amis de Pierre Levraut, pour diminuer sa culpabilité, avaient par trop dénaturé les faits et grossièrement altéré la vérité, comme on peut le voir en comparant leur premier récit avec la relation moins mensongère des secondes lettres de rémission qu’il eut le crédit d’obtenir quelques mois plus tard (ci-dessous, novembre 1408, p. 161).