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DCCCCX

Lettre de don à Jacques de Montbron et de Maulévrier1 du château et de la châtellenie de Mortagne-sur-Gironde, qu’il venait de reprendre sur les Anglais à ses frais et dépens, après un siège de trois mois par mer et par terre2. Cette ville, saisie par les [p. 79] Anglais et longtemps occupée par eux, faisait partie de l’héritage de Louise de Clermont, vicomtesse d’Aunay3, femme de François de Montbron, fils aîné de Jacques4. « Donné à Paris, [p. 80] au mois de juillet l’an de grace mil cccc. et cinq, et le xxve de nostre regne. — Par le roy en son conseil, ou quel [estoient] le roy de Navarre, messieurs les ducs de Berry, d’Orleans et de Bourbonnois, le conte de Mortaing5, messeigneurs Jacques de Bourbon6, vous et pluseurs autres. Barrau. »

  • B AN JJ. 160, n° 75, fol. 60 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 78-80
D'après a.


1 Jacques, fils de Robert VI de Montbron et d’Yolande de Matha, fut chambellan du duc de Berry, sénéchal d’Angoulême, puis maréchal de France. La collection Clairambault à la Bibliothèque nationale renferme de nombreuses quittances de gages de Jacques de Montbron. On y voit que le 17 août 1376 il était chargé de la garde du château de Mareuil en Saintonge, et que le 15 mai 1379 il guerroyait en Angoumois et en Saintonge. Il assista Charles VI le jour de son sacre. Pendant les années 1386 et 1387, Jacques de Montbron servait sous le maréchal de Sancerre, du côté des frontières de Guyenne (quittances du 22 mai 1386 et du 2 juillet 1387), l’année suivante sous le sire de Naillac (montre reçue à Mauzé, le 1er août 1388), et en 1389 et années suivantes, sous le sire de Coucy. Durant ce temps, il était sénéchal d’Angoulême, fonctions dont il fut pourvu par lettres du 9 août 1386. Dans des quittances du 29 juillet 1389 et du 17 avril 1393, il portait encore le titre de chambellan du roi, capitaine et sénéchal d’Angoumois. Pendant les divisions du royaume, le sire de Montbron embrassa le parti du duc de Bourgogne et du roi d’Angleterre. Nous verrons plus loin quel rôle il joua en Poitou, l’an 1412, lorsqu’il y fut envoyé avec Jacques d’Heilly et le sire de Parthenay, pour enlever le pays au duc de Berry et en prendre possession au nom de Jean-sans-Peur. Par lettres datées de Paris, le 21 décembre 1418, Charles VI lui fit don d’un hôtel sis à Paris, rue Saint-André-des-Arts, confisqué sur Martin Gouge de Charpaigne, évêque de Clermont, qui s’était attaché à la cause du dauphin. (JJ. 170, n° 286, fol. 239.) Vers cette époque, il fut pourvu de la charge de maréchal de France, à la place du sire de l’Isle-Adam, arrêté prisonnier, mais il ne l’exerça pas longtemps, ayant été destitué le 22 janvier 1421. Il mourut en 1422. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VII, p. 16 ; G. Demay, Invent. des sceaux de la coll. Clairambault, t. I, p. 660.) De sa première femme Marie de Maulévrier, fille aînée de Renaud, baron de Maulévrier, Jacques de Montbron eut deux fils, François et Jacques, et deux filles. En 1408, il se remaria avec Marguerite comtesse de Sancerre, dame de Marmande, fille unique de Jean III comte de Sancerre, veuve : 1° de Gérard de Raiz ; 2° de Béraud comte de Clermont, dauphin d’Auvergne. Il n’en eut point d’enfants.

