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DCCCCXC

Rémission accordée à Richard de Souillac, écuyer, d’Usseau près Mauzé, prisonnier pour avoir, dans un accès de colère, frappé d’un coup d’épieu à la tête Jean Brehon, gendre de sa femme, qui avait succombé sur la place.

  • B AN JJ. 170, n° 112, fol. 126 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 329-331
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Richart de Souillac, escuier, contenant comme, ou mois de septembre l’an mil iiiic et seize, à un jour de samedi au soir, environ jour couchant, que ledit Richart retournoit en son hostel au lieu d’Uysseau près de Mauzé, où il demouroit, et venoit de conduire certains Bretons qui avoient esté ses mestiviers de ses blez de l’aoust d’icelle année, ledit Richart tenant un espiot en sa main trouva en son dit hostel, ainsi qu’il y entra, une truye et deux jeunes cochons ou gorrons liez par les queux sur la dicte truye, l’un deça et l’autre delà, et de son dit espiot les deslia, en disant à Jehan Brehon, lors present et demourant avecques lui et en son dit hostel, qui avoit espousée Jehanne Sigognele, fille de Thiphaine Chouarde, femme du dit Richart et d’un nommé Sigoigneau, son premier mari, qu’il avoit mal fait de ainsi lier les diz cochons ou gorrons. A quoy le dit Jehan Brehon respondi en riant ou autrement que ce n’avoit il pas fait, et que ce estoit le bon gouvernement de son dit hostel, ou paroles semblables, dont le dit Richart fu meu et courroucié, en disant au dit Brehon qu’il ne savoit point qu’il eust mauvais gouvernement en son dit hostel, et que s’il vouloit dire qu’il y eust mauvais gouvernement en sa femme qui estoit fille de la dicte Thiphaine, et icelle Thiphaine, femme du dit Richart, ou autrement, qu’il le deist, ou paroles semblables en effect. A quoy respondi le dit Brehon aussi en riant, ou par maniere de moquerie, ou [p. 330] autrement, que non. Et lors de rechief dist le dit Richart au dit Brehon que c’estoit il sans autre qui avoit ainsi liez les diz cochons ou gorrons. Le quel respondi que non avoit. Et en ce disant le dit Richart, qui de ce fu courroucié et cuidoit que ce eust il fait par mal talent ou derrision du dit Richart, son maistre, dist au dit Brehon qu’il avoit menti, et le dit Brehon respondi que non ou paroles en effect ; et en ces paroles, noises et conflict le dit Brehon se baissa pour prendre une pierre à terre, pour en frapper le dit Richart, comme il estoit assez à presumer. Et le dit Richart, meu de chault sang et par temptacion de l’ennemi, doubtant que ledit Brehon le frappast de la dite pierre, frappa du dit espiot le dit Jehan Brehon un seul cop sur la teste, non cuidant aucunement le mutiler ne tuer, du quel cop mort s’en ensuy tantost après en la personne du dit Jehan Brehon. Pour occasion duquel cas, jasoit ce que le dit cas n’ait pas esté fait ne commis par le dit Richart par propos deliberé, mais soit advenu aussi que par cas de meschief, et n’avoit icellui Richart nulle voulenté ne entencion, au devant du dit cas advenu, de lui mal faire, ce non obstant le dit Richart, doubtant rigueur de justice, s’est absenté longtemps et puis a esté prins et emprisonné ou chastel de Surgieres, dès le premier jour d’aoust derrenierement passé ou environ, et de present est prisonnier en nos prisons de la Rochelle, et a confessé le dit cas estre tel et avenu en effect ainsi comme dit est, et aussi qu’il avoit autres fois donné une buffe à un des sergens du seigneur du dit lieu de Surgieres1, pour certains contemps et paroles qu’ilz avoient [p. 331] eus ensemble, si comme dient iceulx amis charnelz, en nous humblement suppliant, comme le dit Richart en tous ses autres fais ait esté et soit de bonne vie et renommée, etc., et soit extrait de noble lignée, et nous ait servi et exposé son corps et sa chevance en nos guerres, dès le temps de sa jeunesse, et qu’il s’est peu armer, en Xantonge et aillieurs, [que] nous lui vueillons sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, ce consideré et la longue prison qu’il a pour ce soufferte, et en reverence du saint temps, avons au dit Richart de Souillac, ou cas dessus dit, remis, quicté et pardonné, etc., parmi ce qu’il tendra, oultre ce qu’il a tenu, prison fermée un mois entier au pain et à l’eaue. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. et dix huit après Pasques, et de nostre regne le xxxviiie, soubz nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Par le conseil. R. Camus.


1 Jeanne Maingot, héritière de la branche aînée de la maison de Surgères, son frère Guillaume étant mort sans enfants vers 1350, porta les terres et seigneuries de Surgères et de Dampierre-sur-Boutonne à son second mari, Aymar (aliàs Évrard et Adhémar) de Clermont, sr de Hauterive en Dauphiné. Le 17 mars 1375, étant veuve, Jeanne, dame de Surgères, était en instance devant le Parlement, au nom de son fils mineur, contre le duc d’Orléans, pour une créance de 743 écus souscrite à feu Aymar de Clermont, chevalier, et touchant le don du château de Chizé, fait par le duc à son dit mari. (Arch. nat., X1a 24, fol. 238 v°.) C’est ce fils de Jeanne Maingot, Joachim de Clermont, qui était alors seigneur de Surgères. Il avait épousé, par contrat du 13 décembre 1379, sa cousine Isabelle de Surgères, fille de Jacques, seigneur de la Flocellière, et de Marie de Laval, qui lui apporta les terres de Bernezay en Loudunais, des Coudreaux et de Migré. Le 8 avril 1422, ils étaient en procès au sujet de 200 livres de rente assignées sur lesdites terres de Bernezay et des Coudreaux, pour le douaire de Catherine d’Amboise, veuve de leur fils aîné, Tristan de Clermont. (X1a 9190, fol. 178.) On peut citer encore un arrêt du 21 juillet 1422, entre le seigneur de Surgères et Pierre de Peyré, chevalier, ce dernier voulant obliger les habitants d’Ardillières au guet et à la garde en son château de Ciré en Aunis. (Id., fol. 190.) Joachim de Clermont mourut peu de temps après et la seigneurie de Surgères passa à son second fils, Antoine.