2 La Chronique du Religieux de Saint-Denis rapporte longuement le siège et la prise (juin 1405) du château de Mortagne-sur-Gironde, l’un des principaux repaires des Anglais, d’autant plus fort qu’il était environné presque de tous côtés par la mer. L’auteur dit que le commandement des 800 hommes d’armes qui assiégèrent la place était confié au sire de Pons, le plus puissant d’entre eux. « Une noble dame occupait la forteresse comme par droit d’héritage depuis près de trente ans. Sommée de se rendre, elle répondit avec hauteur et dérision. » La résistance dura sept semaines. A la fin, craignant que la famine les réduisît à se rendre à merci, les défenseurs profitèrent d’une nuit obscure, à la fin de juin, pour s’enfuir par mer ; ils échappèrent presque tous. Le lendemain, les Français entrèrent librement dans la place et la rendirent à Guillaume d’Aulnay (sic), à qui elle appartenait par droit d’héritage. Ils mirent à rançon la dame et ses gens qui y étaient restés. (Edit. Bellaguet, dans la Coll. des doc. inédits, t. III, p. 275-277.) Le fond du récit est exact, mais les détails sont remplis d’erreurs. Les ville, château et seigneurie de Mortagne appartenaient au vicomte d’Aunay. En 1369, quand fut dénoncé le traité de Bretigny, le vicomte d’Aunay était Jean La Personne, à cause de sa femme (voir la note suivante). Celui-ci ayant pris parti, dès le début des hostilités, pour Charles V, le roi d’Angleterre confisqua ses biens, donna la vicomté d’Aunay au duc d’Yorck et le château de Mortagne au Soudit de Latrau. Après la mort de ce dernier, Mortagne fut donné au sr de Castillon, baron de Gascogne, au service des Anglais, qui tint cette place jusqu’à ce qu’elle fût remise en l’obéissance du roi de France. Jacques de Montbron entreprit ce siège « à l’aide de bonnes gens d’environ », vers la fête de Pâques 1405, et y fut occupé pendant trois mois. Quand le château lui fut rendu, il le remit entre les mains du connétable d’Albret, qui dirigeait alors les opérations militaires dans ces parages, par commission du roi Charles VI. Tel est le résumé des lettres de juillet 1405, données en faveur de Jacques de Montbron. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que cette version doit être préférée au récit du Religieux de Saint-Denis.

3 Marguerite de Mortagne, vicomtesse d’Aunay, dame de Chef-Boutonne, de Mortagne, etc., comme fille unique et seule héritière de Ponce de Mortagne, épousa d’abord Jean de Clermont, sr de Chantilly, maréchal de France, qui fut tué à la bataille de Poitiers, puis Jean La Personne, vicomte d’Acy. Jean II de Clermont, fils unique du premier lit, eut, après la mort de sa mère, un procès touchant la succession de celle-ci contre Guy La Personne, vicomte d’Acy, son frère utérin. (Arrêt du Parlement du 30 juin 1397, X1a 44, fol. 327.) Le premier fut maintenu en possession de la vicomté d’Aunay et de ses dépendances, par conséquent de Mortagne-sur-Gironde. Plusieurs arrêts en matière criminelle rendus contre Jean II de Clermont, en 1393 et en 1398, les premiers pour refus de rendre des prisonniers traîtres au roi, détenus au château d’Aunay, les autres parce qu’il s’était emparé de force du lieu de Benet et avait commis d’autres excès au préjudice du grand-prieur d’Aquitaine (X2a 12, fol. 192 v°, 194, 377 r° et v°, 379 ; X2a 13, fol. 225), fournissent des détails curieux pour la biographie de ce personnage. D’Eléonore de Périgord, sa femme, Jean II de Clermont, vicomte d’Aunay, n’eut qu’une fille, Louise de Clermont, ici nommée, qui épousa François de Montbron et porta dans cette maison toute la succession de la vicomté d’Aunay.

4 Par son testament, daté du 18 avril 1400, Jean de Clermont avait accordé sa fille à François de Montbron ; mais il ne l’épousa que le 25 mai 1403, après un long procès contre la veuve du vicomte d’Aunay et le seigneur de Murat. Le 3 juillet 1410, il rendit au duc de Berry aveu à cause de sa femme, pour la vicomté d’Aunay et le chambellage de Poitou. Les droits et devoirs féodaux énumérés dans cet acte sont des plus curieux. (Copie du Grand-Gauthier aux Arch. nat., R1* 2172, p. 1053.) En 1418, le sr de Montbron renouvela son hommage au dauphin Charles, comte de Poitou. (P. 1144, fol. 45.) Nous pourrions donner l’analyse de plusieurs actes et procès relatifs à ce personnage, mais nous aurons sans doute l’occasion de les placer ailleurs. Il suffira ici de signaler un arrêt rendu au Parlement entre lui et le sire de Sainte-Sévère, le 4 avril 1426, dans lequel se trouvent des renseignements fort intéressants. (X2a 21, fol. 46 v°, 47.) François de Montbron eut onze enfants et mourut fort âgé, en 1470.

5 Pierre d’Évreux, comte de Mortain, second fils de Charles le Mauvais, roi de Navarre, mort en 1412.

6 Jacques de Bourbon, sr de Préaux, grand bouteiller de France, troisième fils de Jacques Ier comte de la Marche.